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Vsevolod Yegorovich
Vsevolod Yegorovich
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Le faux prophète [Solo/donjon] Empty Le faux prophète [Solo/donjon]

Mar 8 Déc - 17:11
« C’est très important que tu comprennes pourquoi je vais te faire ce que je vais te faire, vraiment. Tu veux bien faire un effort ? »

L’autre l’insulta une fois de plus, refusant avec la plus grande grossièreté d’entamer un dialogue constructif, et Vova leva la tête, observant brièvement la canopée fongique qui pulsait de son rythme langoureux, et il regarda de nouveau le type, et il ouvrit la bouche, voulant lui dire quelque chose, mais seul un grognement guttural ne s’échappa d’entre ses deux rangées acérées de crocs. S’il pouvait comprendre que la blessure qui rougissait son flanc et les lianes qui le suspendaient par les pieds puissent le déranger, cela n’était après tout pas une raison pour adopter une attitude aussi belliqueuse. Alors il attendit de se calmer, et que son interlocuteur en fasse autant. Tout deux étaient des êtres civilisés après tout, et il personnellement convaincu de la vertu d’un bon dialogue pour apaiser les tensions.

« J’vais te raconter comment on en est arrivé là, alors. Tu veux bien ? »

Pas de réponse. Cela suffirait.

Il se concentra, plissant les yeux, la peau épaisse de front se déformant doucement, et il commença à lui livrer son expérience, l’autre ayant visiblement choisi de garder un silence renfrogné et puéril.

Il s’était levé de bonne heure ce matin, tôt, comme à son habitude. Et comme à son habitude, il avait suivi son rituel habituel. Il s’était fait un petit déjeuner copieux autant qu’équilibré, avalant sa portion matinale de viande, de gruau et de bon jus d’orange issu du commerce équitable et de l’agriculture biologique. La traçabilité des aliments avait toujours été pour lui quelque chose de très important. Venant de la campagne, il avait du mal après avoir été nourri durant l’intégralité de sa tendre enfance par de bons petits plats mitonnés avec amour grâce à des ingrédients qu’il avait lui-même vu pousser ou être chassés, il ne faisait pas réellement confiance aux grands conglomérats pour apporter à la nourriture destinée à finir dans son estomac le même soin et le même amour. Certains sacrifices devaient bien entendus être faits au nom des plus pragmatiques des réalités, mais ce n’était pas une raison pour ne pas s’assurer qu’au moins son jus d’orange soit d’une irréprochable qualité. La viande aussi, du coup. Il avait ensuite débarrassé la table, et fait la vaisselle, avant de se laver et de brosser ses dents. La propreté aussi était quelque chose de très important pour lui, bien que cela ne soit cette fois hélas pas un héritage que lui avait apporté sa famille. Ayant encore un peu de temps, il avait décidé d’allumer la télé, et de regarder une émission imbécile, comme en produisaient souvent les nippons. Le principe était assez simple, bien que les règles soient assez complexes. Une sombre histoire de ballons rebondissants, de compote pour bébé et d’entonnoirs. Interrompant plus tôt que nécessaire le génocide éhonté de ses neurones, il avait éteint la télévision, et avait grimpé dans sa camionnette, avant de disposer des restes de son repas du matin, les morceaux qui n’étaient pas comestibles finissant dans un incinérateur industriel.

La manière dont il s’était introduit dans ce dernier aurait en soit mérité son propre récit, mais il n’était pas là pour digresser.

Ces choses faites, il s’était rendu au point de leur rendez-vous tout heureux de pouvoir rencontrer ses collègues de la journée. Il devait travailler pour eux en tant que dépeceur, et il était prêt à le faire avec le plus grand entrain et la plus totale sincérité. Car même si ce n’était pas une activité très respectée, il était très fier de son travail, et il appréciait de dépecer les monstres qui devaient servir à la fabrication des équipements qui assureraient la protection de la population civile. Il avait rapidement pris la mesure de son groupe, relativement homogène, tout compte fait. La partie chargée du nettoyage du donjon à proprement parler était composé de gens de la même guilde de seconde zone, ce qui lui convenait au final très bien. Ces seconds couteaux étaient la plupart du temps plus affables que les membres plus hauts placés dans la hiérarchie élitiste des chasseurs. Le donjon était de toute façon d’un rang très modeste, et il doutait qu’il pose réellement de problème. Quant aux gens qui partageaient sa propre fonction, Vova les trouva immédiatement tout aussi sympathiques. Il y avait là le cocktail classique des rangs peu élevés qui se trouvaient forcés dans une situation difficile. Deux pères de famille aux apparences bourrues mais franches, avec lesquels Vova échangea de viriles et cordiales poignées de main, et un étudiant plus chétif. Une nana d’un âge intermédiaire, sans doute une victime récente de l’instabilité du marché de l’emploi, et quelques autres personnages du même acabit pour compléter le tableau.

Ils restèrent là, au bord de la faille interdimensionnelle, pendant encore une grosse demi-heure, le temps que tout le monde arrive. Quand ce fut fait, et que les têtes furent soigneusement comptées, le chef de groupe leur livra un petit discours convenu mais tout à fait acceptable sur l’importance de rester vigilants et bien groupés, et puis toute la petite compagnie s’engouffra dans le portail. C’était là que les choses devaient commencer à rapidement se corser. Ou en tout cas assez rapidement.
Vsevolod Yegorovich
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Mer 9 Déc - 15:44
« Se corser, donc. Les choses, tout ça. Pis toi aussi. Sérieux, ta maman elle t’a jamais inculqué le respect ? J’croyais que c’était important pour les japonais, le respect. »

« Putain de fils de chienne ! »

« Hm. Visiblement non. Enfin bref, je continue, si tu le veux bien. »

Aussitôt la faille franchie, et l’étrange sensation qui submergeait toujours son corps lorsqu’il le faisait dissipée, il se retrouva avec le groupe en face d’un spectacle aussi curieux que désarçonnant. En face de lui se tenait un paysage vivant, au sens premier et véritable du terme. Il baissa les yeux regardant le sol. La matière spongieuse sur laquelle il se tenait lui faisait penser aux tapis épais que sa mère faisait faire à sa maladroite cadette. Il était épais, et mou, et il était facile de s’enfoncer dedans. C’était comme avoir sous les pieds une sorte de marais mollasson, humide sans réellement l’être. La sensation était curieuse, et pour parler franchement très désagréable. Le chasseur leva un pied, et regarda l’empreinte qu’il venait de laisser dans le sol épais se déformer avant de disparaitre, ce dernier reprenant une apparence normale, comme s’il n’était jamais passé par là. Il grogna, et reposa le pied au sol, avant de continuer son examen. Tout ici avait la couleur de la viande en décomposition, dans des teintes allant du rouge sombre aux marron sale, et il y régnait une sorte d’odeur forte et puissante, un peu douceâtre même, qui lui rappelait encore une fois celle de la pourriture. Tout cela aurait été tolérable, si encore il n’avait pas régné dans ces lieux un silence de cathédrale. Rien ici ne faisait de bruit. Les champignons les plus hauts déployaient de vaste pans de chair blanches, qui s’agitaient comme des voiles timides dans une brise non-existante. Tout en fait semblait ici se balancer au rythme de cette respiration silencieuse, de la plus humble protubérance aux plus grands spécimens en passant encore une fois par le sol lui-même. Tout ici respirait et vibrait et se parlait, il en avait l’intime conviction. Et il ne percevait qu’une seule respiration.

