Histoire

Vous savez quand machin disait que pour trouver un travail, il suffisait de traverser la rue ? Connerie ouais.

Les canettes vides qui s’accumulent dans la poubelle ne sont dépassées que par les mails de refus dans ma corbeille. « On vous rappellera » commençait à m’apparaître comme le plus grand mensonge de l’humanité moderne, dépassant même les platistes et leurs théories qui l’étaient tout autant.

J’avais l’échec amer actuellement, d’autant que j’avais vu mes exigences à la baisse. Pourtant, cela ne cessait de se répéter, plusieurs fois par semaine quand ils daignaient répondre. J’étais plus que qualifiée pour le poste, c’était certain, mais à chaque fois leur réponse était toujours négative… Si cela continuait, je risquais de perdre l’espoir pour de bon, ainsi que ce qui restait de mes économies, qui s’engloutissaient dans les charges alors que mes quelques allocations finiraient tôt ou tard par disparaître.

Bordel… Pourtant j’avais un C.V. bien propre, et surtout bien remplit ! Il y aurait bien un moment où je tomberai sur quelqu’un qui ne s’arrêterait pas à ça, bien quelqu’un qui finirait par me faire confiance et qui pourrait m’embaucher par la même occasion ! Si seulement il n’y avait pas cette ligne qui faisait si tâche…

Mais comment pouvais-je l’enlever, elle qui faisait ma vie ?

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J’m’appelle Hoshino Nakai, née Quispe. Vingt-sept ans, joli bout de femme à la peau bronzée perdue plein milieu du Japon. Enfin, perdue… Je suis née ici hein, quoi qu’en dise ma couleur de peau métisse, que je dois à mon père. C’est un Portoricain, que ma mère, Japonaise, a rencontré dans un voyage d’affaire, et le hasard a fait qu’ils se sont plus lâchés depuis. Je sais pas ce qu’elle a pu trouvé à ce pauvre type, mais… Je sais, je le porte pas vraiment dans mon cœur.

Bref, j’étais fille unique, et ça se passait bien. J’avais de bons résultats sans mettre le moindre effort derrière, et mon père me destinait déjà aux plus grandes écoles de l’archipel. Avocate, Médecin, Ingénieure, il arrêtait pas de mentionner les plus hautes carrières à une gamine qui n’avait même pas encore fait sa rentrée au collège. J’me demande comment j’ai fait pour pas l’envoyer chier dès la première fois en fait… Surement que j’avais pas encore la taille pour le claquer.

Bon, ça se passait bien à cet âge là, mais tout est parti en vrille lors de l’éclipse. Tout le Japon s’est retrouvé dans une situation pas possible à cause de l’ouverture des donjons et de ce que ça a provoqué, et ma famille et moi, on y a pas coupé. Ma mère nous a quitté cette année là, son bureau d’affaire attaqué par ces créatures. On a jamais retrouvé son corps, mais on s’est jamais fait d’illusion sur ce qui lui était arrivé.

Du coup, c’est seule avec mon père que je me suis retrouvée et… Ça a clashé. Genre beaucoup. Une adolescente seule avec un père trop exigeant… Pour dire, y’a qu’à l’école que je me sentais vraiment à l’aise, si bien que je restais des heures en plus là-bas, quitte à aller en retenue pour bosser des trucs que je n’avais pas besoin. De bon, mes notes sont devenues excellentes, tout comme je me suis découverts quelques centres d’intérêts, quand bien même j’avais surtout envie d’être tranquille.

C’est pour ça que je m’suis orientée vers les études de biomécanique. Un bon secteur qui s’étendait pas mal. En se plaçant bien, selon les brochures, c’était le temps de travail d’un petit boulot, le salaire d’un ministre et les avantages sociaux d’un pilote de ligne syndiqué. Autant dire, la belle vie ! D’autant que c’était un bon secteur, qu’apparaissait intéressant… Donc, comme ça me gênait pas trop, j’m’y suis lancé.

Puis bon… Au moins les choses se sont arrangées avec mon père, même si ça s’est fait d’une manière… Spéciale. Ouais bon, pour expliquer, lorsque le Japon s’est replié sur lui-même, il a décidé de retourner au pays, en me laissant derrière.  J’étais déjà majeure, donc il avait tout ses droits, mais ce n’était pas comme s’il m’avait laissé un mot ou rien. Juste la clef de son appart et ses factures dans ma boite aux lettres. Au moins, j’en ai profité pour changer de nom de famille, en passant à celui de ma mère. Ça me faisait un lien de moins avec lui.

