Ce soir était sans doute un soir spéciale pour beaucoup de gens. Pour Gura ? C’était la routine. Une routine … Humiliante. Dégradante. Elle comparait souvent ça à de la prostitution, mais peut-être en pire. Idole ou prostituée, on vendait son corps mais les idoles vendent aussi leur âme et leur personnalité. Ce soir, Shibuya était animée, décorée, pour un événement de la Nippon Television. Plusieurs idoles allaient se produire sur une scène  montée sur la Shibuya Crossing, cette fameuse place que tout le monde connaissait, le système nerveux même du quartier le plus à la mode de tout le japon. Les écrans géants incrusté dans les bâtiments avaient tous été loué pour rediffuser le show à ceux qui était trop loin de la scène pour pleinement apprécier leurs idoles favorites se trémousser.

Ce n’était pas la première fois qu’elle allait remuer sur cette place piétonne. Cela ne sera pas la dernière. Le trac ? Elle l’avait avant. Maintenant, il s’est atténué depuis qu’elle s’est dit qu’elle ne voulait plus se briser en mille morceau, physiquement et émotionnellement, pour des fans qui n’apprécient pas ce qu’elle est mais ce que ses producteurs et agents ont conçu pour elle, ou à sa place. Ce n’était pas « sa » carrière, c’était la leur. La carrière de Matsui Kazuma. Dénicheur de star, gros bonnet de la Nippon Television, manager d’idoles, de studios, de productions d’animation, quelqu’un qui bosse sur des milliards de choses et se fait tout autant de milliard en résultat.

Le soleil commençait à se coucher alors que le show commençait. Ce n’était pas à elle d’aller chanter et danser. Elle avait encore un peu de temps pour ça, planquée dans sa loge, dans le bâtiment au dos de la scène. C’était un batiment de Nippon Television qui vendait tout ce qui touchait à la musique, que cela soit des vieux vinyls, des cds eux aussi un peu vieux, de nos jours, du matériel audio du style enceinte ou casque, micro ou encore tout simplement des télés. Un lieu beaucoup trop bien décoré et stylisé pour un magasin de disque glorifié. Mais soit.

La sécurité était serrée, des barrières dressées entre la rue et la scène pour laisser patrouiller les hommes en noir qui veilleraient à ce que personne ne saute sur scène. Le japon était remplit de malade qui se prendraient trente coups de couteau, si cela voulait dire embrasser leur idole, ou juste la toucher … Ou juste conserver une mèche de cheveux qu’il aurait arraché lui-même. Et dire qu’elle devait sourire et envoyer des bisous à des gens pareille. Et pendant que ses soit disant « amies » et collègues performait l’ouverture de l’événement sur scène, Gura était là. Assise sur un tabouret. A se regarder dans le miroir dans sa loge. Elle portait son hoodie requin, la capuche en forme de tête de squale sur la tête, des crocs en tissu tout autour de son visage, tout était prévu pour être le plus adorable possible … Mais sa bouille ne voyait aucun sourire fleurir dessus.

Elle s’observait, pensive, dépitée, attristée. Sur la table soutenant le miroir, il y avait un bouquet de fleure avec une carte, sans compter quelques enveloppes avec soit des cœurs, soit des sardines dessiné ou tamponné dessus. Des fans. Des lettres de fans qui devaient sans doute dire qu’elle était la meilleure et qui l’encouragerait … Mais à quoi bon les lire ? Elles étaient à l’intention de Same Gura. Pas Fukahime Gura. « Same », le requin.

La porte s’ouvrit timidement … Avant de s’ouvrir en grand lorsqu’une jeune femme en tenue de performance remarqua que Gura était là. La robe était flashie, elle avait un serre-tête oreille de lapin et une expression renfrognée sur le visage. Buni ou Juri de son vrai nom, une de ses collègues idole.

« Ah ! Tu es là Same ! Qu’est-ce que tu attends ? Tu as même pas encore ton maquillage ?! On doit chanter ensemble dans même pas trente minutes et monsieur Matsui veut encore te voir avant ça ! Je te préviens, t’as pas intérêt à faire couler notre duet, j’ai besoin de cette soirée pour resigner mon contrat ! »

Et elle claqua la porte. Gura n’eut pas le temps de répondre quoi que se soit, ni même n’en avait l’envie en réalité. Elle la regarda simplement à travers son miroir avant qu’elle ne fille comme elle était venue. Inutile de la traiter de tout les noms car elles étaient un peu toutes comme ça, ici. Leur image et leur porte-monnaie avant toute forme de contacte humain ou de relation. Ainsi prévenue de manière charmante, la requine finit par froncer les sourcils et descendre de son tabouret pour marcher vers la sortie. Même sa porta était surveillée par des gardes.

Quelques instants plus tard, Gura débarqua sur un salon au premier étage du bâtiment, des canapés disposé de telle façon à voir la scène où des jeunes femmes dansaient, accompagnées de laser, de pyrotechnie et même d’hologrammes  projeté sur des surfaces transparentes, à la manière de concerts de certaines idoles virtuelles. Et dit qu’elle allait devoir discuter avec une de ses images débordante toute autant de vie qu’elle-même… Matsui Kazuma, un homme imposant, musclé, tatoué et pourtant toujours bien habillé avec ses cheveux impeccablement plaqué en arrière, fumait une cigarette en regardant le spectacle à travers la vitre. La pièce n’était pas à 100% insonorisée mais assez pour ne pas se faire crever les tympans et assez pour qu’on puisse discuter et se comprendre. Lorsque Gura arrivé, l’homme d’un certain âge déjà regarda par-dessus son épaule d’un air peu accueillant et lui fit signe de le rejoindre.

La petite idole vint alors s’installer à coté de lui, traversant les quelques agents de sécurité posté ici et là dans la pièce, son langage corporel montrant bien qu’elle n’était pas à l’aise mais en même temps, sa frimousse montrait une certaine rébellion.