Il grinça des dents, et se ressaisit. Aussi répugnant et alien que puisse être cet endroit, ce n’était qu’un donjon de rang E, et son équipe était parfaitement apte à le conquérir. Ils en auraient tout au plus pour quelques heures, et ce soir, il pourrait brûler ses vêtements, prendre une longue douche brûlante et noyer ce mauvais souvenir sous un déluge de vodka. Il lui suffisait de rester vigilant, et de ne pas se mettre dans les pattes de ses coéquipiers. Lui-même n’était pas encore des plus solides, même en prenant en compte la faiblesse relative des gens qui hantaient de manière régulière les donjons de bas niveau, et était donc généralement relégué à la seule tâche du dépeçage, chose encore une peu fois commune. Ils se mirent donc en route, leur formation en carré protégeant au centre les membres les plus vulnérables et précieux du groupe. Vsevolod se retrouva à fermer la marche, chargé d’observer les alentours en cas de problème. Ils progressèrent ainsi une bonne dizaine de minutes, avant que finalement ils ne tombent sur leurs premiers adversaires.

Personne ne fut réellement étonné de voir leurs apparences grotesques. C’étaient là de sombres parodies de la grâce élancée des corps humains. Leurs corps mous et humides s’élevaient de manière obscène, surmontés par de larges chapeaux parfois tachetés, et de leurs côtés sortaient des sortes de lianes, assemblages chaotiques de matière en décomposition et de spores, rattachés à leurs corps par il ne savait quel maléfice. Ils n’étaient pas bien grand, le plus haut d’entre eux culminant sans doute à à peine un mètre cinquante de hauteur, mais leurs apparences trapues et leurs mouvements lents semblaient cacher une force et une résistance surprenante. La première cohorte des monstres comportait à peine une vingtaine d’individus. Les remarquant, ils se dirigèrent vers eux, leurs corps pourtant privés d’yeux, d’oreilles ou de toute autre forme d’organes identifiables semblant les repérer avec une déconcertante précision. Le bas de ces derniers rampait à la façon d’un serpent obèse sur le sol, qui semblait s’ouvrir comme une plaie infectée devant eux, les poussant en avant pour pallier la faiblesse de ce moyen de locomotion grossier. Vsevolod se prépara. Incapable d’équiper les équipements qu’il possédait dans l’inventaire de son système, il devait pour le moment continuer de faire comme il avait toujours fait jusqu’à présent, et utiliser son humble couteau de chasse pour se défendre. Il s’en était toujours bien tiré jusqu’à présent, et il était certain que cela ne changerait pas.

Leurs propres rangs ne rompirent pas la formation, les tanks levant leurs larges boucliers, frappant leurs lourdes armes sur les plaques métalliques pour attirer l’attention des créatures. Cela sembla fonctionner, et ces dernières avancèrent vers eux en une marée silencieuse et protéiforme. Vsevolod était heureux : il allait enfin voir comment fonctionnait dans les faits son système, et qu’il allait pouvoir en faire. Si ce qu’il croyait comprendre de ce dernier s’avérait réel, alors un bel avenir s’ouvrait à lui.
Vsevolod Yegorovich
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Mer 9 Déc - 16:55
Le premier impact fut aussi immédiat que violent. Malgré l’apparent dénuement des monstres et leur manque flagrant de moyens offensifs, ils étaient visiblement capables de projeter leurs espèces de tentacules avec une force déconcertante, s’il en jugeait par la puissance du bruit qu’ils produisirent lorsqu’ils vinrent s’écraser sur les boucliers de leur première ligne. Cette dernière tint néanmoins bon sans trop de difficulté, offrant aux membres spécialisés dans l’attaque l’occasion de fondre sur leurs adversaires. Vsevolod devait au moins reconnaître cela à leur meneur : il avait un certain talent pour coordonner ses troupes. Certes, ils n’avaient pas vraiment en face l’élite de ce que les donjons, ou même de ce donjon pouvait leur présenter, mais tout de même. Il fallait bien reconnaître gracieusement le talent quand il se manifestait. Ce fut un barrage hétéroclite de dagues, de lances et d’épées aux diverses formes qui déchiqueta les chairs épaisses et tendres des créatures, ces dernières s’ouvrant sans la moindre résistance. L’intérieur du corps de ces apparitions cauchemardesques était au moins aussi répugnant que l’extérieur, dévoilant des chairs grouillantes, plus proches des assemblages de filaments que de ce que l’on pouvait normalement trouver dans un champignon classique. Malheureusement, ou heureusement, il ne savait pas trop, elles ne semblaient pas saigner, et se refermèrent même relativement rapidement, les deux pans des blessures ayant la fâcheuse tendance de se coller l’une à l’autre, et, dans un grouillement répugnant de chair, de s’unir de nouveau, ne laissant comme seul témoignage du traumatisme qu’une épaisse boursouflure. L’assaut initial, s’il fut donc savamment exécuté, n’eut pas réellement pas l’effet escompté, et les créatures, visiblement courroucées, en profitèrent pour contre-attaquer.

Ne semblant aucunement affectée par leurs blessures, elles réitérèrent la même tactique, se contentant de balancer les immenses filaments qui leurs servaient de bras droit devant elles. Une fois de plus, l’impact fut relativement facilement absorbé, et une fois que les deux soigneurs se furent chargés de dissiper les dégâts encaissés par les tanks, tout le monde se retrouva dans la même situation qu’au tout début de l’attaque. Un changement de stratégie semblait tout indiqué : le corps mou et élastique des monstres semblait apte à résister aux impacts des marteaux et des masses, et les attaques tranchantes et perçantes avaient déjà eu l’effet que l’on leur connaissait. La suite fut donc relativement prévisible, et la formation se modifia pour offrir à l’unique mage du groupe la possibilité de déclencher son assaut arcane. Ce dernier se concentra, la pression qui pesait sur ses épaules ne lui échappant pas, et il produisit une volée de boules de feu, les traits enflammant allant s’écraser dans la masse fongiforme.

