Rien ne va Plus

Kasumi était fatiguée. Pas seulement ce jour-là, elle se sentait constamment fatiguée. Elle ne dormait pas assez, n'avait plus beaucoup d'appétit, ne parlait plus à grand monde... Certes, elle allait travailler, certes elle faisait tout de même un maximum d'activités pour tromper ses émotions mises en arrière plan mais les effets étaient là : Ses jours de repos étaient passés dans son lit, observant le plafond et demandant à Junko de la laisser seule.
Ce dimanche promettait d'être le même de ce point de vue. Elle avait dormi quatre heures, elle avait des cernes sous les yeux et elle ne comptait pas bouger de sitôt. Elle visualisait des fleurs dans sa tête, se répétait des étapes d'entretien, tentait d'inventer de nouvelles combinaisons de bouquets.

Toutefois, la fleuriste fût interrompue brutalement. Son interface s'imposa à son regard, affichant une bulle de dialogue.

"Point d'étape N°1" était-il indiqué, accompagné d'un compte à rebours et de coordonnées. Soupirant mais tout de même intriguée, elle agrippa son téléphone pour voir où elle devait être menée, à savoir l'entrée d'une forêt non loin. Forêt qui engageait les sentiers montants. Kasumi observa dehors... il pleuvait.

-Une sortie sous la pluie... Pourquoi pas après tout...

Elle tentait de quelque peu dédramatiser la chose mais la boule qui s'était retrouvée dans sa gorge refusait de s'en aller. Etait-ce un piège ? Que lui arriverait-il si elle n'était pas dans les temps ? Elle ne voulait la réponse à aucune des deux questions.
Ainsi, elle indiqua à sa soeur qu'elle partait se balader. Elle prit un parapluie et se mit en route.

Arrivée en bas de la montagne, à l'entrée de la forêt, une nouvelle bulle s'afficha, indiquant de nouvelles coordonnées. Ces dernières demandant bien entendu de s'y engouffrer. Kasumi n'en avait vraiment... mais vraiment pas envie mais voyant que personne ne l'attendait derrière un buisson, elle préféra éviter de subir quelconque pénalité concrète.
Cependant, à part son manteau et son parapluie, elle était très mal équipée pour la pluie, elle manquait constamment de glisser. Ses chaussures étaient remplies de boue, son manteau était lourd à cause de l'eau et ses mains commençaient à sérieusement se salir à force de se rattraper de justesse.

Le point d'étape 2 était un rocher qui lui permit notamment de prendre une pause. Les nouvelles coordonnées étaient à la même distance et... elle en avait déjà trop fait pour reculer. Un coup de vent emporta son parapluie et... ses larmes et sanglots se perdirent dans les gouttes.

Dans la fatigue, la saleté, la boue et le désespoir, elle continua son avancée. Elle commençait à éternuer, à tousser et avoir mal à la tête. Pourtant elle continuait. Le troisième point d'étape n'était même pas marqué par quoique ce soit, c'était juste un bout de terre en diagonale. Rien pour reposer ses jambes tremblantes, rien pour oublier qu'elle tombait malade de fatigue et de froid et personne pour lui autoriser de s'arrêter.
La fin de la route lui parut interminable et pourtant, cette conclusion avait l'air d'être au moins sur un sol plat. Les derniers pas furent un enfer, les derniers mètres furent une torture. Mais au moins, la pluie laissait place à un soleil, certes pâle mais tout de même présent.

Arrivant à la fin du parcours, un petit signe vert en forme de V apparût sur son interface, laissant place à une clairière, ensoleillée et remplie d'orchidées de diverses couleurs. Kasumi tomba à genoux, s'effondrant sur le ventre. "Ce ne serait pas plus mal de finir ici" pensa-t-elle. Mais tout ce qui sortit de sa bouche dût un énième pleur qui résonna pendant plusieurs minutes dans la forêt avant de céder la place au silence. Un silence qui se conclut par :

-*snif* Allô Junko... J'ai besoin d'un taxi près de la forêt s'il-s'il te plaît... J'ai trouvé une jolie clairière pleine de fleurs mais c'est trop loin... J'ai pas le courage de rentrer à pieds...

-Kasumi, arrête ça ! C'est la deuxième fois que tu vas faire une bêtise du genre ! Dix kilomètres de nage en octobre, tu vas geler !

-Oui d'ailleurs, je voudrais que tu m'accompagnes s'il te plaît. J'aurai besoin de pauses régulières.

-Mais c'est pas possible, t'es tombée sur la tête depuis ce donjon ou quoi ?!

-Des fois je me demande, mais il semblerait que non.

