Histoire

Vie éphémère, vie captive, temps perdu entre les parois transparentes d’un aquarium. Une vie que Gura observait depuis l’autre côté. Elle était à l’extérieur, hors de l’eau, et pourtant, au plus sa vie avançait, au plus elle se sentait piégée, tout comme toute la vie marine qu’elle pouvait observer. La petite fille n’était rien de spéciale. Fille d’ouvriers en usine, des revenus à la limite de la pauvreté, tant de sacrifice ne serait-ce que pour lui offrir une éducation correcte … Un piège émotionnel, une promesse qu’elle ne pouvait pas choisir de refuser. Promesse de succès en échange de la souffrance de ses parents.

Le rêve de Gura était de s’occuper, bien évidemment, d’un aquarium. Que cela soit en gérer un ou même récurer les bassins mais c’était un rêve un peu trop farfelue pour ses parents qui voulaient la voir travailler vite… Eux qui n’habitaient nulle part près de la mer. Ce malaise familial ne l’a mena nulle part, au final. Ses années d’études étaient médiocre au mieux et la petite était souvent harcelée pour un oui ou pour un non, sujet à moquerie, grande difficulté à s’intégrer, à faire … Quoi que ce soit. Son esprit était ailleurs, au large, et elle était coincée, sa vie prédéterminée à se diriger vers un job de bureau ennuyant. Un destin considérer de luxe par rapport à l’enfer physique qu’était l’usine où ses parents travaillaient.

Au final, malheureuse et démoralisée, Gura laissa tomber l’école lorsqu’elle le pu, à dix-huit ans. Elle n’avait pas la fibre scolaire et même si elle l’avait, ce qui lui était présenté n’était pas intéressant. Ses parents, très mécontent avec cette décisions, l’on incité, pour ne pas dire obligé, à trouver de quoi subvenir à ses propres besoin, hors de la maison familiale, presque une punition pour lui faire simplement regretter de ne pas avoir suivi leur conseils et le chemin préconçu qu’ils avaient fait pour elle. Que pouvait-elle faire d’autre après tout ? La condition médicale de Gura a toujours été fragile, surtout en vue de sa taille. Elle n’allait jamais pouvoir travailler en usine comme eux. Travailler derrière un bureau était la seule option et elle avait jeté tout ça par la fenêtre.

Deux ans de liberté s’en suivent. Presque coupée de tout contact avec ses parents qu’elle ne portait de toute façon pas forcement dans son cœur, vu leur incompréhension. Elle était libre de faire ce qu’elle voulait, sans leur tutelle … Même si cette liberté était fictive. Elle avait tout de même besoin d’argent. Elle ne pouvait voyager, elle ne pouvait s’accorder de grands loisirs, elle était … Constamment dans le rouge. Aucun travail fixe pour une petite dame aussi médiocre, pas de diplôme, juste trimer ici et là dans des petits boulot sous-payé. Récurer les toilettes d’une entreprise pour savoir à peine se payer son loyer … C’était définitivement une période « intéressante » pour ne pas dire catastrophique. Le sentiment horrible de regret l’envahissait. Le sentiment inhumain de se dire que ça aurait été mieux si elle se torturait, littéralement, aux études au lieu de vivre ça. Le seul loisir qu’elle s’accordait … Était bien évidement un aquarium. Même si elle devait sauter des repas et se laver à l’eau froide pour payer l’électricité que cela demandait, son minable appartement était presque insalubre, sauf ce jolie aquarium emplit de poissons de toutes les couleurs et de verdure resplendissante. Sa seule échappatoire avant de se coucher sur un matelas miteux en essayant de ne pas s’effondrer en larmes.

Elle parvint cependant à se sortir de la misère lorsqu’elle travailla par hasard dans une agence d’idole en tant que simple femme de ménage. Comme toujours, son regard était vide, suppliant la fin de la journée d’arriver plus vite… Mais l’œil excentrique d’un chercheur de talent finit par se poser sur elle, dans leur bureau même. Il lui fit une proposition. Malgré sa mine triste, Gura était unique à ses yeux. Si petite, si adorable en un sens, il pouvait déjà voir, de son œil expérimenté, les changements qui feront de cette petite dame une idole. Sa situation était si misérable qu’après le choc initial … Gura accepta ? Elle ne savait pas dans quoi elle s’embarquait mais si cela pouvait payer son loyer, elle le ferait.