« Cela fait quelques semaines que tu as perdu le sourie, Gura. » Le ton de sa voix était … Calme mais puait l’accusation. « Une idole ne doit pas juste sourire pour les caméras. Si elle fait cela, le public va le sentir … Ils ne sont pas aussi idiot qu’ils en ont l’air … Et si le public le sent, alors peut-être pas aujourd’hui, ni demain … Mais un jour, il se détachera de toi. »

Cela faisait 5 ans qu’elle fréquentait cet homme. Elle pouvait le remercier de l’avoir sortit de la misère et au fond, elle ne voulait pas le nuire. Il semblait dur mais les faits étaient là : sans lui, elle aurait sans doute pas su payer son loyer et aurait finit à la rue d’un mois à l’autre. Mais aujourd’hui ? Elle ne pouvait pas simplement lui présenter des excuses. D’une voix un peu plus forte et farouche que d’habitude, elle lui répondit avec aplomb.

« Je suis dans le top dix depuis des années. C’est ce que vous vouliez de moi, non, Matsui-Sama ? Je commence à connaitre mon métier, depuis le temps, alors vous devriez me faire confiance, mais … »

« Mais quoi ? » Il la coupa après avoir tiré sur sa clope, se redressant sur le divan pour poser les bras sur ses genoux. « Je suis pas con, Gura. Je sais que dés le début, ça a été difficile pour toi. Certains ont toujours rêvé de ce genre de job, d’autres sont né pour ça. Toi ? Tu as du travailler dix fois plus que les autres car ta tête était en aucun cas proche du monde du showbusiness mais tu y es arrivé. T’as plus de mérite que quiconque ici. Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi, après 5 ans à enflammer le japon, c’est maintenant que tu traine derrière ?»

Cette question était rhétorique. Les deux savaient la réponse. Peut-être espérait-il l’entendre de ses lèvres, cependant. La requine pleine de fougue se retrouva confuse un instant avant de fixer le sol d’un air renfrogné. L’homme avait comprit.

« … On te sert tout sur un plateau d’argent, et tu préfère aller te faire tuer en donjon. Est-ce que je dois te rappeler dans quel état tu es revenue, la dernière fois ? » L’homme aux lunettes de soleil se lécha le pouce et vint le presser sur la joue de Gura qui vint à grimacer, pas forcement fan du mouvement ni de la salive l’accompagnant, au passage. « Tu as beaucoup de chance que les bleues et la cicatrice s’est résorbée à temps pour ce soir… Et aussi beaucoup de chance que je peux utiliser ta petite lubie depuis ton éveil pour booster ton image marketing. Pas tout les jours qu’une idole soit aussi une chasseuse … Mais tu sais que ne porte pas cette lubie dans mon cœur. Même si ça a redonné un nouveau coup de fouet à ta carrière… Pfeuh … » Il sortit une autre cigarette de la poche de sa veste, grognant un peu en se la mettant au bec, lâchant quelques mots dépité avant de se l’allumer. « Risquer de mourir lorsqu’on est l’une des femme les plus aimées du japon … »

« … Mais Monsieur, si vous savez vous-même que j’étais pas vraiment chaude à l’idée de devenir une idole, pourquoi vous faites l’étonné quand j’apprécie faire d’autres choses ? »

« Oh, je ne suis pas là pour faire l'étonné. » Il marqua une pause, se tournant un peu vers elle pour la fixer à travers ses lunettes. « Tout ce que j’essais de te dire, ma grande … C’est que tu n’as pas idée de ce que je fais, des sacrifices, pour te permettre de faire l’idiote en donjon. Et parce que je te fais cette faveur, tu n’as pas intérêt à me décevoir. Tu sais. Ne pas mordre la main qui te nourrit. Ce genre de chose. Je t’apprécie mais je suis là pour faire du chiffre avant tout. Et tes chiffres ont remonté. Garde les biens haut, car tu ne veux pas me voir réellement en colère. »

Il se redressa ensuite lentement, soupirant, visiblement mécontent.

« Et si tu te pose la question … Non, tu ne m’as jamais vu réellement en colère. Et si ça arrive … Je te fais confiance pour savoir que tu devras vivre avec ça, car tu n’es pas prête de quitter le business. Maintenant repoudre toi le nez et fait leur ton plus beau sourire de requin. »

Le pas lourd, le grand homme d’affaire quitta ce salon alors que dehors, la fête battait toujours son plein avec une foule en délire, remuant dans une chorégraphie travaillée des bâtons fluorescents. Gura n’avait pas les mots pour répondre à tout ça. Elle qui voulait appuyer ses arguments et exprimer un ras-le-bol … Venait de se faire aplatir sous tout le poids d’un homme d’affaire endurcie qui devait s’asseoir sur quelques millions, si pas plus. Ses mots sonnaient clairement comme une menace dans sa tête et elle comprenait ce qu’il voulait dire. Elle était trop précieuse pour être simplement renvoyée, en réalité. Matsui ne l’avait jamais fait paraitre jusqu’ici mais… Elle s’imaginait lentement jusque où cela pourrait aller si un jour, elle essayait de s’échapper de cet engrenage infernal. Jusqu’où ira-t-il pour la garder près de lui ? Elle n’en savait rien. Elle était perdue.

Elle vint lentement descendre la capuche de son hoodie et tout aussi lentement, elle laissa tomber son visage dans ses mains. Elle devait sourire… Mais elle était sans doute à deux doigts de pleurer.
 