L’effet fut immédiat : les champignons étaient de toute évidence visiblement très sensibles au feu, leurs corps grotesques se contorsionnant dans tous les sens, l’introduction du feu dans leur environnement les plongeant dans un état de panique profonde. Leur chair gonflait et se contractait en un rythme désordonné, et les plaies hâtivement refermés éclatait de nouveau, les flammes voraces s’engouffrant dans les brèches ainsi révélées, ravies de pouvoir griller les créatures impies de l’intérieur. Le feu, attisé par les matériaux combustibles, se répandit même jusqu’au sol, consumant le terrain, creusant la matière et formant dans le sol une légère dépression. Le groupe, craignant que le feu ne se propage et prenne des allures d’incendie, s’éloigna de la zone. Il n’en fut cependant rien, et quelques secondes plus tard, ce dernier s’apaisa, laissant dans un sale état les quelques champignons à avoir survécut. Le chef de groupe sonna la curée, et tous se ruèrent, les écharpant avec beaucoup plus de facilité maintenant qu’ils étaient à peu près immobiles. Leurs organismes fatigués et leurs nombre réduit rendant plus facile la concentration des attaques. Il fallut très peu de temps à Vsevolod et ses pairs pour achever les monstres. Une fois la basse besogne effectuée et les cadavres découpés en morceaux, le groupe marqua une courte pause. Ces monstres n’étaient pas les créatures les plus communes, et ce premier affrontement leur en avait appris beaucoup. Le chef de groupe décréta qu’à partir de maintenant, il faudrait tenter lors des affrontements de regrouper au maximum leurs ennemis, afin que le sorcier puisse facilement les incendier. La stratégie était simple, et sensée, et personne n’émit d’objection. Malgré leur aspect absolument répugnant, ce n’étaient pas là des monstres particulièrement dangereux, et les affronter avec la bonne méthode rendrait très certainement la chose très facile. Vova, encore occupé à inspecter les cadavres pour s’assurer qu’ils ne laissent rien de valeur derrière eux, remarqua que les parties épargnées par le brasier du sol semblaient lentement reprendre leur droit, recouvrant les parties brûlées de ce dernier. C’était un curieux spectacle que cette progression presque invisible à l’œil nu.

Il fit remarquer sa découverte, craignant que cela ne soit le présage d’une bien mauvaise surprise, mais sa remarque fut accueillie avec dérision. Il ne s’en formalisa pas, et tout le monde put bientôt se remettre en route, ragaillardis par leur première victoire sur le donjon.
Vsevolod Yegorovich
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Jeu 10 Déc - 13:26
« Première victoire, da ? Ca sonne bien. »

« Pourquoi tu me racontes ça espèce d’attardé ? J’étais là, putain ! »

Vsevolod ne répondit pas, se contentant de tapoter affectueusement la joue de son prisonnier. Tout suspendu qu’il était, il pouvait comprendre et pardonner ce genre d’éclat, et les attribuer au stress de sa situation et à l’afflux de sang qui devait inonder son petit crâne en ce moment. Il le regarda plus attentivement. Sa tête lui faisait effectivement penser, maintenant qu’il l’étudiait plus soigneusement, à un ballon recouvert d’une perruque. C’était curieux, car elle n’avait en soi rien de particulier, et qu’à ce compte, toutes les têtes existantes auraient dû provoquer en lui la même réaction. Ce n’était pourtant pas le cas, et, considérant intérieurement ce mystère passionnant, Vova se reprit son récit, ignorant les imprécations de son audience malpolie.

Cette première victoire, donc, fut suffisante pour faire passer le dégout insidieux et persistant qui avait jusque là saisi les esprits. On oublia qu’on ne pouvait pas percer du regard la canopée étouffante qui les surplombait, et que les couleurs du ciel étaient pour eux occultés par la masse grouillante de des gigantesques carricatures d’arbres qui peuplait leur environnement. On oublia la sensation molle et humide, semblable à celle d’une chair aspergée d’huile qu’on avait sous les pieds. On oublia les monstres répugnants, et tout cela et plus encore. Ou tout du moins, on fit comme si, le temps que la brave compagnie reprenne ses esprits. Le meilleur allié de l’humanité, le feu, semblait fidèle à son poste de réponse universelle face au danger, et cela provoquait chez un sentiment de plaisir et de jubilation belliqueuse sortie tout droit des entrailles les plus anciennes de l’humanité. C’était là sans doute ce qu’avaient ressentis les premiers primates, lorsque, se saisissant d’une branche ardente allumée par un feu de forêt, ils avaient découvert ses usages mystiques, et repoussés à la fois les créatures imaginaires de la nuit, et les prédateurs bien réels. C’était l’accomplissement de leur destin génétique, et la preuve indéniable de leur supériorité sur cet environnement hostile et ses rejetons imbéciles.

Les rangs se reformèrent, et tous redémarrèrent. Le mage, heureux de son rôle central, peinait à cacher son sourire triomphant, et semblait satisfait de la gloire et de l’importance qui auréolaient maintenant son front. Leur meneur, lui, avait au moins le bon gout de garder la tête froide, et les yeux rivés sur l’horizon, tentant de déchiffrer à l’avance les signes avant-coureurs d’une autre éruption de danger. Quant à Vsevolod, il restait à l’arrière, étudiant soigneusement son environnement immédiat. Quelque chose ici n’allait pas, et il voulait comprendre quoi. Il lui semblait même que l’environnement réagissait à leur présence, ou tout du moins à leur passage. Le sol, qui normalement vibrait en un rythme régulier, semblait maintenant immobile autour d’eux, et il lui semblait percevoir parmi les formations végétales qui les entouraient des mouvements subtils, presque invisibles, comme si ces dernières se tendaient vers eux, leurs longs corps élancés cherchant à les attraper lorsqu’ils passaient proche d’elles. Quelque chose n’allait pas, lui hurlait son instinct. Et il avait appris à l’écouter, depuis sa plus tendre enfance, comprenant que l’homme, aussi intelligent qu’il soit, n’était depuis longtemps plus chez soi dans les recoins sauvages du monde. Il lui fallait, s’il voulait changer cela, changer qui il était. C’est ce qu’il avait fait, à de nombreuses reprises. Il savait compresser ses pensées, lorsque c’était nécessaire, supprimer le superflu pour qu’il ne reste plus chez lui que l’essentiel.

Vivant – hostile – terrain : inconnu/nouveau – danger – vigilance – réaction/vivacité – ennemis – savoir/goûter – colère – réaction : violence – mort – flamme – hostile : hostile/hostile – survie/lutte.

