Histoire

Comment peut-on grandir normalement lorsqu’on devient Éveillé si jeune ? A moins de subir un double éveil, la puissance ne change jamais, de ce fait la puissance du jeune Adonis avait été mesuré très tôt. Présentant un modeste rang E, pas de quoi véritablement chambouler son mode vie et son éducation. Il serait juste plus fort physiquement, plus réactif et peut-être plus intelligent que les personnes normales. Une infime chance d’être capable de faibles prouesses magiques dénaturant quelque peu l’espèce humaine. Aux yeux des autres ça pouvait être quelque chose d’extraordinaire, mais en réalité il n’en était rien. Les rangs S étaient idolâtrés, portés aux nus, les rangs A et B avaient le reste de notoriété, en laissant à peine une goutte pour les rangs C. Le reste ? Seulement des faire-valoir qui n’ont pas besoin de reconnaissance. C’était un peu l’idée générale du monde d’aujourd’hui.

Adonis était né il y a donc vingt ans, d’un soldat américain et d’une mère japonaise. Une vie néanmoins hors du milieu militaire, passée assez normalement dans les institutions publiques sans réels accrocs. Il faut dire qu’il faut être un poil timbré pour s’attaquer à un Éveillé ; même s’il est faible, une telle personne reste presque inaccessible pour le commun des mortels. Une scolarité en bonne et due forme, plutôt banale même. Le jeune homme savait déjà quoi faire de sa vie ; quoi de plus normal que de vouloir partir à la conquête des donjons pour une personne possédant des pouvoirs. Le destin était en marche, enfin c’était ce qu’Adonis semblait penser en tout cas. Malheureusement, il dut ronger son frein et prendre son mal en patience pendant plusieurs années, la majorité étant obligatoire pour devenir chasseur. Deux ans à s’entraîner physiquement, pour être le plus utile possible et ne pas gêner ceux aux puissances nécessaires. Intimer de bonnes relations est en quelque sorte la clef d’une entente cordiale et pourquoi d’une place dans une bonne guilde.

Le jeune homme connaissait sa force, mais encore plus sa faiblesse. Donc quelles que soient ses aspirations, elles étaient vouées à l'échec. Tant pis, un double éveil était peut-être possible se disait-il. Bien qu'extrêmement rare, c'était la seule possibilité qu'il lui restait, mais pour ça, il fallait visiter les donjons et s'améliorer. Faire l'effort pour être récompensé.

C'est donc tout naturellement qu'Adonis s'était inscrit en ligne pour être porteur lors d'un raid. Un donjon de rang D, petit d'après les dires, aux bêtes pas très puissantes. Bien sûr il avait hérité d'une place de Porteur, hors de question de laisser un être si faible avec une épée ou quelconque arme.

Devant le portail, le garçon se trouva tout petit. C'est différent lorsqu'on le voit de loin, derrière des barrières et des agents de police, que quand on se tient devant, face à cette chose immense et dévorante. Il avait l'impression d'être absorbé, que s'il s'engouffrait à l'intérieur, plus jamais il ne serait capable de revoir la lumière du jour. Ce n'est qu'après avoir vu le groupe d'attaque disparaître à l'intérieur sans une once d'inquiétude que le tout nouveau chasseur reprit ses esprits et s'engouffra à son tour dedans. Le passage se fit en douceur, mais toute la lumière disparue. Alors en plein air juste, ils étaient maintenant dans une caverne, froide et sombre, dégageant une légère odeur de terre humide.

« Bien, les tanks devant, les corps à corps juste après. Rôdeurs et autres mages vous serez derrières à assurer nos arrières. Les porteurs et mineurs essayaient de vous faire discret au fond. »

L'homme qui venait de prendre la parole n'était rien d'autre que le chef du groupe d'attaque. Un Tank de rang C, énorme et costaud, bien confiant sur sa force et ses capacités. Son armure brillait et arborait une belle couleur bleutée. Ce n'était clairement pas son premier donjon et son compte en banque devait bien être fourni pour posséder de tels équipements.
Le travail n'était pas bien harassant ; taper sur quelques cailloux brillants, les ramasser, charger son gros sac à dos et ainsi de suite. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais une première réussie laisse toujours une bonne impression.