Gura avait le réflexe de se cacher le visage, comme pour ne laisser personne entrevoir ses failles … C’était un réflexe qui n’éviterait pas le mal, cependant. C’était évident que la petite nageait dans un désarroi certain. La seule raison pourquoi elle ne pleurait pas à chaude larme était qu’elle n’était pas seule en plus de devoir monter sur scène bientôt. Elle avait déjà pleuré de nombreuses fois et même un sourire n’efface pas les traces d’une telle détresse. Cela n’aide pas que le morceau qu’elle doit chanter est son dernier single qui est quelque chose de tout joyeux et entrainant.

Elle se figea cependant lorsqu’elle sentie une main chaude se poser sur le haut de son crâne dévêtue de son costume de requin. Elle ne releva pas la tête tout de suite, ne s’attendant pas à ce que quelqu’un vienne à elle, un parfait inconnu en plus de ça. Un inconnu qui semblait partager sa peine et la comprendre d’une certaine façon ? Elle ne savait pas si elle devait s’en réjouir, ni même si ça la réconfortait que quelqu’un ait vécu également cette situation.

Elle retira ses mains de son visage pour regarder lentement vers le haut, se rendant compte que c’était un des agents de sécurité en vue de sa tenue. La petite idole cligna des yeux le temps qu’il finisse ses mots d’encouragement. Honnêtement, elle ne savait pas ce qui l’avait piqué mais … Quelque part, le voir prendre du temps et peut-être prendre le risque d’être mal vu pour essayer de la réconforter, c’était ce qui la rassura vraiment… Même si la suite la fit froncer les sourcils. Tous ces mots gentils et cette espèce de mi-introduction juste pour lui tourner le dos ensuite ? Elle se retourna sur le divan pour l’interpeller.

« … Hey ! » Au moins, ça a eu l’avantage de la distraire de sa tristesse passagère. « Tu me montre de l’affection puis tu tournes les talons comme ça ? Tu as des progrès à faire, niveau communication ! » Elle ponctua sa petite réprimande avec un sourire gaillard, preuve qu’elle ne l’engueulait pas vraiment.

Pourquoi elle reprit le contact avec lui ? Cherchait le contact ? Après tout, en tant qu’Idole, la dualité du métier résidait dans le fait de jongler entre être entourée et trouver une bulle plus solitaire pour sa santé mentale. Peut-être que naïvement, l’entendre dire qu’il n’était pas fan ou la connaissait à peine joua sur son envie de pas juste … Le laisser partir. Ou peut-être que passer les dernières minutes avant le show en compagnie d’une personne sympathique allait être un pansement suffisant sur son cœur fissuré. Du coup, elle se leva et trottina vers lui et prit un air un peu timide une fois devant lui, se touchant les index ensemble.

« Mais, uhm … Merci d’avoir pris la peine. C’est rare que mon propre staff s’en fasse pour moi, ce qui est triste à dire, n’est-ce pas ? »
Elle haussa les épaules avec un large sourire et un ricanement, comme pour chasser le nuage de pluie qu’apportaient ses paroles.
« Et tu m’a déjà bien assez aidé juste à l’instant. T’as l’habitude de tenir la tête des femmes comme ça ? Hehe … Par contre, si tu veux vraiment en parler et continuer à « m’aider », ça serait vraiment dommage que tu deviennes boulanger demain. Je suis sûre que si je demande, on va t’embaucher quelques jours de plus voir… Uhm … »

Une lueur de malice éclata au coin de son œil alors qu’elle se frotta le menton dans un geste presque cartoon-esque. C’était un peu son métier d’avoir des réactions exagérées ainsi et quant à ses mots… Cela la changerait si on engageait un agent de sécurité qui faisait pas la gueule pour une fois. Elle finit par lever une main pour l’abattre doucement sur le bras de l’homme dans un geste amicale.

« Alors, Monsieur Chasseur de Rang E ! C’est quoi ton petit nom ? Et dans quel contexte tu as eu un monsieur Matsui Kazuma sur ton dos ? Enfin, si tu veux en parler, sinon je file me faire pouponner ~ »

Gura confirmait bien les dires de l’homme en hochant la tête. Oui, il avait l’air d’avoir un balais coincé dans le cul, d’une certaine pas façon. Pas totalement bien entendu, mais il était si … Formel ? Oui, il était en présence d’une star, dans un milieu professionnel mais il avait crevé cette bulle en premier. D’une certaine façon, c’était adorable. Grand monsieur tout sérieux qui a baissé sa garde, obligeant la naine à l’observer de manière taquine. Taquine au point de relever une de ses expressions peut-être maladroite dans le but explicite de le torturer gentiment.

« Aah, je vois, parce que j’ai un costume de requin, je suis un animal, donc tu t’entend mieux avec moi. C’est ça que t’essais de me dire ? ~ »

Oui, non, il était totalement meugnon en fait. C’était impossible de sortir de ce role de gars sérieux et d’essayer autant de s’y replonger. « Peu importe ce que c’est sensé dire »… Elle pencha la tête sur le coté d’un air attendrit, sa voix fluette se levant d’une manière un peu moins joueuse mais plus tendre. Presque plus sérieuse et sincère.

« Bah … T’es venu me toucher la tête quand je … « méditait » là-bas derrière. Ça faisait un peu trop papa-fifille à mon gout car j’ai une obsession sur ma taille mais c’était quand même réconfortant. Je m’attendais à passer les derniers moments avant de monter sur scène à … Tu sais … Essayer de retenir mes larmes. »

Elle l’avait avoué. Au fond, c’était peut-être plus ridicule de se le cacher. Les gens comme Shen, c’était rare. Il semblait peut-être trop sérieux mais il semblait sincère. Il ne la voyait pas comme idole numéro 50 comme tous les autres. Ou « machine à biller » numéro 32. Et peut-être qu’il venait d’avouer pourquoi. Son père était comme ça ? Comme monsieur Matsui ? Pas son manager, elle imaginait, mais quelqu’un qui veut dicter son future comme il lui expliquait durant son désarrois. Ils partageaient ce fardeau à des moments différent. Gura haussa les épaules, reposant les mains sur les hanches, pieds fermement ancré au sol.