Quelque chose comme ça. Le retranscrire avec des mots était une solution imparfaite. Le langage intime qu’il avait développé était plus proche de l’amalgame chaotique et vivants d’images et de sensations et de cris que de mots soigneusement orthographiés, mais cette traduction restait néanmoins relativement précise. En un instant de fulgurance primaire et animale, il venait de comprendre ce qui n’allait pas. Il hésita à le faire savoir à ses pairs, mais il se rendit rapidement à l’évidence : ces derniers n’étaient pas en mesure de comprendre, et ils n’auraient de toute façon pas été en mesure de profiter réellement de cette information. Eux étaient le feu, et l’acier et la civilisation. Il lui faudrait, seul, incarner l’autre versant de la pièce. Ses narines s’écartèrent, inspirant goulument une grande portion d’air vicié. L’air n’était pas encore chargé de spores, car leurs ennemis n’avaient pas encore conçu de manière efficace un moyen de leur transmettre leur… Condition. Le temps pressait, et même lui, du haut de toutes ses convictions de son savoir, doutait d’être capable d’être capable de résister au plein potentiel de leur contre-attaque. Il lui fallait orienter les efforts de ses petits camarades, et vite. Il rompit les rangs, se portant au niveau de leur chef d’équipe. Ce dernier semblait raisonnable, et doté d’un esprit pragmatique et de bon aloi. Il saurait sans le moindre doute la capacité de comprendre la justesse de ses observations, et de prendre les mesures appropriées.
Vsevolod Yegorovich
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Jeu 10 Déc - 15:04
Cela ne se passa pas comme prévu. Une fois de plus, on balaya ses remarques d’un revers négligent de la main. Il était le plus faible d’entre eux, et c’était sans doute la peur qui le saisissait, lui expliqua-t-on. C’était compréhensible au vu de la situation, mais il devait se ressaisir, et suivre l’avis du meneur, bien plus expérimenté. Il suffisait de voir avec quelle facilité ils venaient de défaire la première vague. Il était certain que tous leurs ennemis ne tomberaient pas aussi facilement sous leurs coups, mais il n’y avait pour le moment aucune raison de paniquer, ce genre d’éclat malvenu ne pouvant que diminuer leurs chances de survie. On l’invita poliment mais fermement à reprendre sa place, et à garder ce genre de délire enfoui en lui. Légèrement décontenancé, et à vrai dire quelque peu énervé par l’attitude désinvolte de ses compères, Vsevolod hocha la tête en un mouvement tendu, comprenant qu’il ne servirait à rien de commenter plus avant leur manque évident de vision. Il reprit sa place, cherchant à comprendre comment il pourrait s’en sortir. Ses camarades avaient au moins raison sur un point, et un point majeur : il était, de loin, le plus faible d’entre eux, et si leur différence était au final anecdotique quand on la ramenait à l’aune des plus puissants chasseurs qui hantaient les donjons, elle restait suffisamment importante ici, quand ce genre de comparaison était trop abstraite pour avoir du sens. Son sort était lié au leur, qu’il le veuille ou non. Il n’eut pas le temps de ruminer plus longtemps ses pensées maussades, qu’une autre vague se manifestait déjà. Semblable à la précédente, elle s’avançait vers eux dans un mouvement presque ophidien, comme si chaque organisme n’était pas réellement une créature indépendante, mais une extension d’un tout titanesque et incompréhensible.

Mais les points communs avec les incarnations précédentes de la volonté du donjon ne furent pas ce qui frappèrent en premier la modeste compagnie. Les créatures qu’ils avaient en face d’eux étaient différentes des précédentes, et à peine se furent-elles présentées à eux, assaillant la piste qui zébrait la forêt qu’ils traversaient comme une cicatrice purulente, qu’elles coupèrent court à tout examen plus approfondi. Si les bêtes-champignons précédentes étaient lentes et pataudes, ce n’était plus le cas de ces créatures. Elles semblaient plus hautes. Plus élancées, aussi, comme si leurs corps grotesques, tentant d’imiter les formes supérieures des vainqueurs de la génération précédente, avaient adoptés du mieux qu’ils le pouvaient leur allure martiale. Mais le plus terrible n’était pas là. Le plus terrible se trouvait dans la forme nouvelle de leurs tentacules, eux aussi plus longs et plus fins, et pourtant d’un aspect plus solide. La forme précédente, vulgaire assemblage et tentacule fragile, avait laissé la place à une espèce de liane solide et compacte, qui s’agitait autour de leurs corps comme l’aiguillon courroucé d’un insecte, surmontée par une espèce de matière solide qui imitait à son tour les armes des chasseurs.

Le premier assaut démarra immédiatement, et les créatures se jetèrent sur eux, leurs attaques ne se contentant cette fois plus de simplement heurter les boucliers et les épaisses armures, mais profitant de la dextérité supérieure que leur conféraient leurs tentacules pour chercher dans le mur d’acier les faiblesses exploitables. Seules les lacunes évidentes de leurs systèmes sensoriels permirent au groupe humain de survivre sans trop de ratés à leur premier assaut : leurs attaques, bien que vicieuses et rapides, manquaient de précision, et c’était seulement après plusieurs tentatives approximatives, quand leurs appendices crochus avaient dérapé plusieurs fois sur les épaisses carapaces des tanks, que les monstres parvenaient enfin à compenser leurs déficiences naturelles. Il était alors généralement trop tard, et le groupe, utilisant ce laps de temps avec la fureur d’une meute de hyènes excité par l’odeur du sang et la présence offensante de rivaux, avait déjà fondu sur eux, les taillant en pièce, laissant au mage le temps d’invoquer ses flammes salvatrices pour finir de purger ces rejetons infernaux.

Vsevolod, quant à lui, se joignit avec plus de retenue au combat, profitant plutôt de cette occasion pour étudier soigneusement ces nouvelles itérations. Sa théorie précédente, qui n’avait au final été rien d’autre que le produit hasardeux de son instinct, se trouvait sans l’ombre d’un doute confirmée. Il trancha un des tentacules, esquivant de peu la contre-attaque, et jeta rapidement un œil à ce dernier, le regardant s’agiter un instant au sol, avant que ce dernier ne semble sentir sa présence et l’engloutir rapidement, la matière fongique qui composait le plancher s’ouvrant lentement, précautionneusement, comme la gueule hésitante d’un nouveau-né. Le tentacule commença à s’y enfoncer, avant que Vsevolod ne l’attrape d’une main gantée pour l’en sortir. Il observa à l’endroit où ce dernier avait été sectionné de nombreux filaments violacés le reliant au sol, et tira de plus belles, observant la manière que ces derniers avaient de se tendre, avant de finalement rompre. Grognant, il jeta ce dernier, et reporta son attention sur le combat. Il était certain qu’on allait lui reprocher ce moment de distraction, mais il n’en avait plus réellement cure.