La suite se déroula sans encombre, tout le monde exécutant parfaitement son travail. L'équipe d'attaque était bien coordonnée, chacun savait quoi faire, rien n'aurait pu mettre des bâtons dans les roues à cette avancée fulgurante. La fin du donjon était proche, mais à seulement quelques mètres de la porte du boss se présenta une autre porte. Pas aussi grande, mais bien plus majestueuse, aux motifs fournis et propres. Un mystère pour l'équipe présente qui ne semblait pas vraiment savoir ce qu'elle faisait là.

« Hmmmm... Nul doute que c'est la cache aux trésors. Suivez-moi et je partagerai équitablement. »

Équitablement mon œil. C'était ce que pensait Adonis, mais il n'allait pas aller à l'encontre du chef de groupe, surtout lors de sa première mission. La porte s'ouvrit très facilement, dévoilant une grande salle plongée dans l'obscurité. Dès lors que le groupe entier se trouva à l'intérieur, les portes se fermèrent assez violemment, dans un bruit sourd et fracassant, puis de multiples torches s'allumèrent par magie, éclairant d'un coup la pièce à grand coup de flammes virevoltantes. Un autel était disposé au milieu, avec des symboles incompréhensibles autour. Sur les murs étaient perchées des statuts de gargouilles, assez effrayantes et dépassant de loin la taille d'un humain. Chacune d'elles devaient mesurer environ quatre mètres, deux d'entre elles environ sept et une dernière dépassant les dix mètres. Personne n'eut le temps de se poser la moindre question que des lasers sortirent des yeux des statuts. Rouge vif, rapides comme l'éclair et presque inesquivable, ils découpèrent en deux et avec une précision presque chirurgicale le chef du groupe.

* Si... Si lui est mort d'un coup... Je ne donne pas cher de notre peau... C'était le plus grand, le plus large et le plus fort... *

Cette vue créa bien évidemment un grand élan de panique et d'effroi. Si personne n'osa bouger la première seconde, 90% des gens se ruèrent vers la porte de sortie la seconde d'après. Bien mauvaise décision car ils furent tous tuer par les mêmes lasers. Un amas de corps déchiquetés libérant organes et mares de sang gisaient au sol, une vue bien chaotique et bouleversante pour quiconque se trouvait là.
Il restait d'ailleurs quatre personnes. A priori un nombre requis puisque la plus grande des statuts se mit à bouger. Ses yeux s'ouvrirent, un large malicieux et maléfique sourire se dessina dévoilant des dents pointues et une phrase fut prononcée d'une voix mystérieuse et psychédélique.

« Un sacrifice est nécessaire pour sauver les autres. Le temps est compté avant que tout le monde ne meurt. »

Adonis était le rang le plus faible encore en vie et naturellement les autres le regardaient avec insistance. Sans même en discuter ou y réfléchir, ils semblaient avoir faire leur choix quant à leur survie. Mais pas de quoi inquiéter le jeune homme. Il s'était préparé à mourir dès son plus jeune âge, aspirant à embrasser une carrière dangereuse de chausseur. Si en plus c'était en tant que sauveur...
Dès lors, il se dirigea vers l'autel au centre de la pièce. Une fois son premier pied posé dessus, les portes s'ouvrirent délicatement, permettant aux trois autres de sortir. Chose dont ils ne se furent pas prier. A peine le dernier à l'extérieur, les portes se refermèrent et le plus grand des ennemis se rua sur Adonis.

La dernière chose qu'il aperçut fut l'énorme point face à son visage, puis un texte devant ses yeux : « Acceptez-vous de devenir un joueur ? ». La mort l'accueillant à bras ouverts, peut-être un passage vers les portes du paradis se dit-il. Pourquoi ne pas accepter ?