Kasumi venait de subir un coup de pression monstre. La première quête qui lui avait été envoyée avait été remplie de son plein gré. La deuxième en revanche, elle comptait ne pas la faire. Mais en fermant l'interface, lui fût forcé d'effectuer ladite tâche en une journée. Dans le cas contraire, elle serait envoyée dans un donjon punitif. La fleuriste ne savait pas ce qu'était un donjon punitif et ne voulait pas savoir. Il fallait absolument qu'elle contacte Hoshino et Mirai pour savoir si elles devaient également faire ces quêtes.

Pour l'heure, il était urgent d'y aller. Elle et Junko préparèrent des affaires : des paniers-repas, des serviettes, des affaires chaudes, des combinaisons thermiques.

-Kasumi... Je sais que t'es pas dans ton assiette mais... pourquoi faire ça ?

-Je suis fatiguée Junko, fatiguée et déprimée. J'ai besoin de bouger, de me motiver à quelque chose.

-Il n'y a rien de moins fastidieux ?

-Rien, non.

Junko avait pu voir une certaine angoisse dans la voix et le regard de sa soeur alors qu'elle prononçait ses mots. La route fût longue, elles remontèrent simplement une rivière assez grande pour que Kasumi puisse aisément la descendre tout en faisant des pauses. La pauvre ôta sa tenue, enfila sa combinaison, grelottant et respirant fort. Elle posa les pieds dans l'eau gelée et-

-IIIIIH ! Mon dieu j'en ai mal aux os !

-Je t'ai demandé huit fois pendant le trajet si tu voulais faire demi-tour et-

-JE NE VEUX PAS ! Je vais le faire ! Il me faut juste... juste u-une minute.

Kasumi respira longuement le temps de s'habituer au froid, mouillant sa nuque, elle s'immergea petit à petit.

-T'es complètement maboule.

-A-A-A-Atttteeeeeennnnndsssss j-j-j-j-je v-v-v-v-veux que-que m-m-ma c-c-combi-nai-naison f-f-f-fasse efffffeeeeeet...

Et enfin, après cinq minutes à grelotter, le temps que Junko ne range les vêtements dans le sac, Kasumi s'était habituée et elle commença doucement à nager, suivie de près par sa soeur sur la rive. Le décompte de mètres augmentait sur l'interface, Kasumi se focalisait presque totalement là-dessus... jusqu'à ce que ses muscles lui fassent un peu mal au bout d'un kilomètre et demi. Elle s'accouda sur la rive.

-Tu... fais une pause ? Tu veux sortir ?

-Non non, il faut que je garde l'habitude. Tu peux me sortir une barre de céréales s'il te plaît ?

-Voilà... Je te savais pas si résistante.

-... moi non plus.

15 minutes s'écoulèrent avant que la fleuriste ne reprennent une grande respiration et ne retourne au casse-pipe. Cette fois, elle ne tint qu'un kilomètre mais d'avantage car elle souhaitait s'arrêter avant d'avoir mal que par réelle fatigue. Ce rythme semblait lui convenir.

-C'est moi où tu t'essouffles moins ?

-Je commence à prendre le pli ! Et puis la combinaison fonctionne particulièrement bien.

Au bout de 4km, les deux purent même commencer à dialoguer pendant que Kasumi nageait, cependant au huitième kilomètre... La jeune femme commença de nouveau à sentir des douleurs, assez intenses cette fois. A tel point qu'elle manqua de boire la tasse. Cette fois, elle allait devoir prendre une réelle pause Restant en combinaison tout de même, elle s'assit contre un arbre alors que Junko lui faisait manger son bento. Cet arrêt dura une heure.

-Plus que deux kilomètres... j'y retourne.

-Tu sais... huit c'est déjà bien.

-Ecoute Junko, je me suis donné un objectif, je DOIS m'y tenir, je dois me prouver que je peux le faire.

-Okay.

Les deux derniers kilomètres furent infernaux. Kasumi avait mal partout, ses os étaient vraiment douloureux et elle devait prendre des pauses plus régulières. Mais quand enfin le petit son qui indiquait qu'elle était au bout retentit, son corps sembla presque lâcher. Elle put rejoindre la rive, s'écroulant au sol et s'endormant presque immédiatement.
Cette fois, elle n'était pas tombée malade dans les jours suivants mais les courbatures durèrent deux jours, tant qu'elle dut prendre un arrêt de travail pour se remettre.

-Je comprends toujours pas pourquoi t'as voulu faire ça en fait.

-J'ai... vu une petite fille le faire sur internet et je me suis dit "si elle le peut, moi aussi."

-T'as vraiment essayé de te prouver meilleure qu'une gamine ?

-Ne rends pas ça plus ridicule que ça l'est, par pitié.

