Tempête [Zachary]

Tempête

Zachary se réveilla aux aurores, comme chaque samedi, prêt à profiter de sa journée, de son weekend. Sortant de son lit en portant un Curry tout endormi dans ses bras, il se dirigea sur sa terrasse pour prendre un copieux petit déjeuner de pancakes, de sirop d'érable et de chocolat chaud, dans la fraicheur du matin. Il resta là, admirant le lever du soleil, écoutant les oiseaux chanter, pendant une bonne heure, jusqu'à ce que son regard soit attiré par une bien moins joyeuse information.


58s. 57s. 56s.

De la nage, vraiment ? A l'abri sur sa terrasse, Zachary voyait pourtant bien le vent assez rude qui secouait les arbres, et l'amoncellement de nuages qui assombrissait l'atmosphère.

- Putain, le meilleur moment pour ça, définitivement.

D'un air renfrogné, il sortit son téléphone et contacta Kisuke, le jeune homme qu'il devait rencontrer aujourd'hui dans le cadre de son travail de chasseur. Celui-ci l'avait contacté la semaine passée afin de lui parler d'un potentiel contrat sur quelques semaines avec sa guilde naissante, afin qu'il complète les rangs sur les premiers donjons de celle-ci de manière régulière. D'ailleurs, Kisuke lui avait même parlé d'une éventuelle intégration à cette guilde s'il était satisfait du travail de Zachary ... La guilde ... Quel était son nom déjà ? La guilde des bretteurs ? La guilde des samourai ? Un truc comme ça, qui sonnait très enfantin, quand même. Et au vu de l'âge du maître de guilde, le quasi-quarantenaire s'était contenté de répondre évasivement, en agrémentant le tout de "peut-être" savamment dosés. Mais le contrat en lui-même était suffisamment alléchant pour qu'il accepte de rencontrer de Kisuke.

- Allo Kisuke ? Zachary Holmes. Oui. Non, non, pas de problème. Je vous appelais justement à ce sujet. Est-ce que ça vous dérange si je passe à votre guilde un peu plus tard que prévu ? Disons ... Oui, 14h, c'est très bien ! Merci beaucoup, à tout à l'heure alors !

Il était bientôt 8h, et le siège de cette petite guilde se trouvait à Akune, une ville côtière à quelques heures de voiture tout au plus. Il serait donc tant de partir, s'il voulait avoir le temps de réaliser la quête hebdomadaire avant son rendez-vous ... Enfin, 10km, ça devait pas être si long et difficile, non ?

Sans un regard en arrière, il fonça se préparer, s'habiller, et, moins d'une demi-heure plus tard, sa voiture filait droit vers le sud.

Tempête

Effectivement, ce qu'il avait présagé ne tarda pas à se concrétiser. Alors qu'il roulait depuis une petite heure, se rapprochant à vive allure de la côté, la pluie se mit à marteler le toit du véhicule. Une pluie lourde, qui semblait avoir choisit son moment, et qui n'avait pas l'air passagère ... Le sadisme de ce fichu système allait-il jusqu'à choisir les pires quêtes en fonction des conditions météorologiques ?

Dans tous les cas, une bonne demi-heure plus tard, sa voiture se gara près de la grande plage de sable fin du coin, Wakimoto Beach. Bien entendu, sous les torrents d'eaux qui se déversaient du ciel, l'endroit était plus que désert, et l'océan, pourtant si calme d'habitude en cet endroit, semblait secoué de soubresauts irréguliers. Toutefois, Zachary savait parfaitement qu'il n'avait pas le choix, et après avoir enfilé son short de bain et rangé ses affaires dans sa voiture, il noua à son bras le petit étui étanche contenant son téléphone et ses clés de voitures. Vérifiant que tout était en ordre, il se dirigea d'un pas peu assuré vers l'étendue d'eau face à lui.
Il arriva près de l'eau entièrement détrempé, la pluie ruisselant sur son visage, dans son dos, sur son torse, tandis que le vent le faisait frissonner. Alors, sans plus hésiter, il trottina dans l'eau jusqu'à la taille, et s'y enfonça sans un regard en arrière. L'océan était froid, mais au moins le vent ne venait plus harceler sa peau.

Zachary jeta un dernière regard à son téléphone, s'assura que la pochette ne bougeait pas et ne risquait pas de se détacher, et contempla sa quête quotidienne en grimaçant. 10 km. Et, d'un mouvement de bras ample, il se mit à nager.

Au début, il se trouva étonnamment en forme. Depuis sa transformation en joueur, sa silhouette s'était bien affinée, et il se sentait plus svelte, plus athlétique. Il n'avait jamais été du genre à apprécier la course de fond, et préférais la puissance pure, instantanée, dans les exercices de sa jeunesse. Mais les quêtes du système s'étant concentrées sur des exercices d'endurance, ces derniers temps, il remarquait à quel point son souffle s'était amélioré, tout comme sa résilience. Alors, au bout d'une demi-heure de nage, bien satisfait de lui, il s'arrêta pour regarder où il en était. Il devait bien avoir fait la moitié, non ? ... Non ?
Il n'avait parcouru que 2 km et quelques 500-600 mètres.  Seulement la moitié de ce qu'il pensait.
Prenant le temps de reprendre son souffle, alors que ses jambes et ses bras commençaient déjà à se tendre douloureusement, il se mit sur le dos, pour faire la planche. La pluie tombait toujours drue, et alors qu'il resta bien 10 minutes à se détendre, il sentit que son corps montait et descendait de manière plus ... abrupte. Il manqua de se noyer quand une vague se brisa sur lui, le ramenant à la réalité. La mer semblait de plus en plus furieuse, déchainée. Les vagues avaient doublé de volumes, et le vent lui giflait le visage plus fort qu'avant.

Ne se laissant pas démonter pour autant, Zachary reprit sa nage, parmi les vagues qui lui imposait des pauses régulières, et qui lui demandait une attention constante. Il dérivait assez sévèrement vers le sud, et finit par se demander s'il n'aurait pas mieux fait de choisir un autre lieu pour nager. Ses bras et ses jambes se faisaient au fur et à mesure plus cotonneux, moins fiers pour contenir sa dérive, tant et si bien qu'il finit par nager droit vers la rive pour s'assurer d'avoir pied. Il se battait finalement plus contre le courant, sans être vraiment certain de la direction qu'il prenait, et lorsqu'il mit enfin pied à terre, il se trouvait à l'extrémité sud de la plage, bien loin de sa voiture et de là d'où il était parti. Le souffle court, épuisé et meurtri par l'effort, il s'assit dans le sable, sous la pluie, et regarda un long moment les vagues s'abattre, une à une, sans discontinuer, sur le rivage. Et le message, au dessus de sa tête, lui rappela qu'il n'avait fait que la moitié de la distance exigée.
Putain ...