Sankei-en [Elena | Tsubaki | Zachary]

“Haaah …”

Un soupir mélancolique s’échappe d’entre les lèvres de la rousse. De ce soupir, une très légère buée s’ensuit. Rares sont les fois où une telle expression s’affiche sur son visage. Pas étonnant, lorsque l’on sait que ses dernières heures, après une dizaine en transports, se sont passées en compagnie de sa famille —et pas n’importe quels membres. Il fallait que ce soit la branche principale, plus exactement son oncle et sa tante. Des retrouvailles pour ne pas se perdre de vue, qu’ils disaient ; même s’il s’agissait plus d’un interrogatoire, d’un point sur sa “réhabilitation”. Comme si la jeune femme venait de finir sa peine de prison. Même si, en soit, le principe est plus ou moins le même. L’exécution était juste … unique.

Des “retrouvailles” guère plaisantes, rappelant sa condition actuelle. Des “conseils” et des remarques, que ce soit sur sa tenue modeste et ses bagages … singuliers, indignes d’une Kinoshita digne de ce nom. Tsubaki crut retourner à l’adolescence : peu de libertés, une identité indiscernable, aucun repère. La saison n’aide pas à cela, même si elle accompagne la jeune femme. Le vent caresse ses joues cachées derrière sa petite écharpe, tandis que ses mains se dissimulent dans les mains de son kimono. Sa marche est lente, contrairement à son esprit qui perd patience à chaque pas. Porter un kimono n’est pas quelque chose qui la dérange —étrangement, malgré sa personnalité excentrique digne d’un électron libre, une tenue aussi discrète et solennelle lui convenait parfaitement. Mais savoir que, en ce jour d’automne, cette tenue lui a été forcée à l’occasion d’une réunion de famille ? Le sentiment de voir un de ses droits lui être retiré, encore une fois, ne lui plaisait pas.

“Haaah ... soupire-t-elle de nouveau. Son esprit se torture, n’appréciant pas le blues automnal prendre le dessus. Mais plus elle y pense, plus son influence s’étend sur ses pensées. Un cercle vicieux dont elle ne peut se défaire, si ce n’est accepter la situation. Une chose ironiquement peu difficile pour une personne aussi lente d’esprit qu’elle.

Son flot de pensées la laisse s’écouler du côté d’un parc: le parc Sankei-en. La nature environnante l’a probablement inconsciemment attirée ici, de par ses traits apaisants. Un milieu bien différent du reste, séparé de la vie tumultueuse urbaine et même rurale. Un cadre qui, Tsubaki doit bien l’avouer, colle bien plus à sa tenue et à son apparence globale que la ville. Avec son énorme sac en tissu sur le dos, attaché autour de son cou, n’importe qui la croisant penserait avoir voyagé dans le temps, deux cents ans plus tôt… Quand elle y pense, le regard des gens est plutôt intimidant.
Ses barrières, fragilisées par ses proches, se voient vulnérables à présent face au regard des autres. Impressionnant qu’il faille se faire de la bile pour développer une conscience—un fait qu’il lui suffit de reconnaître pour encore plus sombrer.
... Je devrai peut-être trouver un endroit tranquille …

Suivant les feuilles tombantes, la guerrière se fraie un chemin précédemment foulé par nombre d’explorateurs des lieux. Les voix humaines se font lointaines, et, avant qu’elle ne s’en rende compte, son attention se voit aspirée par le paysage. Les couleurs, les structures … Son mental, qui avait précédemment régressé à celui d’un adolescent, remonte à présent jusqu’à l’enfance. Un moment simple de contemplation …

“Ah, pardon.”
Sa tête rouquine se tourne vers la disruption de ce tableau. Une femme et un homme. Ce dernier semble bien trop masculin pour lâcher une voix comme la précédente ; à croire donc que cette même brune était distraite. Ha. Donc sa voix n’est pas une disruption, cette situation entière est une disruption.
Un soupir mélancolique, bien que, cette fois-ci, sa voix est teintée d’une légère douceur différente de ses habitudes.

“C’est que l’automne semble jouer des tours à tout le monde. Ahaha …”