« C’est lui qui m’a sorti de la misère. J’étais rien ni personne avant, j’ai failli me retrouver à la rue plus d’une fois. Il me fait chier mais je peux ne pas trop trop lui en vouloir. Cela serait cool s’il était un peu plus compréhensif cependant. J’ai peur qu’il me laisse jamais quitter le système … » Elle soupira mais finit par reprendre un large sourire en voyant l’heure au mur. « Bon, it’s shark time ! Je vais aller mettre le feu à la scène dans pas long ! Shen, on se retrouve après ? Shaaaaaark ~ »

Elle lui fit alors signe en rentrant dans son rôle, trottinant jusqu’à l’extérieur de la pièce pour aller se faire maquiller. Quelques minutes après cependant, alors que le monde s’activait dans le hall qui reliait toutes les pièces importantes de ce studio improvisé, le manager de toute l’opération claqua une porte ouverte, visiblement les nerfs à fleur de peau. Il tenait un livret en mains et avait remis sa veste de costard blanc convenablement sur lui et non juste sur ses épaules. Sa voix ferme et frustrée résonna fort, même au-dessus de tout le brouhaha des techniciens et autre ingénieurs du son.

« Est-ce que quelqu’un ici est un guitariste ?! Un Guitariste ?! »

Ses yeux se tournèrent alors vers l’agent de sécurité qui répondit à cet appel et le grand homme se dirigea vers lui, le pas ferme et lourd pour lui donner le livret … Et par « donner », ça voulait surtout dire « le lui plaquer contre le torse avec assez de force. ». Tellement de force d’ailleurs que le pauvre fou ayant répondu présent se retrouva dos au mur, à devoir regarder dans les yeux, ou plutôt à travers les lunettes, le manager qui ne semblait vouloir recevoir aucune réponse négative à l’instant présent.

« Alors voilà ce qui se passe. Notre guitariste s’est évanouit à la fin du dernier morceau car cet idiot a oublié de manger pendant trois jours. Soit. Il n’est plus en état et notre plan de secours ne sera pas là pour le prochain morceau alors tu prends cette partition, tu vas monter sur la scène et tu vas jouer le prochain morceau et peut-être même le morceau d’après si le remplaçant est toujours pas là. »

Après cette introduction plutôt brusque, il vint lui taper fermement l’épaule plusieurs fois, comme s’il l’encourageait.

« Tout va bien aller. T’es pas la star, personne va te remarquer alors ait pas le trac. Tout le monde aura les yeux rivé sur les idoles alors t’y vas, tu fais le moins de fausse note possible, tu te focalise sur la partition et tu serres les fesses. Qui sait, je pourrais même te rajouter un supplément si c’était okay. »

Puis il le poussa relativement gentiment pour le tourner vers la sortie qui menait derrière la scène.

« Aller, va te préparer … »

Avant de partir, Gura ne put s’empêcher de sourire d’un air un peu absent et estomaqué. Oh, il allait être difficile à relaxer, celui-là. Il prenait tout au premier degré on dirait. C’était qu’un trait d’humour entre ses paroles sincères et il est resté bloqué sur sa blagounette de merde. Un maigre ricanement sortit de ses lèvres.

« Oh boy … Je plaisantais tu sais. T’en fait pas, j’ai rien prit de mal. C’était une taquinerie, ahah … » Et sur ses mots, le shark time fut annoncé et elle disparut.

…

Du côté du manager, il hocha la tête avec un sourire un peu plus complaisant, semblant soulagé d’un poids à avoir trouvé une solution. Il ne perdait pas son allure un peu intimidante cependant. Qu’il sourit ou qu’il fronce les sourcils, Matsui gardait une aura … Menaçante. C’était le genre d’homme qui pouvait ruiner la vie de n’importe quelle personne d’un simple claquement de doigts et cette puissance lui était agréable. C’était difficile d’y résister lorsqu’on pouvait le faire. Mais l’argent ne semblait pas être un problème également alors il vint simplement ajouter.

« Tout travail mérite salaire, n’est-ce pas ? Ne t’en fait pas pour ça… »

Quelques minutes plus tard, le manager discutaient avec d’autres techniciens et leur donnaient leur directives de dernières minutes avant que l’imposant agent de star ne se retourne à nouveau vers l’agent de sécurité lorsqu’il s’approcha, retirant sa clope de ses lèvres pour laisser la fumée s’échapper. Il vint lui répondre d’un ton un peu plus sec, semblant focalisé sur autre chose.

« 50% de ton salaire en plus. Maintenant va rejoindre les autres musiciens sur scène, ils te donneront le feu vert. Les idoles vont faire leurs entrées dans … » Il regarda sa montre rapidement. « … Maintenant. Aller ! » Dit-il peut-être de façon exagérée, juste pour se débarrasser de Shen et pouvoir retourner à sa liste interminable de problème à régler.

…

La scène de Shibuya était en effervescence. La courte pause entre deux morceaux n’avait fait qu’attiser les foules car tout le monde savait ce qui allait suivre. Sur les grands écrans défilaient diverses images d’Idoles alors que les japonais remuaient leur bâton phosphorescent avec anticipation, profitant de l’obscurité de la nuit tombante pour honorer les idoles qui les font vivre tous les jours. Et justement, il était temps d’en accueillir de nouvelles étoiles brillantes sur scène. La musique se mit à jouer doucement et les lumières à changer de couleur. Les écrans commencèrent à diffuser l’introduction du dernier clip de la seule et unique Gura. Gura qui commençait d’ailleurs à apparaitre … Se tenant sur une plateforme émergeant du sol pour monter sur scène. Micro à la main, levant celui-ci dans les airs, elle affichait un air radieux et confiant, tous crocs dehors avec une fausse dentition de requin.

