Behind the hills | Zachary

Behind the hills

Le souffle court, déjà époustouflé, Zachary se tenait au pied de la falaise. Face à lui, le grand massif rocheux de granit s'élevait presque à la verticale sur quelques 200 mètres. Cette sensation de vertige qui le prenait aux tripes, ce vague tournis et le sang qui battait dans ses tempes lui redonnèrent cette impression d'avoir à nouveau 10 ans ...
- Zachary, tu n'as pas oublié de vérifier ton nœud d'encordement ?
La nostalgie le prenait aux tripes violemment, et un petit sourire apparu sur son visage. Derrière-lui, le guide se râcla la gorge.

- Donc, là nous avons cette première falaise qui fait 215m, puis nous marcherons une vingtaine de minutes pour en atteindre une seconde. C'est bien ce que vous m'avez dit ?

Se détournant de la roche, Zachary plongea un regard intense dans celui de Gomi Keitaro, guide de haute montagne expérimenté.

- C'est ça. D'abord cette falaise, puis la seconde. Ensuite on bivouac au sommet de la seconde, et on continue l'ascension demain.

Triturant une feuille de papier d'un air nerveux, le bonhomme, qui devait peu ou prou avoir le même âge que Zachary, finit par enfoncer l'objet dans sa poche.

- Ecoutez, Monsieur Holmes ...

Le joueur lui coupa la parole un peu trop sèchement, s'étant déjà retourner pour admirer la falaise.

- Appelez-moi Zachary.

L'autre leva les yeux vers le haut de la falaise.

- Ecoutez, Zachary, vous ... Vous êtes sûrs de vous ? Non pas que je remette en question vos capacités, loin de moi, mais ... Ecoutez, c'est vrai que j'encadre souvent des chasseurs, que ce soit pour les aider à se surpasser, ou même des groupes afin de leur permettre d'atteindre des portails placés parfois sur des plateformes inaccessibles autrement ... Mais cet itinéraire que vous m'avez indiqué, n'est-ce pas un peu trop pour vous ? Je veux dire ... Heu ...

Il sembla s'empourprer dans sa formalité et finit par refermer la bouche sans avoir achevé sa phrase.

- Vous voulez dire que je ne suis qu'un rang E et que je surestime mes capacités, c'est ça ?

Zachary se tourna vers le grimpeur et, d'un air absent posa sa main sur son épaule.

- S'il dit que je dois le faire ... Je le fais. C'est pas plus compliqué.

Son interlocuteur resta bouche bée, un instant, sans saisir le sens de sa phrase. Le joueur finit par soupirer, et, lui adressant un petit sourire :

- Commençons, d'accord ?

Behind the hills

Plus qu'un petit mètre. Rien qu'un mètre. D'en bas raisonnait la voix du guide. De beaucoup plus bas.

- Vous y êtes presque ! Sur la droite ! La droite !

Du bout du pied, Zachary tâtonna vers la droite, et sentit la saillie rocheuse dont parlait Gomi. Juste assez large pour y poser le bout du pied, assez profonde pour quelques orteils ... mais c'était suffisant. Se stabilisant sur ses appuis, le joueur souffla un coup et, prenant appui sur la nouvelle prise, se hissa quelques centimètres supplémentaires. Et ce fut suffisant. Une grosse fissure s'offrait à sa portée où il y glissa sa main, et il se hissa sur le sol. Roulant sur le dos, il fut au sommet. Au dessus de lui, le grand ciel bleu s'offrait à lui, et ... Il se sentit profondément bien. Il s'éloigna du vide à quatre pattes puis s'assit, le souffle court, les membres gourds, mais le coeur emplit d'une satisfaction immense. Il l'avait fait. Il avait réussi. Enfin. Si son père avait pu voir ça ...
Se reprenant, il revint vers le bord de la falaise, et commença la manœuvre pour assurer le second grimpeur.

Une fois que Gomi fut arrivé au sommet de cette première falaise, ils purent enfin souffler tous les deux. Il avait certes grimpé en deux fois moins de temps que Zachary, mais au regard triomphant qu'ils partagèrent, celui-ci sut qu'il ne devait pas s'en être tiré si mal.

- Vous n'avez pas exagéré votre expérience de la grimpe Zachary. Ca fait combien de temps ?

Celui-ci, se retournant vers le matériel pour se préparer à repartir, sourit pour lui-même.

- Ca doit faire ... au moins 20 ans, peut-être plus, que je n'avais pas fait ça. Mais il faut croire qu'on m'a bien appris.

Gomi l'aida à ranger sa corde, et reprit.

- On en a pour une petite heure de marche, avec cet équipement un peu lourd, puis on arrivera à la seconde paroi. Un peu plus fissurée, un peu plus technique, mais c'est vous qui l'avez choisie. Vous pensez que ça ira ?

Zachary sourit, et ils repartirent ensemble en échangeant des banalités joyeuses. La répartition de ses statistiques lors de la dernière montée de niveau en intelligence n'avait certes pas boosté son physique plus qu'avant, mais il se sentait ... Comme léger. Comme ... reconnaissant envers le système. Même si les quêtes étaient dures, même si le travail était quotidien ... Il se sentait avancer pour la première fois depuis de longues années.