...
Quinze. C'était le nombre de tours que Kasumi avait comptés. Tours de quoi ? Eh bien de Mirai qui faisait le tour de la boutique avec un but de séduction non-dissimulé. En effet, la quête de la semaine donnée par l'interface consistait à faire du vélo. Si la fleuriste n'avait pu s'y atteler par manque de temps, la Russo-Japonaise avait, elle, choisi de le faire en tournant autour du pâté de maisons. Elle en profitait d'ailleurs pour exhiber ses muscles saillants et si clairement, la vue ne déplaisait aucunement à la jeune femme, cela l'empêchait de discrètement confectionner un bouquet assez important, ni même de faire des tests, trop visibles de loin.

-Décidément, ça n'en finit pas...

Kasumi avait un rendez-vous en fin de semaine et son bouquet devait être prêt pour l'heure. Mais avec Mirai qui tournait en boucle, impossible d'y réfléchir à tête reposée. La fleuriste avait donc décidé d'y penser... en faisant sa quête. Elle avait déjà loué un VTT et s'était libéré la journée suivante pour la faire. En attendant, elle devait observer le manège infernal.


-GAH- !

Un sursaut, beaucoup de sueur, voilà qui venait de sortir Kasumi de son sommeil. Encore un cauchemar, un énième cauchemar dans lequel elle revivait sa mort. Son coeur battait la chamade, elle était prise de fortes nausées et sa respiration se saccadait. Pourtant il n'était que cinq heures du matin. Elle se leva, bien consciente de ne pas pouvoir se rendormir dans l'immédiat. Se dirigeant vers la salle de bain, elle alluma la lumière avant de se passer le visage à l'eau fraîche, observant son reflet dans le miroir.
Ce n'était... plus aussi catastrophique que trois semaines plus tôt. Les cernes étaient toujours bien là mais sa peau avait repris de la couleur et sa crise d'angoisse avait disparu bien plus vite.

-Faut croire... qu'elle me fait vraiment du bien au moral cette imbécile...

Bon, elle était réveillée, autant en profiter. Elle s'habilla et prit le vélo de location qu'elle avait entreposé en bas de la rue. Il faisait encore bien sombre, le soleil pointait à peine le bout de son nez ais bon, elle avait vu le chiffre sur son interface baisser. Elle devait donc s'y mettre au plus vite. Elle ne s'en inquiétait plus trop cela dit : ses stats avaient beaucoup gonflé et sans être une promenade de santé, 150km lui semblaient... faisables en comparaison avec l'escalade de la semaine passée.
Elle commença donc sa route, tranquillement, sans se presser, histoire de garder des forces. Elle comptait se diriger vers la forêt encore une fois et prendre à manger sur la route.

Bon déjà, des anémones violettes. Il faut que ce soit la base du bouquet.

Elle s'arrêta à une petite supérette, son regard dans le vague semblait pourtant juger tout ce qui se trouvait autour. Plongée dans une intense réflexion, le vendeur sembla quelque peu désarmé quand vint le moment de payer les quelques onigiris qu'elle avait choisis. Elle reprit tout de même la route, jusqu'à enfin arriver sur un chemin montagneux.

Je mettrais bien des tulipes blanches pour transiter mais... C'est très cavalier... Et redondant. Peut-être du jaune pour complémenter ? De jeunes pissenlits... ? La puissance du soleil...

Durant son ascension, Kasumi manqua de tomber, le chemin se faisant escarpé. Et elle n'était pas loin d'avoir atteint le tiers de son trajet. Elle continuerait comme ça jusqu'à la moitié des kilomètres demandés avant de faire le retour qui lui permettrait de remplir bien naturellement son quota.

Et pourquoi pas... Un tournesol au milieu ? Je resterais dans l'esprit du soleil...

Finalement arrivée à mi-parcours, Kasumi décida de prendre une pause. Elle était fatiguée et midi faisait déjà sonner sa cloche. Elle avait pris son temps et ce n'était pas plus mal. Elle pouvait d'ailleurs constater qu'elle avait une trentaine de points de statistiques à répartir. Elle profita de son repas pour le faire avant de se remettre en route.

Les anémones risquent d'être noyées dans le jaune cela dit... Il me faut quelque chose de la même couleur pour contrebalancer comme... de la lavande. Ce n'est pas trop intime à offrir de plus.

"AÏE" résonna cependant sur le petit chemin de montagne, Kasumi avait perdu l'équilibre et était tombée. Son coude avait été gentiment égratigné. Elle n'avait pas envie de continuer... Elle avait juste envie de faire ce bouquet mais... Si elle n'était pas à la boutique, cela ne serait pas possible et ce fût sa motivation pour y retourner.