Mais bref, je m’suis concentrée sur mes études, sacrifiant vie sociale et sommeil pour espérer regagner ça à l’avenir, lorsque je serais bien casée dans le monde professionnel. Et à vrai dire, ça se passait même bien. Il fallait juste que j’aille au bout de ma thèse de doctorante et de mes spécialités… Mais en choisissant un peu, je m’amusais pas mal.

Biomécanique spé armement. Le genre d’étude qui permette de concevoir, fabriquer et implanter une prothèse de bras, et d’y incorporer un calibre anti-char. Bon, j’exagère, mais c’est tout de même l’idée. De quoi avoir de beaux petits joujoux. Fabriquer une gunblade avait par ailleurs été mon projet de spécialité… ça avait été assez drôle ! Surtout que la demande était présente : Les chasseurs, héros modernes, en ressortaient parfois avec de grosses mutilations, donc autant dire qu’il y avait de l’emploi qui se créait, et pas encore assez de gens pour répondre au besoin. L’opportunité parfaite.

Enfin, jusqu’à ce que ça foire.

Le crime de l’écran bleu. La saloperie qui a foutu en l’air ma vie.

Il y a eu l’an dernier un gros problème dans le labo où je terminais mes études. Genre très gros problème. Une autre équipe bossait sur le fait de mettre des puces dans le crâne des gens, pour diminuer le temps de réaction au niveau des réflexes d’un félin et compagnie. Le projet avançait bien, jusqu’au moment où ils ont pucés un type qui s’est révélé plus tard de la guilde des faucheurs. Et il a fallut qu’il ne commette un carnage dans un donjon pour le faire savoir.

Scandale public, le premier ministre obligé de faire des explications, vu que l’état subventionnait le labo, et forcément, ça a pas loupé, fermeture directe de tous les services, avec ce qu’il suit pour les employés : suicide, prison pour certains, changement de pays ou d’identité, parfois même victimes de meurtres… Le simple fait que la porte d’en-face a merdé a foutu ma vie en l’air. Le seul lot de consolation que j’ai pu avoir, c’était que mon diplôme a tout de même été validé, mais à quoi bon ?

Docteur impliquée dans le labo ayant provoqué le plus grand scandale technologique des cinq dernières années. Evidemment que personne n’en voulait, et que je me retrouve au chômage, dopée aux boissons gazeuses pour passer le temps et scotchée devant mon pc à me tourner les pouces, en espérant qu’un jour, quelqu’un finira par répondre positivement à un job. Y’a bien quelques petits boulots que j’ai l’occasion de faire dans l’atelier du quartier, mais c’est plus du travail au black qu’un véritable job.

Soit ça, soit j’finirais par me foutre en l’air… Plutôt ça que de finir dans un trou paumé avec mon paternel.

*****

Une nouvelle cannette de bière sans alcool venait atterrir bruyamment à côté de ma poubelle. Un tir loupé d’une boisson que je n’aimais pas. La seule raison pour laquelle elle avait fini dans mon panier était que les rayons et mon frigo s’étaient retrouvés vides.  Une situation dramatique, qui finissait par un goût pas franchement agréable dans mon gosier.

Mais alors que je m’étalais dans la chaise, une sorte de déprime reprenait le pas. Le manque de travail me pesait. J’avais été habituée à faire des trucs, à bosser d’une manière ou d’une autre, et là, je n’arrivais pas à savourer le fait de ne rien faire. C’était juste une pause ininterrompue d’un ennui profond qu’était ma vie. Et qu’est-ce que je pouvais faire ? Prendre ma vie en main ? Pas moyen malheureusement. Je tentais déjà d’obtenir un job, et je pouvais juste pas obtenir un prêt d’une banque pour monter ma propre affaire. J’avais genre… pas d’option. Aucune en fait.

Enfin si, peut-être une.

Devenir chasseur.

Ils devaient pas être trop regardant sur les entrées là-bas, et avec un peu d’expérience et de talent, devrait y avoir un bon moyen de se faire une vie dans ce bazar…

Non, c’était stupide. Je n’avais rien d’une combattante !