« Bonsoiiiiiir Tokyooooooo ! It’s Shaaaaaaark Time ! Graouuuuuh ~ »

Et lorsqu’elle fit ce mouvement des mains, comme si elle avait des griffes, des effets pyrotechniques se mirent à fuser derrière elle, paillette tombant du ciel et la musique  se mit à animer la scène d’un coup plus vif, son clip suivant sur tous les écrans. Cependant, une petite rotation sur elle-même pour faire le show et elle croisa le regard de Shen qui jouait de la guitare derrière elle. Pendant un bref instant, ses yeux devinrent tout ronds et à travers son micro, on a pu entendre un « a ? » résonnant dans le micro. Une erreur qui vint en réalité faire agiter les foules encore plus puisque cette stupide expression était l’une des choses qui l’avait rendu célèbre. Une longue histoire, mais elle pensa à écarter son micro pour essayer de parler à Shen, ne pouvant pas passer au-dessus de cette grande étrangeté.

« Qu’est-ce que tu fous là ?! Je pensais que t’étais garde ! Où est Takachi ?! »

Bien entendu, il est fort probable qu’avec la musique, personne autre qu’elle n’ait entendu ça, surtout quand elle disait cela à travers un sourire plastique pour que les caméras ne remarquent rien. Mais il était temps d’en faire fit et de se mettre à chanter. Le morceau le demandait.

Courants marin tirent sur ton cœur ♪
Un sentiment si puissant qu’il te guide ♫
Une vague d’émotion m’envahit ♪
Mais puis-je voir la mer à travers le récif ? ♫

Courants marin trainent dans ton cœur ♪
Un sentiment si puissant qu’il te guide ♫
Une marrée arrive et m’emporte ♪
Une force plus forte que la haine dans la foulée ♫

Un gros hit sur le thème de la mer, idéal pour elle et ce qu’elle représentait. Les paroles pouvaient décrire un idéal niais et irréaliste mais n’est-ce pas le cas de toutes les idoles ? Une idole n’allait certainement pas parler de sujets sérieux, dépressifs, à moins que ça ne parle peut-être d’amour aussi pour entretenir la passion des fans car il fallait se l’avouer … Les japonais regardaient vers les idoles pour trouver un réconfort affectif, aussi fictif soit-il. C’était du moins ce que Gura pensait, vu le comportement démesuré de beaucoup de ses fans.

Plus fort que la haine ♪
Une ancre dans le raz-de-marée ♫
Allez, mord à l’hameçon ♪
Comment combattre les courants de l’amour ? ♫

Vous tirent des tréfonds ♪
Vous sauve quand vous êtes naufragé ♫
Votre seule pulsion vitale ♪
Comment combattre les courants de l’amour ? ♫

Malgré ce mal être lié à son emploie, Gura se donnait au maximum durant ses représentation. Encore une fois, son job n’était pas forcement que torture. Chanter, danser, elle pouvait apprécier ça. Elle aimait d’ailleurs ça. C’était surtout l’usure constante de devoir faire ce genre de chose. C’était une passion qui était devenu une corvée. La pire chose qui pouvait arriver. Même là, elle n’aurait pas apprécié autant ce qu’elle faisait si elle n’avait pas mise son grain de sable dans la machine. Cette chanson était supposée être beaucoup plus douce avant qu’elle réussisse à convaincre Matsui-sama qu’un peu de peps façon rock puisse lui aller. Elle préférait mille fois ça aux tons plus doux et enfantin qu’on lui proposait. Après tout, Gura, de base, était une personne assez rock’n’roll.

Un deux trois quatre ! Mouvement au fond de l'océan! ♪
Cinq six sept huit ! Double bubble, nagez encore! ♫
Un deux trois quatre ! Mouvement au fond de l'océan! ♪

Un deux trois quatre ! Wooshi Wash les p’tits poissons ! ♫
Cinq six sept huit ! Triple ondulation, secouez vos palmes ! ♪
Un deux trois quatre ! Wooshi Wash les p’tits poissons ! ♫

Un deux trois quatre ! Les saumons grooves de partout! ♪
Cinq six sept huit ! Les palourdes qui claquent mais je m'en fiche! ♫
Un deux trois quatre ! Les saumons grooves de partout ! ♪

Un deux trois quatre ! Parade sous-marine d’enfer ! ♫
Cinq six sept huit ! Petite sirène toute mignonne ! ♪
Un deux trois quatre ! Parade sous-marine, let’s begin ! ♫

La requine sautait de partout, s’approchait du rebord de la scène, souriait à tout le monde, envoyait des baisers volant entre deux couplet énergétique. Le publique changeait le rythme de leur mouvement de bâton phosphorescent en suivant la chanson, tout était chorégraphié, tout était parfait. Tant d’énergie, tant d’adrénaline, tant de bonne humeur. On avait même dépêché de grandes machines à bulle qui envahissait petit à petit la place.

L’enfer de Fukahime Gura. Un enfer équivalent presque la première fois qu’elle a vu la mort en face dans un donjon. Un enfer plus lent et insidieux, qui allait la briser bien plus lentement, de manière beaucoup plus sadique peut-être …

…

Un peu plus tard, derrière la scène, après avoir souhaité à tout le monde de passer une bonne soirée et de disparaitre par la même plateforme où elle était venue … Gura vint se jeter sur Shen pour le frapper. Bon, pas sérieusement, bien entendu. En réalité, elle était très affectée par cette facette qu’on avait implantée à sa personnalité. Elle jouait la gamine surexcitée sur la scène et maintenant, elle frappait le torse de Shen avec de faibles petits poings.

« Sheeeeen ! Grand fou ! Tu faisais quoi sur scène ? J’étais trop surprise, j’ai failli louper le début de la chanson à cause de toiiiiii ! »

… Puis elle toussota un peu et cessa ses pitreries, rougissant un peu mais mettant sa main en « L » au niveau de son menton, un sourire carnassier au visage avec son dentier.