Je verrai pour la façon de les attacher sur place mais un joli ruban violet clair serait de bon goût...

Au final, la fleuriste n'avait pas vu le temps passer et la voilà déjà arrivée à l'appartement, sa quête complétée sans trop de problèmes. Cependant, avant même d'aller rendre son vélo, elle prit son téléphone et...

-Allô Malone ? Je voulais savoir si je pouvais venir plus tôt demain. J'ai un bouquet personnel à faire. Oui oui, je le paierai ne vous en faites pas.

Comment s'était-elle retrouvée là ? Dans l'état, Kasumi était en haut d'un toit. Malgré qu'elle ait délibérément choisi le plus bas possible, regarder en bas provoquait chez elle un vertige effarant. Et elle observait encore et encore cette bulle de dialogue qui lui donnait non pas un mais trois objectifs. Trois objectifs qu'elle devait remplir de concert. Trois objectifs qui pointaient tous vers l'idée de faire dix kilomètres de parkour et si Mirai était professionnelle de cette pratique... la fleuriste avait peur des hauteurs et n'avait jamais fait ce genre d'exercice. Pour elle, c'était l'équivalent d'un arrêt de mort.

Cela fait, non pas cinq minutes, dix minutes ou même un quart d'heure qu'elle hésitait à commencer mais bien UNE HEURE qu'elle fixait le premier gap entre deux toits d'un air parfaitement neutre en attendant... que la quête ne lui dise "Nan mais c'est bon tkt tu peux descendre". Chose qui évidemment n'arriva jamais.

-Bon j'abandonne.

Sauf que non. Un sms arriva à point nommé, provenant de Mirai. Si au départ, Kasumi avait fini par muter les notifications provenant d'elle, une certaine soirée l'avait convaincue de retirer cette sourdine. Ainsi son téléphone vibrait plus qu'il n'était au repos. Mais cette fois, la fleuriste n'avait pas hésité à ouvrir ses messages.

"M>ALLEZ ALLEZ ! FIGHT FIGHT ! >A<
M>TU PEUX LE FAIRE JE CROIS EN TOI !!! >:3
M>Attends t'as reçu la quête ?
M>Allô ?
M>AH OUI JE TE VOIS !!! °v°
M>"

Kasumi ne savait pas exactement d'où Mirai l'observait mais... eh bien elle n'avait pas envie de la décevoir. Elle rangea donc son téléphone (qui vibrait toujours comme un husky fou). La fleuriste se frotta les yeux de deux doigts avant d'enfin faire son premier saut. Saut réussi qui-

-BRAVOOOOO !!!

Saut réussi qui entama le compteur de la fenêtre. Un petit pas pour... tout le monde en fait. Mais un pas certain ! Kasumi ne réalisait pas bien ce qu'elle venait de faire mais bon, elle était satisfaite. Malgré ses jambes qui tremblaient. Elle commença donc à courir pour entamer ses dix kilomètres avant de freiner brutalement face au gap suivant.

-Bon j'abandonne.

Ce coup-ci c'était pour rire mais elle avait réellement freiné par réflexe. Ainsi elle recula quelque peu, avant de sauter et- De tomber dans des sacs poubelles. Elle avait eu la peur de sa vie, heureusement que ce n'était pas arrivée durant l'escalade. Mais au moins, cela lui permettrait de faire de nouvelles tractions. Elle agrippa une petite gouttière, passant de fenêtre en fenêtre. Elle s'étonnait elle-même, c'était bien plus simple que la falaise et sa statistique d'agilité faisait des miracles.
Elle parvint donc à retourner de nouveau sur le toit. Cette fois, elle prit bien plus d'élan et parvint à atteindre le troisième bâtiment.

-Il faut juste que je conserve mon élan... Plus facile à dire qu'à faire.

Ses réflexes de survie avaient la peau dure et la première heure consista majoritairement en elle qui se stoppait face aux rebords pour reprendre plus d'élan... ou tomber et devoir remonter. Ce qui lui permit à terme de gonfler le compteur de tractions et de kilomètres par simple répétition d'échecs. Kasumi prit une petite pause une fois son rythme trouver : elle n'avait plus de tractions à faire mais il lui restait 25 toits à sauter.

Buvant un peu d'eau, elle regardait ce que Mirai lui envoyait dont... une photo d'elle au sport, trempée de sueur, son t-shirt presque transparent. La fleuriste rangea le téléphone, sa bouteille d'eau, son regard empli de DETERMINATION. Heureusement, grâce à ses échecs précédents, la fin du parcours fût bien simplifiée. De plus, elle n'avait qu'à courir et sauter.
Elle eut donc fini son parcours au bout d'une heure et elle utilisa un plus petit gap d'immeubles pour faire les trois sauts qui lui restaient en aller-retour.