Cette vie était tout aussi infernale mais peut-être plus supportable. Ses journées étaient désormais chargées de mille et un cours destiné à lui forger une vrai âme et de vrais talents de performeurs. Danse, chant, de quoi devenir acteur, une discipline, une attitude, des heures passées dans des meetings et divers rendez-vous pour trouver son esthétique, pour la forcer dans des collaborations avec d’autres idoles, de total inconnus qui n’avaient pour la plupart aucune considération pour la petite nouvelle qu’on leur mettait dans les pattes. Mais Gura avait l’habitude. Et ceci n’étaient pas des études, à proprement parlé. Elle trouvait un certain intérêt à tout ça et y prenait plus de plaisir que de rester devant des bouquins ou des écrans d’ordinateurs.

Ce n’est qu’après cette idée farfelue de porter un hoodie de requin qu’elle décolla dans les médias. Était-ce au gout du publique ? Était-ce parce qu’elle se sentait un peu plus « elle » lorsqu’elle se rapprochait de sa passion première ? Dans tous les cas, sa proposition idiote marcha à ravie. Commença alors une carrière fructueuse à être sur tous les écrans de Tokyo, à faire des reprises, à chanter des titres originaux, à suivre des interviews, à faire des podcast et même parfois des Streams. Sa nouvelle position lui permettait de faire beaucoup de choses qu’elle aurait toujours rêvées faire mais tout restait tout de même très encadré, à l’extrême … Elle était devenue la poule aux œufs d’or et ses agents n’allaient pas la lâcher de sitôt.

Mais encore une fois, après que les rêves et les fantasmes se sont mis à doucement s’évanouir, une dure vérité commençait à s’installer. Tout n’était que business. Amis, fréquentations, collègues, tous ne la voyaient pas comme l’être humain qu’elle était mais comme « Gura, la poule aux œufs d’or, le requin qui fait fureur, que tout le japon s’arrache. ». Rien n’avait changé. Elle n’avait personne à qui se confesser, à qui parler normalement, sans susciter nervosité, ennuis ou frustration. Elle était un outil reposant dans un beau coffret doré. Est-ce que l’immense aquarium, aussi grand qu’un mur de sa chambre, l’aidait à faire passer cette tristesse ? A peine. Et niveau amour ? Était-ce réellement nécessaire de le mentionner ?

Un homme qui semblait si adorable et aimant, qui l’a fait sentir bien, qui l’a aidé à tenir tant de supplice… Pour au final le surprendre avoir des discutions étrange avec son agent, comme quoi cela serait bien, ou pas, pour son image de marque d’avoir un prétendant. Puis la preuve irréfutable qu’il la trompait avec une bombe sexuelle qui était plus grande, mieux fournie, plus expérimentée qu’elle. La tristesse se transforma petit à petit en rage, une rage qui montait petit à petit, même des années après cette relation désastreuse et pourtant, elle ne pouvait plus retourner en arrière, n’est-ce pas ? Elle ne pouvait pas tout arrêter car elle savait que ses agents la pourrirait jusqu’à retourner à l’état de presque-SDF et reprendre tout ce qu’on lui a donné avec une armée d’avocat pour un oui ou un non. Elle était un requin, mais eux l’étaient aussi de façon bien plus morbide et cruelle.

Mais récemment, elle reçut un étrange cadeau. L’éveil. Gura était à mille lieues de s’intéresser aux affaires des chasseurs. Sa vie n’a jamais gravité autour des donjons et pourtant, la voilà désormais capable de soulever des voitures et de sauter tout en haut des bâtiments. Se battre contre des monstres ? Faire équipe d’autres pour faire tomber des bosses ? En réalité, malgré les apparences, c’était … Assez excitant. Une lueur d’espoir naquit dans les yeux de la petite dame. Déjà, combattre, c’était cool. Elle ne vivait juste pas dans un contexte qui lui aurait permis ça avant son éveil, pas même de suivre des arts martiaux vu comment elle torturait son corps juste en passant des heures à pratiquer la danse. Mais en plus, bien qu’elle n’ait jamais expérimenté, elle était consciente ou du moins supposait que se battre cote à cote allait créer des liens possiblement fort. Elle ne l’admettrait jamais, mais c’est ce qu’elle cherche, au plus profond de son petit cœur aigris.