« Hmf. Enfin ! … Je ne peux pas dire que t’as pas assuré. Tu jouais mieux que le mec d’avant même. C’était Groovy ! Pure Jam’ ! Rock’n’roll ! » Elle ponctua ses exclamation en faisant des bruits de guitare avec sa bouche et en faisant essentiellement du air-guitare avant de cesser. « Mais comment t’es atterrit là ?! On m’aurait prévenu si c’était toi la grande star du groupe, hehe ~ Faudra qu’on se fasse des soirées feu de camp à ce rythme, heck yes ~ »

Pour finir, elle soupira tout de même. « Mais pour l’instant, le pire est à venir. Duo avec Buni. Je ne peux pas la piffrer, mais on doit faire comme si on s’aime tout plein. Urk. »

Takechi était tombé dans les pommes ? Pas étonnant. Il jouait bien mais sa vie privée était un vrai bordel. Elle n’allait cependant pas s’étaler sur le sujet car très clairement, de tout le groupe avec qui elle travaillait d’habitude, il était le plus … A l’ouest et pas si agréable que ça. A la place, elle vint simplement appuyer sur le ventre de Shen du bout de son index une paire de fois avec un sourire taquin.

« Regardez qui fait le modeste … C’est pas juste « savoir jouer de la guitare », ça ~ C’est plutôt … » Elle redonna un coup de air guitare. « ROCK IT TO THE LIMIT, WOOOH ! »

Après avoir lancé ses bras dans les airs, elle lui offrit un large sourire à la fois carnassier et presque innocent. Cela sonnait presque comme s’il l’imaginait boire de la grenadine comme une gamine mais elle se doutait que ce n’était pas le cas. Gura était une adulte, chose qu’elle a parfois du mal à faire entrer dans le crâne d’à peu près tout le monde, et en tant que tel, en plus de sa vie de déboire, elle n’était pas la dernière quant à la sélection d’alcool. Elle préférait parler et penser à ça plutôt qu’à son prochain duo mais elle suppose également qu’elle n’avait pas trop le choix. C’était d’ailleurs amusant, cette dernière remarque lui étant adressé, Gura levant un sourcil d’un air amusé.

« Hey, je l’aime pas, ça veut pas dire qu’elle va essayer de me bouffer. C’est toi qui devrait rester près de moi si ça se passe mal, hehe ~ Puis tes efforts seront récompensé par une belle bouteille. J’ai ce qui faut ! »

La requine ponctua avec un autre ricanement plein de malice avant de faire signe à Shen et de trottiner on ne sait où pour se préparer à la suite.

Matsui Kazuma, de son côté et ce, quelques minutes plus tard, fumait tranquillement dans un coin du studio improvisé, l’air sérieux, rivé sur des écrans installé aux murs pour l’occasion, semblant vérifier silencieusement si toutes les caméras et autres détails étaient bien en place pour quand le japon perdra la raison face à deux idoles chantant à tue-tête. Mais lorsque Shen approcha, il lui jeta un coup d’œil satisfait tout en lui faisant signe d’approcher.

« Tu as bien joué... J’ai promis un bonus si tu ne faisais pas trop de fausse note et tout était parfais alors voilà la suite pour toi … Tu joueras jusqu’à la fin s’il le faut car apparemment, à peu près tous les musiciens professionnels sont des idiots et le dernier en date a décidé de prendre la route la plus encombrée. Le fait qu’on réquisitionne Shibuya a créé des bouchons partout … »

Le fait qu’il demande le salaire du guitariste ne semblait pas être un problème, cependant, il se mit à froncer les sourcils à entendre les autres demandes. Il était clair que pour lui, ce genre de choses n’était pas « juste » risquées. Lui autoriser à faire un solo était une étrange fantaisie et si ça pouvait lui couter, c’était surtout le fait de kidnapper Gura qui était … Très osé. Le concept des idoles était étranger aux autres pays, ou du moins clairement pas aussi popularisé. Matsui ne savait pas où ça fonctionnait, chez ce garde du corps guitariste, mais ici, une idole au bras de quelqu’un n’était pas « juste » mal vu. C’était la fin d’une carrière. Chose qu’il ne voulait pas, pas tout de suite, pour Gura. C’est pour cela qu’avant qu’il ne se retourne, le manager n’hésita pas à lui saisir l’épaule et à le retourner vers lui à nouveau.

« Écoute-moi, le rêveur. Je ne peux pas décider de ce que fait Gura hors des heures de boulot. Légalement. Mais je peux faire beaucoup de choses. Officieusement. » Son regard était dur et même meurtrier, si tenté qu’on pouvait percer à travers ses lunettes de soleil orangées. « Une fille comme elle ne doit pas trop s’approcher des hommes. Les fans ne seraient pas très contents. Et ce qui rapporte du blé, ce sont les fans. Compris ? Si jamais j’ai le moindre écho de la plus petite rumeur car ton crâne vide a pas su resté discret … Je te ferais quitter la scène par derrière. » Puis l’homme le bouscula un peu brusquement pour partir à sa place, jetant sa cigarette mâchonnée au sol et l’écrasant sur son passage. « Le reste, j’m’en fou … » Et il se dirigea vers une porte, sans doute avec déjà mille moyens de se débarrasser de lui en tête.

Mais au moment de passer la porte, la petite Gura entrait justement, accompagnée d’une autre jeune femme dans un costume rappelant un lapin, une belle robe avec des carottes accrochées ici et là et bien entendu, les oreilles qui vont avec. Subitement, l’expression du manager changea pour un large sourire.