Elle tomba au sol et rouvrit ses message.

"M>
K>Attends une seconde.
M>Eh ?
K>*Photo de t-shirt mouillé*
M>KJHFVDLSVBYKUIVQUIYA
K>Merci pour ton aide.
K>Mirai ?
K> Allô ?"

Réactions de Mirai consenties et validées par le joueur.

-Kasumi ! Espèce de saloperie ! Sors de ta cachette, on va te fumer !

Comment Kasumi s'était retrouvée dans une telle situation ? Cachée dans un buisson, arme à feu prête à tirer à tout moment et poursuivie par une bande de macaques voulant sa peau. Quelle question, bien entendu que cela venait de la quête hebdomadaire. Toutefois, là où d'habitude, cette dernière était... disons évitable, celle de la semaine s'était tout simplement imposée sous la forme d'une malchance constante. Douze heures de malchance par jour, ni plus, ni moins.
Elle avait commencé tranquillement, le jour précédent : Le lave-vaisselle avait manqué de projeté un couteau dans l'oeil de la fleuriste, son repas à emporter avait été confondu avec une commande d'empoisonnement... Elle avait fini par retirer son manteau pour le garder à l'abri de cette vague atroce... Puis le plancher se déroba sous ses pieds et elle manqua de faire une chute de plusieurs mètres si elle ne s'était pas rattrapée à temps.

Elle s'était donc enfermée dans sa chambre mais... Une balle perdue venue d'on ne sait où brisa la vitre, manquant de justesse sa jambe. Elle n'était en sécurité nulle part, à aucun moment. C'était simple : Aucune pause ne lui avait été accordée. Pendant douze heures elle n'avait pas : mangé, dormi, travaillé, RIEN. Elle ne se permit une pause que lorsqu'elle vit le chronomètre du jour enfin s'arrêter.

Ce dernier avait donc repris de plus belle le lendemain. Heureusement, elle avait cette fois-ci eu le temps de manger et de s'éloigner au plus vite de Junko afin de la préserver. Elle voulut parler à Mirai mais son téléphone manqua de batterie, elle voulut prévenir Malone qu'elle ne pouvait pas travailler mais en se rendant à la boutique...

-Kasuuuuumiiiiii...

-Oh non, pas vous...

Ceux qui se tenaient devant elle en pleine rue étaient les chasseurs de rang E avec qui elle était allée en donjons. Au nombre de dix, ils étaient armés et visiblement en colère.

-Tu sais qu'à cause de toi, notre réputation a tellement baissé qu'on a perdu CINQ membres ?! Plus personne veut nous rejoindre. Alors on va se mettre d'accord sur un point : On va te crever.

-Je ne préférerais pas si possible.

-Cours ma biche, tu veux pas savoir ce qu'on fera avant de fourrer ton crâne avec du plomb ?

Evidemment que c'était de la malchance. Evidemment que le système ne lui ferait pas de fleur ! Et évidemment, sa seule chance était de fuir. Heureusement, son agilité améliorée lui permit de rapidement les distancer... non sans se cogner à un lampadaire en voulant regarder derrière elle. Elle avait tenté de leur échapper par les toits : Ils l'avaient suivie. Elle avait tenté de se cacher dans une benne : Ils l'avaient trouvée. Toute la journée, elle avait fui, passant de cachette en cachette, esquivant les balles et bien entendu : PAS UN SEUL POLICIER. Elle avait fini par fuir en forêt et... voilà où elle en était.

Cachée dans un buisson, elle faisait de son mieux pour ne pas être repérée. Son chronomètre indiquait encore trente minutes, trente loooongues minutes. Elle passait son temps à jeter branches et cailloux ici et là pour brouiller les pistes, se cognant l'orteil contre des rochers, produisant un grand bruit à cause d'une flaque et manquant de prendre un arbre sur le coin de la face vu que ce dernier était simplement tombé sans aucune raison.

-Tain cette forêt c'est l'enfer. METTEZ-LUI LE GRAPPIN DESSUS ! Je veux cette salope remplie de foutre et morte avant la fin de la soirée !

Dix minutes...
L'envie de tirer était grande mais Kasumi savait. Elle savait parfaitement que son pistolet s'enrayerait si elle faisait ça MAINTENANT. Elle devait rester cachée, couper sa respiration...
Cinq minutes...
Allez allez... Avec un peu de chance, elle pourrait même augmenter ses stats avant de répliquer...
Trois minutes...
Et-

-JE L'AI !

Attrapée par le col, par les mains, elle fût vite désarmée, ses pistolets désormais au sol. Elle devait rester calme.