Ils étaient tous condamnés, et Vova n’avait pas le temps de se préoccuper de leur sort. Il se mit à courir, gagnant le couvert des arbres, sourd aux cris de ses camarades, qui lui demandaient ce qu’il faisait, et lui ordonnaient de revenir. Ce n’était pas une de ses forêts ou de ses marécages, ici. Mais c’était la nature tout de même, et il était grand temps qu’il retrouve ses méthodes habituelles.
Vsevolod Yegorovich
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Jeu 10 Déc - 16:10
Il était seul, maintenant. Se le répéter ne revenait pas seulement à asséner une évidence, mais à changer de mentalité. Un animal, aussi farouche soit-il, ne se comportait pas de la même manière en meute et en solitaire. Il était seul. Son dos se courba légèrement, sa posture se relâcha, et ses enjambées se firent plus longues et souples. Il était seul. Son regard se fit plus vigilant, et il tendit l’oreille, écoutant attentivement les bruits inaudibles qui troublaient le silence assourdissant de l’endroit. Il huma l’air, sentant le fumet maintenant familier des lieux. Le couteau de chasse était lourd dans sa main, plein de promesses à réaliser. Agir sans l’assistance de ses camarades pouvait paraître stupide. Seul dans la forêt, loin de l’espace ouvert de la piste, il était vulnérable aux attaques des progénitures du donjon : il était certain qu’il n’avait encore rien vu de ce que ce dernier pouvait produire de plus terrible. Il était loin du feu du mage, loin des boucliers des protecteurs, loin des enchantements curatifs des healers. Mais il était seul, et cela voulait dire qu’il était mobile, alerte, pleinement conscient du danger, loin de l’influence lénifiante de ses congénères.

« Et c’est pas que des conneries d’illuminé, ce que je te raconte, hein. La preuve, j’suis entier, et toi t’es… Enfin tu vois quoi. Attaché. Pis pas en très bon état. Ouais ouais, je sais, tu vas m’insulter, ça commence à être lassant. Enfin bref, passons. »

Seul, donc.

Toujours était-il qu’il devait encore, s’il voulait valider ce donjon, éliminer le boss. La question était de savoir comment le trouver. Si la solution la plus simple aurait été de suivre la piste, il doutait au final que ce soit une bonne idée. La structure de l’endroit était sans doute faite pour leur faire affronter des ennemis de plus en plus dangereux, jusqu’à ce que le dernier d’entre eux, une fois vaincu, ne valide la complétion de leur épreuve. Hélas, au rythme où les choses progressaient, il doutait fortement que leur groupe soit équipé pour cela. Plus inquiétant encore, il doutait que l’environnement lui-même reste suffisamment longtemps impassible pour qu’il puisse compléter leur objectif, comme ils auraient complété une promenade de santé. Il devait donc court-circuiter le processus, et l’accélérer avant que les choses ne deviennent intenables. Et il n’y avait pour cela qu’une seule solution.

Il bifurqua, pivotant à quatre-vingt-dix degrés pour retrouver une trajectoire parallèle à celle de son groupe. Il lui fallait prendre de l’avance. Il doutait fortement que ces derniers se lancent à sa recherche. Malgré l’ambiance bon enfant qui régnait jusque là dans leur compagnie, ils ne semblaient pas prompts à mettre leur propre intégrité physique en danger pour sauver un étranger pris d’un accès de folie. Il avait donc le temps d’opérer. Il courut pendant quelques heures, ses pas résonnant avec un bruit humide, d’abord lourdement, et puis de plus en plus légèrement, jusqu’à ce que leur son se fasse totalement inaudible, une fois qu’il eut compris comme s’unir à l’étrange jungle. Il n’était pas chez lui, se rappela-t-il encore une fois. Mais cela pouvait changer. Grimpant à un arbre, il se tint en embuscade, protégé par les épaisses membranes qui servaient de feuilles à la végétation de l’endroit. Patient, il se tint là, immobile, silencieux, son regard imperturbable scannant les environs, jusqu’à ce qu’il les voit. Ses compagnons. Enfin, ses ex-compagnons. Il se demanda si quand tout serait terminé, s’ils comprendraient ce qu’il avait fait pour eux, les extrêmes auxquels il s’était abandonné pour garantir la survie du plus grand nombre. Il en doutait. Il manquait déjà dans leur groupe deux personnes supplémentaires, tributs involontaires sacrifiés au donjon pour satisfaire son appétit d’ogre.

Il soupira, et se signa, invoquant le nom du Saint-tsar Nicolas pour le protéger dans son œuvre. Il n’était pas certain que les voies du Seigneur soient ainsi modifiables, mais sa mère avait toujours insisté pour qu’il soit pieux et respectueux des choses sacrées, et Vova n’était pas homme à décevoir sa maman. Il les regarda passer en contrebas, toujours immobile, cherchant dans le groupe une personne à utiliser. Le mage, peut-être. Fragile, lent. Et surtout dangereux, ce qui en faisait une cible prioritaire. Mais non. Il devait survivre, lui. Il serait essentiel à la réalisation de son plan. Restait donc le soigneur, ou un archer. Ou bien encore le chef du groupe, un guerrier en armure légère, vulnérable à un assaut surprise. Il laissa la petite cohorte le dépasser, et, sautant de branche de branche, les suivit à bonne distance. Il devait attendre, de nouveau, attendre que l’occasion se présente et qu’ils montrent une faiblesse qu’il pourrait exploiter. Il n’eut pas à rester patient bien longtemps, et bientôt, ce fut une nouvelle vague d’adversaires qui se porta à eux. En plus des créatures habituelles, qui prenaient une forme de plus en plus humaine, de plus en plus dangereuse, il repéra dans le groupe les cadavres déformés de leurs anciens partenaires. Gonflés comme des outres répugnantes, les orifices remplies d’une matière cotonneuse d’un blanc sale, il se mouvait avec la même vitesse pataude que les autres bêtes. L’affrontement se déclencha, et Vova frappa à son tour, s’équipant d’une corde qu’il avait tressé en attendant l’arrivée du groupe.


Il n’avait pas été sûr de la pertinence et de la sûreté d’utiliser les lianes du donjon pour confectionner des outils, mais il n’était de toute façon plus l’heure de ce genre de prudence. Passant la corde improvisée autour de sa taille avant de l’enrouler à une branche, il se laissa tomber dans le vide, frappant rapidement. Sa lame s’enfonça dans le flanc du meneur, et son bras libre l’enserra, le choppant par la ceinture. La corde-liane se tendit soudainement, avant de le faire rebondir, ainsi que son nouveau chargement, à mi-hauteur. De là, ce ne fut qu’une affaire de force, afin de se hisser de nouveau dans la canopée, rapidement, avant que la confusion causée par la bataille et son assaut soudain ne se dissipe et que l’on se lance à sa poursuite.
Vsevolod Yegorovich
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Jeu 10 Déc - 17:47
« Enfin bref, c’est comme ça qu’on en est arrivé là. Bon, j’t’ai un peu assommé au passage, pis j’t’ai désarmé et attaché, m’enfin, en gros, tu vois, tac tac. »