Et pourtant… Si je faisais quelques donjons de bas niveau, j’aurais surement un moyen de me faire quelques contacts, au moins un ou deux dans une guilde, et à partir de ce moment là… Y’aurait un monde où je pourrais entrer dedans via un piston. Pas pour être une combattante non, mais pour faire valoir mes compétences. Après tout, les blessures devaient continuer d’arriver, et il y aurait surement des personnes qui, après m’avoir rencontré, seraient prêtes à me faire confiance plutôt que de juste suivre ces rumeurs qui me hantaient… Et une fois que j’aurais fait mes preuves en confectionnant un truc qui déchire, là…

Ouais, c’était peut-être pas une si mauvaise idée. Puis, des petits donjons… ça devrait aller. Juste fallait-il que j’évite de prendre trop de risque… Mais pour ça, j’avais toujours un petit truc, qui trainait dans ma boite de nuit : un semi-automatique. Afin d’étudier les systèmes d’armements, j’avais obtenu un port d’arme pour pouvoir l’adapter sur une prothèse, un de mes premiers boulot par ailleurs, et depuis j’en avais conservé un. Juste fallait-il enlever la poussière qu’il y avait dessus, le nettoyer et compagnie…

Mais ouais, c’était un plan, et c’était toujours mieux que de rester là à rien faire en attendant un miracle.

Demain, je serais une chasseuse.

*****

B… Bordel…

Pourquoi je vois ces… Trucs ?

J’sens ma tête qui tourne… Genre en permanence. C’est comme si j’étais en train de planer. Pourtant j’avais rien pris, mais…

C’était à cause de… Ce donjon. Cette salle o-où j’m’étais retrouvée, seule. Un moment de trop à regarder un peu les environs, à être impressionner par cet autre monde que j’arpentais, et j’avais été semée par le groupe. D’abord, j’eu crû à une mauvaise blague, mais rapidement, je m’étais mise en tête que c’était peut-être pour se débarrasser de moi, et ainsi garder la paye pour eux. Un plan bien batard de ce que j’en pensais, et j’me suis précipité un peu partout.

Jusqu’à tomber dans cette salle. Au début, tout allait bien, fin, autant que ça pouvait, et… Y’a eu cette lumière zarb, et ces nuages verdâtres, et l’instant d’après, tout se refermait. Je me retrouvais dans une salle, piégée, et je ne comprenais que plus tard ce qu’il se passait… Du gaz. Du gaz mortel. C’est surement ça qui m’a fait perdre la raison, mais… Pourquoi j’étais encore en vie ? J’avais été sauvée par quelqu’un, qui m’avait déposé là, entre deux poubelles d’une ruelle à côté d’un resto chinois à l’hygiène douteuse ?

Je galérais à me souvenir, et à vrai dire… Y’avait trois fois rien comme détails. Juste ça, quelques délires et d’autres trucs. Genre un message, pour devenir « joueuse ». Mais bon, entre ça et les autres trucs, c’était surement ptête une chose sensée parmi ce flot de bordel qu’il y a eu…

Mais depuis, ça n’arrête pas… Je vois des choses, des trucs qui tourbillonnent partout, des messages, des avertissements… Bon sang, je voudrais juste que ça s’arrête ! Et à la place, j’ai fais qu’empirer les choses. Ma vie est devenue un enfer, et à chaque fois que je tente quelque chose… Ça tourne encore pire.

Qu’est-ce c’est que… Cette merde qu’est ma vie ?

*****

Plusieurs jours se sont passés depuis que je suis rentrée de ce donjon, et à part être allongée sur mon lit, j’dois admettre que j’ai clairement rien foutu. Pas que je sois souffrante, mais… En fait, j’en sais rien. J’ai trop régulièrement ces trucs qui apparaissent, qui fourmillent d’écrans et d’infos dont j’ai pas la moindre idée. Des caractéristiques, vraiment ? Et pourquoi pas une feuille de personnage avec compétences d’un truc de jdr un peu geek !

Je devrais pas trop en rire en fait, c’est peut-être ma vie maintenant.

Enfin, j’en sais rien. J’ai l’impression d’être en perpétuelle hallu’, de plus rien comprendre à tout ça. En voulant prendre en main mon destin, j’ai l’impression de l’avoir encore plus lâché, et que le seul endroit où j’aurais une place serait l’asile le plus proche. Ça y est, je suis devenue cinglée ? Pourtant, j’ai pas de bosse à témoigner.

Je suis juste tombée dans un piège, une salle qui s’est refermée, et remplie de gaz toxique. Peut-être que ça m’a déglingué le cerveau en fait, à la place de me tuer. J’espère que non… Ça va être encore plus chaud de réussir maintenant. Mais j’ai pas vraiment d’autres choix. Faut que je me débrouille à obtenir quelque chose.  Le seul lien que j’ai avec l’extérieur c’est mon pc maintenant, et j’ai même peur qu’on me surveille. Je suis clairement pas sereine mais… J’imagine que je vais pas avoir le choix. Va falloir que je fasse avec ces trucs, et que je continue comme si de rien n’était.

Une galère de plus dans ma vie en gros…