-ALORS ! Par où on te prend en premier ?!

-...

-Oh pas la peine de me faire ces yeux-là !

Deux minutes et trente secondes. Si elle répliquait maintenant, elle serait frappée de malchance. Ils commençaient à déchirer ses vêtements.

-Si vous imaginez que je vous accorderai ne serait-ce qu'un peu de panique...

-Pfffffrt, c'est pas drôle. Allez tremblote un peu quoi !

-Non.

Trente secondes.

-A la dix !

Neuf secondes.

-A la neuf !

Huit.

-A la huit !

Sept.

-A la sept !

Six.

-A la six !

Cinq.

-A la cinq !

Quatre.

-A la quatre !

Trois.

-A la trois !

Deux.

-A la deux et-

Une.

-J'enf- UGH !



Un coup propre dans les côtes. Il était prêt à défourailler, c'était LA seconde qui avait permis à Kasumi de se dégager et de récupérer rapidement ses armes. Rapidement certains commencèrent à lui tirer dessus mais ses mouvements vifs lui évitèrent le moindre dérangement et au plus vite elle s'était retrouvée sur une branche.

-Fuyez mes biches. Vous ne voulez pas savoir combien de trous seront dans votre corps quand j'aurai oublié de compter.

Chargeurs parés, visée prête, il était l'heure de payer. Une, deux, trois, quatre, cinq, six balles par chaque canon, six avaient les jambes trouées et tombèrent au sol.

-Je continue ?

-PUTAIN ! Mais tirez bordel ! Ti- ACK-

Une balle dans l'épaule.

-Tu parle trop fort.

Les pistolets de nouveau chargés, les tirs reprirent, venant de différentes branches, seul le chef était encore debout, Kasumi se permettant enfin de descendre.

-Espèce de-

-Je vais être claire, nette et précise. Tentez de m'attaquer de nouveau et je finis le travail, appelez la police et je ferai sonner le glas de la légitime défense tout en faisant résonner vos casiers. Emmène tes camarades, soigne-les et ne réapparais plus jamais devant moi.

-P-Putain...

Kasumi récupéra ses habits, se rhabilla d'elle-même avant de quitter la forêt.
Sa quête était accomplie.

NOËL !
Ah quelle fête magnifique ! Les lumières de la ville, les jouets sous le sapin, les buches qui ne sont même pas des buches et l'incroyable KFC caractérisant la fête au Japon ! Bon ça... c'était marketting. Dans l'idée, Kasumi ADORAIT cette fête, comme toutes les fêtes d'ailleurs. Dès qu'elle avait l'occasion de décorer à fond, de se déguiser, elle le faisait sans se faire désirer ! Le tout avec son stoïcisme si caractéristique.
Ainsi, le 24, notre fleuriste avait passé la journée déguisée en mère Noël et elle avait acheté moult cadeaux, moult nourriture, le tout en faisant des "Hohohooooo" de son air neutre. Elle avait déposé un cadeau chez Hoshino, chez Mirai, chez Ellyot, puis avait décoré l'appartement familial. Elle comptait offrir ses cadeaux à Junko le lendemain et elle les avait cachés dans la voiture, sachant très bien que sa petite soeur aimait fouiller jusqu'à mettre la main dessus.

C'est toutefois en fermant le coffre qu'un pop-up apparut sur son interface... "RENCONTRE LES PERES NOËLS LES PLUS CHAUDS DE TA REGION EN FRANCHISSANT CE PORTAIL ! Vous avez 24h.". Deux sucres d'orge jaillirent du sol, formant un arc. Evidemment, Kasumi avait bien compris qu'il s'agissait de la quête hebdomadaire et que le système s'était décidé à une pointe d'humour.
Elle poussa un soupir et pénétra le portail.


Un... royaume pour enfant ! Une petite cabane décorée à la Noël avec plusieurs petits ateliers charmants sur lesquels des jouets étaient... cassés, non pas fabriqués. Kasumi observa aux alentours, sans pouvoir apercevoir le moindre lutin. Il y avait par contre moult bonbons de taille démesurée... Quelque peu méfiante, la fleuriste s'était armée et progressait dans cet atelier vide. Une porte menant vers une sortie lui permit d'observer qu'il n'y avait qu'une étendue enneigée dans le blizzard là dehors... Mais toujours aucune créature en vue... ou père noël chaud pour autant qu'on sache.
Visiblement, ce n'était pas à l'extérieur que cela se passerait. Elle devrait fouiller l'atelier. La joueuse ouvrir une première porte... ne se trouvait derrière qu'une cheminée décorée de chaussettes. Une autre porte... une réserve de guirlandes lumineuses dans lesquelles se trouvait un... lutin démembré. Quelle joie.

