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Vsevolod Yegorovich
Vsevolod Yegorovich
Messages : 7
Date d'inscription : 06/12/2020

Presque debout [Quête solo] Empty Presque debout [Quête solo]

Lun 28 Déc - 14:23
Il fit l’inventaire de ses affaires, soigneux comme à son habitude. Devant lui s’étalaient le contenu de sa valise et le produit de ses visites à plusieurs magasins de la capitale cosmopolite. Il y avait de quoi se vêtir pendant plusieurs jours, et une tenue de travail complète, épaisse et venant avec gants, masques et bottes en caoutchouc montantes. Diverses bouteilles de précieux liquides, dont sa vodka maison, quelques produits détergents, une bouteille de soude caustique et une pour les travaux industriels. Deux bonnes dizaines de mètres de bâche plastique, et un pistolet à air chaud, lui aussi acheté dans une boutique spécialisée, sans compter ses divers outils, plus communs à sa profession : couteau de chasse, scie à os, drain. Il était prêt. Ce soir, il profitait du havre indifférent que lui offrait les lumières tokyoïtes pour assouvir ses pulsions, pour libérer le trop plein de stress qui s’accumulait de plus en plus rapidement depuis que le système était entré dans sa vie. Certes, le jeu semblait clairement en valoir la chandelle, mais remettre son destin entre les forces d’une entité dont la seule chose qu’il comprenait d’elle était son tempérament capricieux et impérieux n’était pas pour lui chose facile. Il se regarda une nouvelle fois dans la glace de la petite pièce. Il était beau, bien remisé, ses dents étaient blanches et son haleine mentholée. Un costume élégant mais détendu encadrait sa haute stature, et il ne lui restait qu’à hanter quelques bars, le temps de trouver quelqu’un qui soit à son gout. Ravi de voir que tout se passait pour une fois merveilleusement bien, il se redressa, et se tourna vers la porte, prêt à abandonner l’endroit miteux pour faire le trajet qui le séparait de l’oasis tant convoitée.

Le tintement caractéristique du système se fit entendre, à mi-chemin entre un son de clochette trop aigu et le bruit que faisaient les anciens réseaux sociaux lorsque l’on recevait un message. Vsevolod s’arrêta net, son expression se gelant en un masque impassible et neutre, chose rare chez lui, et généralement annonciatrice de ses plus grandes colères. Ses narines se dilatèrent puissamment, inspirant longuement, et il souffla. Il le savait, après tout. Chaque semaine, le système lui imposait une quête, à un rythme globalement assez régulier. C’était sa faute, se répéta-t-il plusieurs fois, tentant de faire de cette phrase un mantra apaisant. Il invoqua d’une injonction mentale exaspérée l’écran bleuté qui devait lui révéler ce que le système attendait cette fois de lui. Au moment de poser ses yeux dessus, il sentit une sensation bien trop familière l’assaillir. Ne comprenant pas tout de suite pourquoi, craignant une quelconque agression, il matérialisa par réflexe sa hache, la tirant de son inventaire. Il était, pour une raison qu’il ne s’expliquait pas, ivre mort. La sensation familière de perte de repères, de chaleur intense et d’euphorie saisit ses membres, le désorientant quelque peu. Fort heureusement, il était naturellement résistant aux effets averses de l’alcool. Se passant une main maladroite sur le visage, il se le frotta énergiquement, tentant de récupérer ses esprits. Personne n’était dans la pièce avec lui, comprit-il finalement. Personne ne voulait l’attaquer, pas dans cet endroit miteux et oublié de tous, pas alors qu’il était caché. Il crut entendre au loin des voix familières, mais se ressaisit. Père était mort, et ses entrailles peignaient la terre gelée de son vieux pays, loin, si loin de lui, si elles n’avaient pas été dévorées par les tigres. Il réprima difficilement un rire nerveux, et plaça sa main devant lui, comptant les doigts de sa main. Un, deux, quatre, cinq, six. Cela n’allait pas, et il devait être plus atteint que ce qu’il pensait.

