Histoire

Je soupire, croise les jambes, m’amuse à dessiner des formes indistinctes sur le sable à l’aide du râteau. La voix me fait remonter les yeux jusqu’aux siens, cette vision m’arrachant une grimace. J’aime mon père, mais il lui arrive parfois d’en faire beaucoup trop depuis le décès de maman, comme s’il cherchait à compenser le vide. Le Docteur Sasagi tapote son carnet avec son stylo, attendant que je parle, comme d’habitude. C’est notre petit jeu depuis des années, il attend avec patience que je sois prête à parler, sans me brusquer, il me laisse profiter de sa présence réconfortante.  

-« Alors, jeune fille, il parait que ta crise était assez… violente, cette-fois ci ? Quasiment une semaine à rester dans ton lit, ce n’est pas rien. Oda-san m’a fait venir afin de voir comment tu te sentais après cette « légère » rechute. Sans parler de ta période de convalescence suite à cet incident en donjon. » Déclara le Docteur d’une voix compatissante.

Des crises ? Oui, on peut probablement les appeler comme ça. Des périodes où mes émotions débordent et je ne parviens à reprendre le contrôler qu’après une lutte acharnée avec moi-même et ces pensées. Fatiguant ? Clairement. Néanmoins, avec le temps, j’ai appris à « ranger » mes idées et mes peurs afin de faciliter le traitement de celles-ci pour ne pas me laissé submerger. C’est loin d’être parfait mais… oui, ça m’aide à maintenir une fine ligne, censée représenter la nuance entre mes émotions extrêmes. Cet état est apparu suite au décès de ma grand-mère. Si mes parents sont mon cœur, le Clan mon corps, elle était mon âme.

Sans oublier l’incident avec ma mère et la Guilde des Faucheurs qui n’a rien arrangé. Ma famille fait partit des Yakuzas et ça, depuis des générations. Et bien que nous ayons des activités légales en apparence, la majeure partie de nos ressources proviennes de contrebande, contrôle de territoire, prostitution etc. De fait, la Guilde des Faucheurs à plus ou moins toujours été liée à notre famille. Jusqu’à ce qu’ils décident de tirer sur la corde, kidnappant ma mère et moi pour nous séquestrer dans un donjon, afin de faire céder mon père. Âgée d'une quinzaine d'année à l'époque, les souvenirs de cette journée sont encore marqués dans ma mémoire.

Sauf qu’ils n’ont pas pris en compte une donnée cruciale : Ogawa Oda ne négocie jamais avec l’ennemi. Suite à son refus, les Faucheurs nous ont laissées pour mortes dans le donjon. Ma mère, femme forte, à utilisé les éléments du donjon afin de nous cacher le plus longtemps possible, sachant pertinemment que nous étions trop faibles contre les monstres se cachant dans les ombres. Je me rappelle encore parfaitement de ce moment, celui où elle m’ordonne de courir pendant qu’une main l’attrape pour lui arracher la tête avant de la dévorer. Incapable de bouger, tétanisée, je serais morte si ma Famille ne m’avait pas retrouvé à ce moment.

-« Tu sais… Lexa, tu as fais vraiment peur à ton père. » Reprit mon Docteur familièrement, ce qui est loin de lui rassembler, nous aimons respecter les traditions parmi la famille Ogawa.

J’ai bien conscience d’avoir agis sur une impulsion, comme toujours. Surtout avec notre passif… Mais j’étouffais dans cette cage dorée et après tout, j’étais devenue une Chasseur avec mon éveil, je pouvais tout pulvériser grâce à mes capacités hors du commun ! Ouais, je sais, c’est stupide, je m’en rends bien compte avec du recul.

Le donjon s’était déroulé sans accroche jusqu’à cette fameuse sale où les racines nous ont encerclées, nous coupant ainsi toute fuite possible. La panique s’est rapidement rependue dans le groupe, malgré les tentatives de notre leadeur pour tenter de nous faire garder notre calme. Comment aurions pu rester passif face ce feu qui venait d’apparaitre, réduisant tous nos compagnons dans une lente agonie ? Impossible. Bien que Chasseurs, nous étions des humains… non ? La suite m’apparait parfois par flashs.

La sensation de chaleur qui fait fondre ma peau et mes os, une douleur tellement intense dans ma gorge qui se propage dans mes poumons, mes larmes qui s’évaporent et mes cris mélangés à ceux de mes camarades.

Et puis, les secours qui m’auscultent, ma Famille avec leurs visages angoissés, la colère et les reproches au fond des yeux de mon père. Tout ça pendant deux longues semaines… un calvaire pour une solitaire comme moi, qui préfère jouer sur internet ou lire un bouquin que tenir une discussion.

-« Hm, tu peux garder le silence Lexa-chan, mais ton père va t’imposer une personne pour te suivre en permanence. J’espère que tu seras aussi chaleureuse que tu es capable de l’être ma grande. » Termina le Docteur en souriant tendrement en se levant avant de faire glisser la porte ma chambre.

Que pourrais-je dire ? Avouer qu’il existe des notifications qui pop devant mes yeux à intervalles régulier ? Qu’il m’arrive de penser être dans un MMO sans que je m’en sois aperçue ? Nous verrons bien ce que l’avenir me réserve mais je ne compte plus reculer.