C'est finalement en ouvrant la troisième porte que la fleuriste tomba sur une silhouette arquée en avant, en manteau rouge, semblant être absorbée dans la lecture de lettres. Etait-ce un ennemi... ? Un père noël chaud de la région ?

-Hum...

La silhouette se retourna violemment, laissant apparaître un visage bleu cauchemardesque, des yeux rouges sang, une barbe blanche, des sabots... Une bien immonde bête que voilà.

-Oh mA MèRE noËL ! vIENs iCI !

-Très bien. Vous allez rester loin si vous ne voulez pas de plomb dans le crâne.

-vIEnS dOnC LéCHeR mES BoULeS !!!

Ordonna t'il en tendant deux boules de décoration en direction de la joueuse. Décidément, cet AdopteUnMec n'était pas le plus efficace. Le truc, c'est que le Krampus n'était pas spécialement agressif jusque là. Kasumi était donc sur ses gardes mais elle ne pouvait pas spécialement tirer dans l'immédiat.

-A part vous, avez-vous aperçu quelconque créature dangereuse par ici ?

-BoULeS !!!

Ce... n'était pas une réponse. Bon, pour doser la menace, la fleuriste recula, fermant la porte devant elle pour voir la réaction de cette créature. Quelques secondes passèrent quand de violents pas ainsi qu'un bruit de bris se fit entendre.

-pAS sAAAAaaaaAaAaAAAgE !!!

Avant même que la porte ne soit défoncée, Kasumi enclencha sa rune de Maîtrise Balistique et tira abondamment à travers jusqu'à ce que plus aucun bruit ne se fasse entendre. Toutefois, la fleuriste ne souhaitait pas se faire avoir par un piège. Elle écouta donc très attentivement pour s'assurer qu'aucun piège ne lui était tendu et visiblement elle avait raison vu qu'elle entendait des très légers grattements du plafond. La fleuriste utilisa donc sa rune de Doppëlganger. Dans le meilleur des cas, le clone causerait des dégâts à la bête, dans le pire des cas, cela laisserait une fenêtre à la joueuse pour attaquer.
Le double passa donc la porte, le krampus fondant littéralement dessus et le tuant... sans effet malheureusement. Kasumi usa donc de sa rune de Tir Coupe-Tendon, causant un coup critique et le faisant tomber au sol. Couplant cela avec sa puissance augmentée, elle tira des dizaines de fois dans la bête, cette dernière finissant par difficilement se relever.

-Décidément...

La joueuse acheva la bête d'une balle dans la tête.

-Joyeux Noël.

Kasumi rejoignit la sortie, s'apprêtant à-

-cADeAUuUuUuUUUUUx !!!

La créature s'était de nouveau relevée et fonçait sur Kasumi. Cette dernière soupira, le laissant s'approcher au plus près avant de lui enfourner une grenade made in Hoshino dans la gueule.

-Franchement, j'ai connu des cafards moins opiniâtres.

Etant devant le portail, la fleuriste profita de la confusion pour s'extirper de l'atelier, entendant un *BOOM* de l'autre côté. Sa quête était validée. Elle s'étira avant de bien revérifier dans le coffre de la voiture... Evidemment que Junko avait été fouiller dedans !

"Nous devons collaborer Mamadou ! Ces T-Rex zombies vont nous vaincre si nous ne faisons rien !!!"

-Ca te plaît Junko ?

-J'hésite, c'est super épique quand même.

-J'aurais dû te montrer plus de Disneys...

-Hey ! Ca veut dire quoi ça ?!

Ce soir-là, Kasumi avait décidé de se taper un délire en introduisant sa soeur à la fameuse série de navets qu'Hoshino lui avait imposée. Mais elle ne s'attendait pas à ce qu'elle adhère et encore moins à ce qu'elle veuille voir les six suites. Comme quoi son rôle de grande soeur d'élever la cadette avec de la qualité n'avait pas spécialement fonctionné. Mais bon, la petite s'amusait, c'était le principal.
C'est donc installées sur le canapé que la soirée se poursuivait quand une bulle de quête hebdomadaire vint déranger Kasumi. Et quasi-immédiatement, la fleuriste se retrouva... assez mal. La tête qui tournait, son centre de gravité était perturbé et elle voyait assez flou. Elle tâcha de se concentrer au maximum pour comprendre qu'elle devait effectuer une série d'épreuves dans cet état, ce qui ne serait pas tâche simple...

-Je... vais devoir aller prendre l'air... Je me sens pas bien...

-Houlà, tu veux un doliprane ?

-Noooon non non... Euh...

-T'as juste pas envie de les regarder ces films, c'est ça ?