« Gura, Buni. Sur scène dans cinq minutes. Mettez-leur le feu, hehe… »

Mais la naine ne le laissa pas s’échapper tout de suite, lui offrant une bouille déterminée. « Attendez, Matsui-sama ! Vous savez, le gars qui a joué de la guitare … Oh. » Elle remarqua Shen dans la salle et le pointa du doigt. « Lui ! Il s’appelle Shen. C’est possible de le garder pour les proch- »

Mais elle fut coupée par le grand homme qui n’employa pas son ton autoritaire, pas cette fois. « On verra ça. Là je dois y aller, tout comme toi. Gambate. »

Et ainsi il disparut dans la salle d’à côté, laissant la requine un peu blasée et une lapine indifférente, si ce n’est mécontente. Comparé à la petite prodige, il semblerait que l’autre idole du moment soit à l’opposé total. Elle était là parce qu’elle le voulait, ou plutôt, pour pouvoir être célèbre, reconnue, ainsi de suite. C’était pour cela que le moindre caprice n’allant pas dans ce sens était superflu à son humble avis.

« Le garder ? Depuis quand tu veux faire ton propre crew, Gura ? Le premier glandu qui approche et tu veux te l’accaparer ? Tu es tombée bien bas… »

Chose à laquelle la naine répondit en lui offrant son regard noir le plus désabusé. « Je souhaite pour toi de ne jamais subir l’éveil car il t’arriverait des bricoles en donjon.. »

« C’est une menace ? Ooh, mais oui, j’oubliais que tu étais du genre à abandonner le travail d’une vie rien que pour aller te faire tuer. Tout s’explique désormais … »

« Oh oh oh, et pourtant, regarde qui est l’idiote qui réussit mieux dans la vie que toi, bunbun ! »

« Oui, car en plus des gens respectables, tu attires les pédophiles … »

« Aaaa, t’as du creuser un terrier jusqu’au centre de la terre pour porter un coup aussi bas. Au moins je ne me déguise pas en la mascotte de playboy pour attirer les vieillards ! »

« Au moins, mon icone en est mature. J’ai l’air d’une beauté, pas d’un requin en peluche. »

« Antenne dans deux minutes !! »

Heureusement que le cri d’un autre membre du staff vint briser le concours d’humiliation qui était à deux doigts de faire abandonner son calme à Gura qui montait un peu plus le ton à chaque fois, touchant des points sensible. Sans doute était-ce ce que Buni voulait, en réalité. Pousser Gura à la faute, entacher sa réputation, la détrôner pour devenir la chouchoute avant de s’attaquer à la prochaine star un peu plus haut sur le podium et finir au top. Mais qu’importe ses plans, elle leva le nez d’un air supérieur et se dirigea vers la scène, laissant Gura et Shen derrière. L’idole en bleu grinçait des dents avec frustration, crachant un peu de son venin.

« Quelle pétasse … Elle serait prête à vendre sa mère pour passer aux news, je déteste ce genre de personnes ! Ghnaaah ! » Levant les bras et gigotant pour évacuer sa frustration… Avant de se tourner un peu vers Shen. « Let’s go … Qu’on en finisse … J’ai … J’ai hâte d’être à cette nuit. » Un instant passa … avant qu’elle ne se mette à rougir en se rendant compte de ce qu’elle avait dit. « Pour ne plus être sur scène avec elle, je voulais dire, ahah … Rien d’autre … »

Gura plissa les yeux de manière confuse alors qu’elle se perdait dans cette histoire de loup. C’était un proverbe ? Ou était-ce une histoire ? Où s’arrêtait le proverbe ?  Où commençait-il ? Non, ça, elle avait comprit où il commençait mais soit, elle secoua un peu la tête et dépoussiéra son esprit de la confusion. Elle avait peut-être la tête vide de temps à autre, Gura savait aussi différencier ce qui était dangereux ou pas et se lancer dans une guerre avec son manager ? Vu ce qui lui ais arrivé récemment, la petite idole lui fit un petit signe de la main avec un peu de gêne, comme pour le dissuader.

« J-Je serais toi, je me calmerais un peu. Je veux dire … Il y a une raison pourquoi il me fou les chocottes. Je veux pas qu’il t’arrive des trucs pour des conneries … »

Finalement, Buni vint la narguer et la foutre en rogne. Parfait, quelques minutes avant de devoir faire l’innocente et la toute joyeuse.  La requine se dirigea déjà vers la scène pour briser un peu le contacte avec sa partenaire de show et elle n’entendit que la première phrase que Shen lui dit après ça. Bien entendu, pas ce qu’il lui avait chuchotter à l’oreille mais à voir le visage de la lapine, elle s’en retrouvait médusée. Sans doute plus choquée qu’on ose lui dire ça que réellement effrayée par les propos du gars qu’elle considérait comme un moins que rien jusque là. Elle semblait avoir un peu plus de deux neuronnes cependant et sembla décidé de ne pas relever pour que sa performance ne soit pas impactée par un concours de « qui va crier le plus fort »… Mais Gura ne s’en gêna pas, elle.

« Oi, Shen ! Laisse la déprimer dans son beau p’tit coffret doré, elle mérite pas ton temps et ton énergie ! Let’s go ! »

Quelques minutes plus tard, ils étaient sur scène et tout se déroula comme prévu. Sans parler de leur performance individuel qui avait été maintenue au plus haut possible dépendant de leur humeur, ce fut une chanson cocasse sur l’amour cooooomme prévu. What is love ? I wanna know. Que quelqu’un m’apprenne l’amour, tutti quanti, etc. Gura était bien prise au piège dans ce genre de spirale niaise car c’est ce que font les idoles, n’est-ce pas ? Oh, oui, certaines sortent du moule et créer leur image sur des bases de gangster, de rebelles, ainsi de suite. Même au japon, ça a son publique. Malheureusement, avec son physique … Jeune, son manager l’avait forcé à aller dans le mignon absolu. Same-desune, kawaii shark, on en passe et des meilleurs.