Il finit enfin par lire le message du système, abandonnant tout espoir de comprendre ce qui lui arrivait. Ce dernier lui demandait, comme à son habitude, d’accepter de se ridiculiser contre la promesse de récompenses. Et visiblement, il était responsable de son état :

« C’pas bien de… De te foutre de moi, annonça-t-il d’une voix pâteuse. C’pas très très gentil. »

Personne ne lui répondit. Il soupira, et entama la première tâche. Cinq cent mètres à cloche-pied. Il sortit de la petite pièce, refermant tant bien que mal la porte derrière lui. Heureusement, l’endroit était relativement désert, la maison donnant sur un terrain vague, dans un endroit abandonné de la banlieue de la capitale. Il se dressa tant bien que mal sur un pied, cherchant à maintenir son équilibre. Fort heureusement, son agilité dépassait de loin celle d’un être humain lamba, et cette épreuve n’était pas inaccessible. Il se mit à sauter, serrant les dents. Une fois, deux fois, trois fois. Il s’interrompit, tentant de maintenir son équilibre, avant de reprendre. Ce fut une avancée laborieuse, mais il finit au bout de quelques minutes d’effort par y arriver.
Vsevolod Yegorovich
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Lun 28 Déc - 14:46
Il tomba avec la grâce d’un vol d’hippopotames lorsque qu’il entendit la notification du système lui indiquer, qu’enfin, il s’était acquitté de la première partie de son épreuve. Son enthousiasme à l’approche de sa récompense, et surtout de sa délivrance, fut rapidement douché lorsqu’il lut ce qu’il devait faire ensuite. Compter jusqu’à mille, à l’envers. Il resta planté là plusieurs longues minutes, tentant vainement de déchiffrer le sens de cette phrase. Elle ne voulait rien dire. Ce n’était pas possible. Lui demandait-on de partir de mille pour arriver à zéro ? Devait-il inventer un nouveau système mathématiques capable de résoudre ce problème ? Il n’était pas sûr. Il se décida finalement à réintégrer son antre du soir, marmonnant questions et imprécations le temps de comprendre ce qui était attendu de lui. Il finit tout de même par se décider à tester plusieurs théories. Il finirait bien par tomber sur la bonne, et cet esprit scientifique rendrait sans le moindre doute son papa très fier, une fois qu’il l’aurait recousu et qu’il aurait réarrangé le contenu de ses tripes. C’était dur, de tout remettre en pièce. En place. Mille, commença-t-il, le son de sa propre voix le surprenant et le faisant sursauter. Mille, répéta-t-il, comme pour le tester. Il la trouvait plus caverneuse. Pas forcément plus grave, mais il avait l’impression qu’elle ne sortait pas vraiment de l’endroit habituel, mais d’ailleurs. Il ne savait pas d’où.

« Neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf, continua-t-il. »

C’était bien sa voix, et non pas celle de quelqu’un d’autre. Il n’était pas sûr de qui elle aurait pu provenir, de toute façon. Il fallait compter, se souvint-il. Alors il continua de compter. La tache était longue, et il devait procéder lentement, pour ne pas que la danse des nombres ne se fasse trop confuse, et qu’il oublie ce qu’il était en train de faire. Lentement. Doucement. En dessous de neuf, il y avait huit.

« Huit-cent-quarante-deux. »

Il en était là. C’était un peu moins sa voix, maintenant. Un peu plus celle de quelqu’un d’autre, et elle avait la couleur d’une pierre raclant sur une pierre. Une pierre humide, et vieille, et moussue, et tout cela était bien trop spécifique, et il n’aimait pas la direction de ses pensées. Il continua de compter. Une autre centaine passa, emportant avec elle un autre moment de sa vie, le rapprochant de la mort et du ventre paternelle. Un jour, lui aussi serait mangé par des tigres des neiges. Ou des renards. Il n’était pas resté pour le voir.

« Sept-cent-trois. »

Tout ceci était long, et pénible et ennuyeux, et il voulait en terminer et arrêter de penser. Il n’aimait ces pensées, et plus il voulait les dissiper, plus il tentait de se changer, plus elle revenait sur le devant de la scène, parasitant son esprit et l’empêchant de compter. Il devait compter. Il ne savait plus très bien pourquoi, mais il savait par contre que c’était important. Essentiel. Capital. Vital. La vie, et après la mort, et entre les deux ses intestins vides et pourtant responsables de son ivresse. Six-cent, et après :

« Cinq-cent-soixante-douze »

Compter à rebond. Un décompte, comme avant le lancement d’un missile, ou l’allumage d’un four crématoire, pour réduire en cendre le cadavre tout flasque de mamie. Ou de papa. Non, pas de papa. Rapport aux gros chats blancs. Compter. Compter encore. Rester concentré. Quatre-cent, et puis trois-cent, et puis les autres pensées qui s’unissaient aux chiffres, à l’acte abrutissant qui lui était demandé. C’était la perte de ses fonctions. Devant lui, l’éclat de la lampe perçait la couche de crasse qui recouvrait son bulbe pour jeter sur ses outils des lueurs dansantes. Deux-cent. Cent.