-Mais c'est pas çaaaa... Même si c'est quand même de la MERDE ! Tain c'est naze de naze hein... *hic*

-... Ooookay ouais tu vas sortir prendre l'air.

-Je vais faire 500m à cloche-pieds...

-... Siiiii tu veux. Allez file, je veux me concentrer sur le film

-Ton cerveau va pourrir et faudra désinfecter après...

-Barre-toi.

-Junko, c'est malllopi ! Mapomli ! Mamlo-... Malpl- Oh et puis merde.

Kasumi se leva difficilement du sofa en titubant. Elle sortit de l'appartement en faisant des zigzags et déjà à cloche-pieds. Et de l'intérieur de la pièce, l'on put l'entendre dégringoler les escaliers.

-Je vais bi- *hic* bien ! J'ai fait dix mètres déjà ! Et ma stat de constitution est pas dégueu !

La petite soeur commençait à s'inquiéter un peu mais le temps qu'elle ne mette le film en pause et n'arrive dans la cage de l'appartement, la fleuriste bourrée avait déjà disparu. Cette dernière était désormais dans la rue, continuant une avancée assez relative sur un pied. Elle parvint à atteindre les 300 mètres, on ne sait comment avant de se faire aborder par deux gros lourds, probablement intrigués par son étrange démarche.

-Bah alors poulette ? Qu'est-ce qu'on fait seule dans la nuit ?

-500 mètres à cloche pieds... puis après je... dix minutes de gainax... gainage...

-Euh okay... Tu veux pas sortir avec nous plutôt ?

-AH NON NON NON ! J'suis déjà en gouple vous savez !

-Ah merde, bon laisse tomber on se ti-

-ATTENDEZ ! Je vais vous *hic* montrer des photos... toujours à cloche pieds, elle interrompit la fuite des débiles en les attrapant d'une force surhumaine par l'épaule pour forer leur regard sur une photo de Mirai dans son téléphone. C'est tellement une *hic* bombe mateeeeez...

-Euh ouais, c'est bien...

-Elle couine beaucoup mais *hic* je l'aime tellement...

-Je pense que ça nous regarde pas...

-Mais si mais si je vous regarde ! J'aime bien regarder ses *hic* yeux aussi...

-STOP !

Ils parvinrent à échapper à la poigne de Kasumi, toujours sur un pied et quelque peu déçue de ne pas pouvoir parler de sa chère et tendre plus en profondeur. Elle n'abandonnerait pas ! Elle continua de les poursuivre à cloche pied à une vitesse n'égalant que sa statistique d'agilité, remplissant son premier objectif après avoir été semée. Elle reposa donc le deuxième pied au sol, perdant un peu l'équilibre. Elle sortit son téléphone avant d'envoyer un message d'importance à Mirai.

[23:56] jz téaime. accompagné d'une photo de "charme", montrant le haut de son crâne, n'ayant pas réussi à viser.

Puis à Hoshino.

[23:59] rsgq:l 21.qf

Il était donc temps de remplir le deuxième objectif. Au milieu de la rue, la fleuriste commença donc son décompte !

-Mille ! Neuf cent quatre-vingt dix neuf ! Neuf cent... euh... je recommence... Mille !

Ce manège dura trente bonnes minutes sans avancement quand une idée de génie lui vint. Elle tituba pour se cacher dans une ruelle avant de faire apparaître ses deux doppelgängers.

-SOLDAT...ES ! Êtes-vous torchées ???

-Non.    -Non.

-Alors... Tain vous êtes cools quand même. elle tapa le dos d'une des deux clones, brisant son unique PV et le faisant disparaître. Oups... BON TOI ! Tu comptes jusqu'à mille à l'envers !

-Dans quel sens ?

-Baaaaaah à l'envers.

-La tête en bas ou de mille à un ?

-LES DEUX ! Comme ça on est sûres... Moi je... fais du gainage à côté...

-Très bien. Mille, Neuf cent-

Un spectacle incroyable pouvait être aperçu dans cette ruelle ! Des jumelles parfaites comptaient jusqu'à mille, l'une en faisant du gainage très approximatif et l'autre la tête en bas. Un manège qui, cette fois, dura non pas une demi-heure mais bien deux heures vu que Kasumi n'arrêtait pas de tomber. C'est évidemment son clone qui parvint à réaliser le défi en premier mais la fleuriste avait trouva une technique ! En se mettant contre le mur ! HAHA ! Un gros cerveau très torché qui avait réussi à effectuer cette quête, dissipant les effets de l'alcool.

-Bravo. Je vais maintenant disposer. annonça le clone avant de disparaître en se mettant un coup de poing.

-... Qu'est-ce qui vient de se passer ?