Vova se fendit d’un grand sourire franc et amical, la lueur rouge omniprésente qui illuminait le donjon donnant aux crocs qui ornaient sa mâchoire une allure qu’il pensa engageante. Ses considérations esthétiques ne furent visiblement pas partagées pas son interlocuteur du moment, ce dernier peinant à cacher un mouvement de recul apeuré. Sans doute énervé par cette marque de faiblesse, il retrouva rapidement son attitude agressive et son envie d’en découdre, et recommença à insulter le joueur. Ce dernier s’apprêtait à le faire taire, quand, au-delà du torrent presque inintelligible d’insultes, il lui sembla entendre quelque chose d’autre, quelque chose qui ressemblait à un discours construit et à une tentative d’établir le dialogue :

« Mais tu penses quand même pas que même si ton plan de merde, quel qu’il soit, fonctionne, tu vas t’en sortir, hein ? Dehors, c’est la prison, putain ! »

C’était là une interjection raisonnable, qui justifiait même qu’il continue de tolérer la vulgarité de son ancien chef de groupe. Vsevolod se passa une main épaisse sur la mâchoire, caressant les arrêtes carrées de son visage épais, avant de répondre simplement :

« Je sais bien. Mais tu sais, j’ai un grand esprit de sacrifice. Ce que je le fais, je le fais pour sauvegarder le plus grand nombre. Le reste, ce n’est pas important. »

Il s’approcha de lui, positionnant son visage à quelques centimètres à peine du sien. Cette scène lui était si familière. Il avait tant de fois partagé des moments d’une rare intimité avec d’autres humains, au terme de ses chasses, pendant ses rituels. C’était à chaque fois un moment de plaisir et de partage toujours aussi renouvelé, toujours aussi neuf malgré la confortable familiarité de la chose. Il étudia les contours de la face du japonais. Un nez timide, et un visage marqué de cratère discrets, cicatrices d’une adolescence inconfortable. Une face douce, comme souvent. Une face de femme, presque. Son index calleux détailla un instant ses traits, ignorant pour le coup les cris de protestation. Il allait mourir, se dit Vova. Ce n’était pas nouveau, et son destin était scellé depuis un bon moment maintenant. Mais il méritait que le joueur s’arrête sur son cas, et lui prépare un dernier voyage digne de ce nom. Malgré leurs différences et son attitude parfois répréhensible, il était indéniable que lui aussi avait les intérêts du groupe à cœur. Au final, la seule différence entre les deux personnages était, quand on la ramenait au grand ordre des choses, une broutille, un trois-fois-rien négligeable. Simplement une vision différente de la méthode la plus efficace. Il lui susurra quelques mots à l’oreille, articulant soigneusement, sur un ton très doux :

« En fait, je serai le seul à survivre. Cela fera toujours un de plus que si je t’avais suivi. Et tu sais, cela me peine, vraiment. »

Il se redressa de toute sa hauteur, engloutissant le corps suspendu de son captif dans son ombre cannibale, et balança son pied dans sa tête, envoyant cette dernière ricocher contre le tronc derrière lui, l’assommant net. Il avait oublié de lui demander son nom. Sans doute l’avait-il d’ailleurs déjà donné avant qu’ils ne pénètrent dans le donjon, mais il ne s’en souvenait pas. Sifflotant un air ressemblant approximativement à Une nuit sur le Mont Chauve, il détacha le corps inconscient, et le chargea sur son épaule, avant de reprendre sa route. Il doutait au final que le brave leader ait réellement intégré toutes les raisons qui justifiaient et rendaient nécessaires le comportement du russe. C’était triste, mais il n’avait plus de temps à perdre, le reste du groupe, ou en tout cas ses derniers survivants, devaient être proche du point de non-retour. Il prépara soigneusement le brave meneur à remplir sa fonction, forçant sa bouche à s’ouvrir et la bourrant de tout ce qu’il avait pu trouver comme restes de champignons, créant dans son tube digestif un florilège aussi varié que létal, prenant soin d’y intégrer autant d’espèces différentes que possible. Puis, il se mit en route, pressé d’en finir avec cette triste aventure. Le sacrifice héroïque du meneur anonyme ne serait pas oublié avant demain matin, se promit-il solennellement.

Sautant de branche en branche, l’exercice rendu facile par l’épaisseur et l’abondance des formations interconnectés qui constituaient la partie haute de la forêt, il les rattrapa rapidement. Il ne restait plus que la moitié du groupe, assailli en ce moment même par une marée de monstres méconnaissables. Ils ne ressemblaient plus à ceux que l’on avait trouvé au début du donjon, les créatures culminant maintenant à plus de deux mètres, chaque tronc fongique surmonté d’une multitude de bras longs et flexibles, eux-mêmes terminés par des instruments violents dégoulinant d’un poison luisant. Vsevolod descendit tranquillement de son tronc, escaladant prestement le champignon géant, avant de mettre pied au sol. Prenant une grande inspiration, il laissa sa voix de stentor emplir l’atmosphère, beuglant de toute ses forces :

« Salut les amis ! J’ai la solution pour qu’on se tire d’ici ! Faut brûler le chef. »

A ces mots, il se déchargea de son fardeau, envoyant le corps en pleine mutation du pauvre homme rouler devant lui. Ravi de son petit effet, il se rappela tout de même que ses compagnons étaient en plein combat, et n’avait donc sans doute présentement pas les moyens de comprendre où il voulait en venir, et encore moins d’obtempérer. C’était là un problème majeur. Soupirant, il se joignit à l’assaut, jetant au passage un regard au chef. De ce qu’il avait pu observer, il fallait généralement une petite demi-heure au donjon pour recycler et assimiler les cadavres. Il imaginait qu’une personne encore vivante devait prendre un peu plus de temps. Toujours était-il qu’il fallait maintenant accélérer quelque peu l’allure.
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Jeu 10 Déc - 18:05
Il se rua au secours de ses camarades, sa haute et forte silhouette héroïque se découpant fièrement dans la lumière cramoisie qui baignait le donjon. L’affrontement fut difficile, et Vsevolod dut à plusieurs reprises esquiver de justesse les attaques des monstres-champignon, ne devant à plusieurs reprises sa survie qu’à un réflexe salvateur ou à l’intervention fortuite du dernier tank en vie. Il n’avait jamais que ces derniers comprendraient où se trouvait leur intérêt, et malgré la méfiance qu’ils devaient certainement tous ressentir à son endroit, son apport à leurs forces, bien que modeste, était trop précieux pour être refusé. Il leur fallut une bonne dizaine de minutes pour s’en sortir, et quand ce fut fait, seul cinq d’entre eux étaient encore debout. Le mage, le soigneur, un tank et un autre attaquant. Au moins le groupe restait-il équilibré. Le danger passé, le reste du groupe se retourna vers lui, leurs yeux emplis de lueurs hostiles.