Behind the hills

La chose se compliqua lors de la seconde falaise. Enfant, il n'avait jamais fait de grande voie, n'ayant jamais éprouvé la passion de son père pour l'escalade. Si aujourd'hui il comprenait mieux le sentiment de liberté et d'épanouissement que celui-ci pouvait éprouver, Zachary n'y avait toujours vu qu'une passion un peu folle pour un sport excentrique, là où lui avait préféré s'intéresser au football et au volleyball, probablement pour profiter avec ses amis d'une activité commune.

Toutefois, la seconde falaise fut beaucoup moins simple que la première. Les prises étaient plus difficiles, et, la fatigue faisant, Zachary se trouvait moins alerte, moins vaillant. Il grimpait toujours avec les jambes, comme lui avait appris son père, mais certains passages nécessitaient de se hisser à la force des bras, et un léger déversant l'obligeait à forcer sur ses bras pour rester plaquer à la paroi. Atteignant, presque à bout de force, une vire, petite zone plate où il pouvait se tenir à genou, il reprit son souffle difficilement. Ses bras étaient engourdis et la douleur vrillait ses épaules et ses poignets. Ses jambes étaient plus lourdes que jamais, et il avait l'impression que les derniers mètres, enfin les derniers 20 mètres, de cette falaise, paraissaient insurmontables. Il prit 5 minutes, sur conseil de son guide qui beuglait toujours depuis le sol, pour reprendre son souffle, masser ses avant-bras et remuer ses mollets. Le froid était mordant, et n'aidait en rien à rétablir les sensations dans les mains du joueurs.
Puis, après sa pause et un nouveau signe vers Gomi, il se tourna de nouveau vers le mur, et reprit l'escalade. Une prise plate à droite l'aida à s'équilibrer, et, enfonçant son pied dans une fissure, souleva son corps pour atteindre une plaie horizontale dans la roche à laquelle il s'accrocha plus aisément. Plaçant ses deux mains de part et d'autre de la fissure, il hissa son corps pour poser ses pieds là où se trouvaient plus tôt ses mains, et gagna encore un peu de hauteur. Stable, il prit le temps de souffler, avant d'enchainer en plaçant son pieds sur un creux, avançant inexorablement le long de la falaise.

Les dernières prises furent les plus dures, le corps parcouru de crampes de Zachary refusant de pousser, tirer, porter une seconde de plus. Mais il passa le bras sur la dernière prise, et, au prix d'un gémissement et d'un ultime effort, atteignit le sommet. D'en bas s'élevait toujours la voix de Gimo, qui devait hurler de son mieux pour se faire entendre.

- Vache-toi, et prends ton souffle, on a le temps ! Je reprends la grimpe quand t'es prêt !

S'exécutant machinalement, Zachary fixa son mousqueton au relais, et prit le temps de souffler quelques minutes. Son corps tout entier criait de douleur, mais au dessus de ses yeux, la valeur [493,2/800] se dressait vaillamment. Il avait atteint son objectif de la journée.

Quelques temps plus tard, alors que le joueur avait finit d'assurer son guide qui avait atteint lui aussi le sommet de la deuxième falaise, ils se mirent en route vers leur lieu de bivouac, un petit plateau où poussaient quelques résineux. Une fois sur place, ils profitèrent ensemble de la fin de l'après-midi pour s'étirer, échanger sur leur expérience du jour, et dresser leur tente.

Behind the hills

La deuxième journée fut encore pire. L'air s'était rafraîchi, la pierre était infiniment froide et dure, coupante même. La dernière falaise était la pire, en léger dévers, sans aucun endroit où se stabiliser, sans aucun endroit où reprendre son souffle. A deux reprises Zachary avait lâché prise. A deux reprises il s'était fracassé contre la paroi, et avait dû user de cris pour persuader Gimo que, non, il ne voulait pas arrêter, qu'il voulait poursuivre.
Et, au terme d'une ascension épouvantable, alors que ses bras et ses jambes irradiaient de douleurs, il acheva la montée. Transi de froid et de fatigue, il tremblait des pieds à la tête, alors qu'il descendait en rappel. Du sang gouttait de ses genoux, de ses coudes, de ses mains, tout son corps étant égratigné et recouvert de bleus et de petites coutures. Arrivant de nouveau sur le plancher des vaches, il s'écroula au sol, face à un Gimo inquiet.

- Vous ... Vous allez bien ?

Zachary hocha la tête, à bout de souffle. Il fixait le haut de la falaise, et dans son esprit restait gravé la vue. La vue au delà des collines, la vue par delà la forêt. Il avait réussi. Il s'était démené, et il avait réussi.
Poussant un cri victorieux, il se redressa, brandissant son poing vers le système.

- Je les ai éclaté, tes 800 mètres !

Et il s'effondra au sol de nouveau. Au sol, mais victorieux. Gimo lui adressa un grand sourire. Attrapant le joueur par le bras, il le redressa d'un air également fier.

- Et bien ... Vous pouvez être content de vous, Zachary ! Vous vous êtes vraiment dépassés, votre père serait fier de vous !

C'est vrai. Perdant son regard dans le ciel, l'ancien soldat eut une longue pensée pour sa figure paternelle, un remerciement pour sa passion.

- Peut-être que la prochaine fois ... On pourra se faire une escapade un peu moins intense, d'accord ?

Et ils se redirigèrent ensemble vers le bas de la montagne.