Mais alors qu’elles allaient quitter la scène, après avoir fait coucou aux fans, à la foule en délire, illuminée par les glowsticks dans la nuit noir …  La musique … Continua ?  Gura se força à garder un sourire, un peu comme si son entrainement incessant l’ordonnait, mais elle avait bien envie de faire de grands yeux bien choqué alors qu’elle se tourne un peu pour regarder Shen du coin de l’œil. Ce n’était pas dans les plans. Qu’est-ce qu’il foutait ? Cela envoyait mais ça changeait pas que c’était pas dans les plans ! Et qu’en penserait Bun- oh, elle s’en allait. Ouaw. Elle s’en allait. Elle avait finit son morceau et maintenant elle se cassait. La laissant seule en train de faire coucou comme une idiote sur un morceau qui se voulait plus rock’n’roll désormais. Et il lui faisait un clin d’œil ? Mais qu’est-ce qu’il espérait au juste ?! Qu’elle se mette à faire une impro du feu de dieux ? Elle tenait à peine sur ses jambes comme maintenant et puis, elle avait jamais fait d’impro. Et si elle se mettait à chanter les paroles d’autres musiques sans y penser ?! Cela allait être une catastrophe niveau droit d’auteur et tout, non ?

Mais avait-elle le choix ? Buni l’avait laissé en plant (et pour une fois, elle ne pouvait pas vraiment la blâmer) et elle avait la foule rien que pour elle. Elle ne pouvait pas juste se retourner et faire comme elle, maintenant qu’elle était restée comme une cruche sur scène. Elle ne savait pas comment la musique de Shen allait se jouer et elle imaginait déjà la panique en coulisse … Mais elle allait devoir se lancer. Essayant de s’imprégner du rythme de la musique, elle activa … Shark Brain 2000.

I've lost a lot a in this game !
Like my everyday face with no name…
Yet i’m not selling misery !
So why not stay around with me ?

Whoa, I know that you are afraid.
The traces of war linger on my face…
But I'm not selling calamity !
Maybe one day I'll feel home again ?

« Bear the pain, it’s too late »
« No turning back, it’s your fate »
But hold on, hold on with me !
What if we could change this world here and oversea ?! (x2)

They trully tried to put a shark in a cage ?
And they think I’m not strong enough to escape ?!
I refuse to let them think that I can’t swim !
I’ll dive again, I’ll own the oceanic rim !

I hold this dream like the words of this song !
Don't let me forget what it is to belong !
What happened to our harmony ?
Oh, please just sing with me !

Whoa, you don't have to turn a blind eye …
If you really look I'm a regular gal !
I'm selling dreams and a good company !
I’m sure one day we’ll feel whole again !

Life is a tight rope and it’s hard to maintain.
Let me hold your umbrella, never feel the rain !
We’re all standing on the edge so stay close.
Many more rounds, get ready for another dose !

« Bear the pain, it’s too late »
« No turning back, it’s your fate »
But hold on, hold on with me !
What if we could change this world here and oversea ?! (x2)

…

Bien qu’elle ait donné toute son énergie dans cette chanson et qu’elle ait sans doute raconté beaucoup qu’elle le devait là dedans, Gura ne se souvient presque rien de ce qui s’est passé. Elle était en pilote automatique, trop stressée par cette nouvelle situation sans doute. Elle ne se souvenait plus si elle avait sauté sur place, si elle avait kiffé la vibe, enthousiasmé ou fait un flop… Elle savait juste qu’après avoir quitté la scène, elle se tien la tête en soupirant.

« Bordel, Matsui-sama va me tuer … Matsui-sama va REELLEMENT me trucider. »

La vérité est que le public semblait avoir aimé et tout le monde semblait impressionné par l’anglais de la petite idole qui jusque là, n’avais réellement chanté qu’en japonais. Cela semblait plus naturel, dans une situation de stress, pour elle. Beaucoup ne devinerait jamais que cette chanson avait été improvisée de A à Z…

Mais autre que ça, elle vint aussi à une réalisation, peut-être pour se distraire de son inquiétude. « Je dois écrire ça. Je dois écrire ça avant que j’oublie tout le non sens que j’ai beuglé ! KYAAAAH ! »

Et alors que tout le monde en coulisse paniquait car le planing a été chamboulé, Gura se mit à courir vers sa loge dans l’espoir d’y trouver un stylo et du papier. Le manager ? Etrangement, il ne montra plus sa bouille. Il était impossible qu’il ne sache pas ce qu’il s’est passé mais ne pas le voir était à la fois réconfortant et inquiétant.

Ce fut la dernière apparition de Gura pour la soirée. Sur scène comme ailleurs. Elle avait … Très peur. Elle s’était planquée. Elle regardait son téléphone, craignant un appel ou un message de son manager à tout moment. Elle était tellement choquée de sa propre performance qu’elle … N’avait même pas pensé à réprimandé Shen. Mais il restait une preuve qu’elle ne l’avait pas oublié.

Gura se tenait là, hors de son costume de scène, une grosse veste et un bonnet pour parer au froid de la nuit alors qu’elle était assise sur une marche d’un petit escalier qui menait à l’intérieur, dans la ruelle derrière le bâtiment qui accueillait tout le personnel du concert. Et alors qu’elle avait sa tête posée contre le mur à coté, elle tenait entre ses bras et sur ses cuisses une bouteille un peu énorme. La bouteille qu’elle avait promit à Shen … Mais ne sachant pas où il était, et étant elle-même un peu perdue, elle attendait simplement là, l’air amorphe et sur le point de s’endormir. Elle pouvait jouer les dures ou les gamines insouciante, elle avait tout de même la trouille pour des choses triviales pour certains mais la tenant à cœur.

« Hold on... Hold on with me ... What if we could... change this world... here and oversea ? ... Hmm ... »