Vsevolod leva les mains devant lui en signe d’apaisement, avant de commencer à s’expliquer, abandonnant pour une fois son attitude joyeuse et désinvolte pour s’imprégner un peu de la gravité austère que requérait cette situation. Il leur expliqua qu’il avait remarqué que le chef était contaminé, et que le donjon avait sans doute infecté son corps sans que personne ne le remarque. Il leur montra son cadavre, et l’influence des champignons qui le métamorphosait rapidement, ce dernier se transformant à une vitesse dramatique (chose peu étonnante au vu du cocktail que Vova lui avait fait ingéré). Il avait donc choisi de fuir et de prendre son temps pour pouvoir les aider au meilleur moment. Son histoire fut accueillie avec des airs étonnés, et le magicien, plus méfiant et surtout plus rapide à la détente que les autres (Il avait après tout un livre à la main et des lunettes sur le nez), s’empressa de le questionner :

« Et pourquoi seulement lui ? cracha-t-il en préparant ses sortilèges.

- C’est le chef du groupe, et je pense que vous avez compris que le donjon, ou au moins cette espèce de champignon, est intelligent. C’était un piège.

- Et tu pouvais pas nous le dire, tout simplement ?

- J’ai essayé. Ca n’a pas été un franc succès.

- Hm. Admettons que ton histoire soit vraie. Qu’est-ce que tu proposes ?

- Bah déjà, de brûler le corps. Le chef est mort, ou tout comme. D’ailleurs je serais pour faire ça rapidement, avant qu’il ne finisse de… Muter. On pourra parler du reste après. »

Le mage obtempéra, jetant rapidement son sortilège sur le corps impuissant. Les flammes dévorèrent bientôt la chair, et l’odeur caractéristique de la chair brûlée et de la fricassée de champignon emplirent rapidement l’atmosphère. Pour peu, le joueur se serait bien laissé distraire, tenté par le fumet délicat et la faim qui commençait à le tenailler. Il se retint difficilement, sachant que c’était là une mauvaise idée. Outre le fait que ces champignons ne soient sans doute pas les plus recommandables pour compléter son alimentation, il ne doutait aucunement de la justesse de ses déductions précédentes. Le corps, véritable havre où s’étaient retrouvé plusieurs dizaines de souches différentes de l’espèce de champignon, était un véritable autel sacrificiel, et le génocide ainsi perpétré ne manquerait pas d’appeler le maître des lieux, outragé par une telle profanation. Il devait être prêt. Au moment même où il s’apprêtait à ouvrir la bouche, voulant gagner encore un peu de temps, histoire que ses camarades ne se retournent pas contre lui avant que le boss n’arrive, ce dernier se manifesta.

C’était une entrée curieuse, sans doute parce qu’il avait chamboulé l’ordre normal des évènements. Il était apparu devant, sortant du sol avec un sol bruit chuintant et répugnant, en un court instant. Le dernier ennemi qu’ils devaient tuer aujourd’hui était, sans grande surprise, un champignon géant, qui les dominait de toute sa hauteur cataclysmique. Son corps, large facilement de trois mètres de diamètres, était composé de la même matière spongieuse dont été fait ses sbires. Mais celle-ci semblait parcourut de curieux courants qui la gonflaient et la dégonflaient, et il semblait à Vsevolod pouvoir distinguer par endroits des silhouettes vaguement humanoïdes portées par ces courants, coincées sous sa membrane. Tous se mirent en position, sachant pertinnement que discuter était maintenant vain. C’était l’heure du dernier combat, et toutes les autres considérations devraient sagement attendre qu’ils en aient fini avec ce monstre.

Ou bien que ce dernier en ait terminé avec eux.
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Jeu 10 Déc - 18:35
Dans un cri commun de défi, ils se préparèrent au combat. Ce fut le tank qui d’abord frappa de sa lame contre son bouclier, attirant l’attention du monstre. Ce dernier, chose nouvelle, se tourna vers lui, et le haut de son corps, bougeant et enflant, révéla la dernière évolution de ces créatures. Un unique œil cyclopéen, à la sclère jaunâtre, percé d’une pupille rougeâtre, les dévisageait maintenant. Il était difficile d’attribuer une expression à un faciès aussi éloigné de celui des hommes, mais il sembla à Vova y lire toute l’inimitié dont pouvait faire preuve un esprit aussi limité que celui du fongus. Enfin, se dit-il. Enfin, il voyait réellement ce contre quoi ils luttaient depuis leur entrée sur les lieux. Avançant vers lui à grandes enjambées, il tenta de le détailler, de comprendre les dangers qu’il allait poser. Chose curieuse, il ne voyait aucun des tentacules jusque là omniprésents sur les corps de sa progéniture. Son tronc était totalement lisse. Il prit grand soin de laisser le tank passer devant, se laissant devancer de quelques mètres, et quand ce dernier fut à portée de leur ennemi, il vit les corps prisonniers de sa chair émerger, le champignon se couvrant d’autres champignons, ces derniers armés de tentacules.

Le joueur grinça des dents. Ce boss risquait d’être excessivement compliqué, et il doutait de s’en sortir indemne. Il pressa le pas, se portant juste derrière le tank. Maintenant qu’il comprenait comment fonctionnait son ennemi, il pouvait épauler de manière décente son allié retrouvé. Le premier assaut ne fut donc pas donné par les humains, mais bien par la dernière incarnation du donjon. Une dizaine de lianes filèrent vers eux, promettant à l’inconscient trop peu préparé une mort douloureuse et rapide. La majeure partie de l’attaque sembla dirigée vers son allié, qui encaissa tant bien que mal le coup, et Vsevolod n’eut qu’à en esquiver deux, évitant la première et plantant son couteau dans la seconde liane, la sectionnant sommairement. Ils continuèrent malgré cela à avancer, la lumière du soigneur remettant d’aplomb son compagnon et les flèches de l’autre attaquant leur apportant une couverture appréciée. Enfin, les traits embrasés du mage allèrent directement percuter le corps de leur ennemi. Si ce dernier semblait toujours partager la faiblesse dont ses congénères étaient affligés, elle n’avait pas chez lui l’intensité dramatique que l’on trouvait chez ses déclinaisons moins évoluées. Sa chair, au lieu de brûler, se carbonisait rapidement, formant une croute noirâtre qui tombait rapidement au sol, dévoilant l’intérieur répugnant de son corps. C’était une masse de chair végétale grouillante, de laquelle émergeaient parfois des corps à moitié digérés d’espèces variées, et des champignons pas encore totalement formés.

Enfin, ils parvinrent au corps-à-corps. Moins exposés aux tentacules qu’à mi-distance, ils devaient néanmoins rester vigilants, leur proximité avec le béhémoth et la nature protéiforme de ses attaques les dotant d’un nombre alarmant d’angles morts. Le bouclier d’acier du défenseur alla s’écraser contre leur ennemi, et sa masse chercha tant bien que mal à le blesser. Les coups, contondants et mal assurés, causaient peu de dommages, mais là n’était après tout pas son rôle. Vsevolod, lui, chercha directement les points faibles de l’ennemi. Tout proche de lui, il était le mieux placé pour les trouver et les exploiter, et son regard se porta d’abord tout naturellement sur les champignons qui émergeaient de son corps. Plus petits, et surtout porteur de ses moyens de défenses, ils lui semblaient une première étape tout indiquée. Il se rua sur le plus proche, esquivant les tentacules, et le roua de coup, sa lame tentant tant bien que mal de charcuter l’offensante protubérance. Ce fut un travail difficile, car ainsi éloigné du tank, lui-même devenait une cible bien plus facile. Il dut à de nombreuses reprises éviter, parer et dévier de nombreux assauts, voire reculer pour mieux revenir lorsqu’une ouverture se présentait. Quand enfin il parvint à éliminer sa cible, le boss ne sembla pas manifester la moindre gêne. Le joueur doutait à vrai dire que ce dernier en soit capable, ou même qu’il soit doté d’un système nerveux apte à lui transmettre ce genre d’information. Il voulut continuer son attaque, reportant son attention sur sa prochaine cible, quand le pire arriva.

Le chapeau du boss sembla se fendre en deux, et de l’ouverture ainsi créée, plus proche de la plaie suintante que de la bouche, un liquide blanchâtre et opalescent s’échappa, décrivant dans les airs un arc de cercle lourd et disgracieux, avant de s’écraser sur la position de leur ligne arrière. Si l’archer réussit de justesse à esquiver, le prêtre et le mage n’eurent pas cette chance. La masse les écrasa, et si son aspect cotonneux sembla un instant les protéger de l’impact, elle se contracta rapidement, gagnant en densité, se concentrant autour des corps prisonniers, jusqu’à ce qu’il ne s’en échappe tout un épais nuage de spores. Cette fois-ci, l’archer ne fut pas assez rapide. Vova n’eut pas le loisir d’observer son agonie, ses cris de douleurs servant seuls à le renseigner sur sa situation. Si les assauts répétés de la créature s’étaient quelque peu espacés pendant son attaque précédente, ils redoublaient maintenant d’intensité. Une des attaques finit enfin par le toucher, le tentacule transperçant son épaule et le hissant dans les airs. Il pouvait déjà sentir le poison cruel qui se répandant dans son système, infectant son sang et le préparant à subir le même destin répugnant que sa ligne arrière. Serrant les dents, il regarda devant lui, tentant de dissiper le voile opaque qui se posait petit à petit sur sa vision. Voyant l’œil gigantesque du monstre le dévisager, il serra les doigts autour de sa dague.

La créature voulait le voir mourir, se rendit-il compte. Elle savait qu’il était le principal coupable de l’affront qui lui avait été fait, et elle réclamait sa vengeance. Elle était intelligente. Et plus intolérable encore, elle se jouait de lui, elle tirait de sa souffrance et de sa lutte impuissante une satisfaction perverse.

Dans un dernier effort, Il jeta son bras en avant, plantant sa dague dans l’œil de la créature, pesant de tout son poids, le déchirant d’un mouvement erratique et furieux. Ce dernier éclata, l’aspergeant d’un liquide répugnant. Vova savait. La bête évoluait lentement, s’était-il rendu compte. Elle évoluait, et adoptait les caractéristiques de ses proies.

Et donc, trop stupide qu'elle était pour trier ses acquisitions, ses faiblesses.
Vsevolod Yegorovich
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Jeu 10 Déc - 18:51
Il profita de la cécité nouvelle de son ennemie et de son immobilité momentanée pour retirer de son corps la pointe qui l’empalait. Ainsi libéré, il s’engouffra dans la blessure du monstre, son orbite révélant une caverne de chair. Il trancha, et frappa, et avança en sectionnant presque aveuglement tout ce qui se trouvait sur son passage, couvert de débris organiques et d’un liquide puant. Il avait peu de temps avant que lui-même ne succombe à ses propres blessures ou à l’influence des spores de la créature. Il frappa, et frappa encore, brisant les rejetons malformés qui incubaient dans son corps putride, lacérant ses chairs et fracassant son corps. Et enfin, il la sentit tomber, s’effondrer sous le poids de son propre corps. Le mouvement grouillant qui avait jusque là animé son corps cessa, ce dernier s’écrasant au sol dans un bruit de fin du monde. Vsevolod charcuta la bête, tentant de se frayer un chemin hors de sa carcasse. Il lui fallut plusieurs minutes pour y parvenir, et quand enfin il se retrouva à l’air libre, il regarda autour de lui. Personne d’autre n’avait survécu, et il ne voyait nulle part le cadavre du tank. Il prit une grande inspiration, remarquant que l’odeur de décomposition jusque là toujours présente s’étaient soudainement faite un peu moins forte. Finalement, il se releva, un large sourire triomphe de triomphe séparant le haut du bas de son visage. Il était victorieux. Il avait eu raison, et son instinct ne lui avait pas menti. Un rire puissant secoua sa cage thoracique, avant de s’échapper de sa bouche ouverte, quand enfin le système lui indiqua la complétion du donjon. Rappelé à l’ordre, il banda rapidement sa blessure, et, constatant que ses points de vie avaient cessé de diminuer, s’autorisa une courte pause. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à profiter des doux fruits de sa victoire. Il regarda les chairs mutilées du monstre, et son couteau. Seul, il ne pourrait sans doute emporter grand-chose. Ce n’était en soi pas bien grave, il lui suffisait simplement de choisir les morceaux les plus intéressants. Il n’avait de toute façon pas à partager.

« Et donc, vous êtes le seul survivant ? »

Il regarda le fonctionnaire qui lui faisait face. Blessé comme il était, Vova n’eut pas réellement de mal à vendre son histoire. Cette dernière était d’ailleurs totalement véridique, et il s’agissait simplement de la présenter sous un jour avantageux, afin de ne pas déclencher l’ire bureaucratique des gagnes-petit aux esprits étriqués. Il se plaisait après tout au Japon, et ne comptait pas se trouver obligé de déménager si peu de temps après son arrivée. Fort heureusement, son interviewer semblait convaincu par sa version des faits, et les équipes médicales qui l’assistaient purent confirmer qu’aucune de ses blessures n’avaient été causées par des armes humaines.

Il n’avait même pas eu à achever lui-même les derniers membres de son groupe, se félicita-t-il. Même le tank avait eu le bon gout de mourir écrasé sous le cadavre du grand champignon, juste après lui avoir survécu. Une bien belle histoire, avec juste ce qu’il fallait de tragédie, et une fin heureuse, somme toute. Il quitta finalement les lieux après avoir effectué les démarches nécessaires et reçus les soins obligatoires, ravi de son butin et du résultat de son premier donjon. Il avait maintenant hâte de voir quelles récompenses le système allait lui offrir. Mais pas pour l’instant. Pour l’instant, il avait bien mérité un peu de repos. Il avait sommeil, et faim. Ce soir, c’était viande en sauce et champignons, comme le faisait autrefois sa maman.
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