« Quatre-vingt »

Et puis, enfin, Zéro. Le vide, le but, le néant, l’accomplissement et la fertilité. La viande nourrissait la viande qui nourrissait la viande qui nourrissait la viande. Demain, il aurait besoin d’aspirine. Un autre tintement du système, une autre félicitation. Il ressemblait à un système informatique. S’agençait-il lui aussi en une suite incohérente de zéros que venaient parfois troubler la matière du un ? Il y avait de quoi devenir végétarien. Cette idée fit monter en lui une forte envie de vomir, et il eu beaucoup de mal à se retenir. Non. Être végétarien, s’était ne plus être un tigre. Il fallait continuer, maintenant. Regarder la prochaine requête du système, et obtempérer.
Vsevolod Yegorovich
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Lun 28 Déc - 15:10
La dernière partie de la quête semblait plus simple. Tenir un gainage pendant dix minutes. Même avant l’augmentation de ses capacités, ce n’avait jamais été pour lui quelque chose de particulièrement difficile. Il avait toujours été un grand sportif, et surtout particulièrement endurant. Il se mit tout de même torse-nu, le linceul de sueur qui le maculait maintenant rendant le port de ses vêtements particulièrement désagréable. Il doutait de toute façon de sortir ce soir, ses plans se trouvant définitivement bouleversé par le système. Les coudes au sol, et les avant-bras devant lui, bien parallèles. Et il soulevait sa masse, sa grosse masse de viande et d’os et de muscles et de sueur, au-dessus du sol, et il tendait les muscles, sentant le jeu serré de ses abdominaux se faire plus dense encore. Dix minutes. Ce n’était pas long. Il était certes dans un état second, mais tant qu’il ne bougeait pas, tout allait bien. Sa vision ne se troublait pas, le mouvement des objets et du monde ne l’emplissait pas d’un profond sentiment de détresse, et la voix du cadavre ancestral et les rugissements des prédateurs ne troublaient pas son existence. Dix minutes, à rester immobile. Cela lui rappelait la méditation que lui avait imposé il y avait de cela quelques semaines le système, sous la cascade d’eau. Il n’avait pas aimé. Il n’était pas immobile. Il n’était pas zen. Il était le mouvement, l’ode à ce que l’humanité avait de vivant, et la fascination que les moines avaient avec le néant et l’idée de se faire dans leur vie ce qu’ils seraient dans leur mort ne l’enchantait pas. Il était le mouvement. Il grogna. Peut-être pouvait-il compter, à l’endroit cette fois, pour passer le temps. Il abandonna l’idée. Non. Il fallait attendre.

En face de lui, il détailla la courbe élégante de la scie à os. C’était une courbe très droite, qui aurait sans doute été parallèle avec l’autre bout de la scie mais qui ne l’était pas. Et puis il y avait les dents. Plein de petites dents, mais pas des crocs de gros félins. Plutôt comme ceux des crocodiles qui nageaient sous la vase, avec leurs longues mâchoires qui raclaient les os des proies et les secouaient pour les emmener sous l’ombre aqueuse des roseraies. Elle était très belle, cette courbe droite, remarqua-t-il. Elle était belle, par pour sa simple forme physique, mais parce qu’elle lui promettait. L’union de deux opposés. Chair et métal. Os et dent. Droit et courbé. Et puis, il y avait les produits chimiques, dans leurs bouteilles anonymes. Elles n’étaient pas très belles. Elles ressemblaient à des organes sexuels, et les organes sexuels n’étaient pas spécialement beaux. Même les anciens, sur leurs statues de marbres, sculptaient de petits pénis, et les cachaient. Sous la forme travaillée des muscles et des visages austères. Encore un peu. A attendre, pas à cacher. Encore un peu, et le gainage serait terminé. Ne pas grogner. Il grognait souvent, et à vrai dire il pensait qu’il faisait exprès de grogner souvent, et essayait de ne pas s’en rendre compte. Ca lui donnait un air animal, et il aimait avoir l’air d’un animal, sans être un. Mais pas un tigre. Non. Les tigres, ça mangeait les pères lorsqu’ils étaient dans la neige, et lui ne faisait pas ce genre de chose. Une larme coula le long de son œil droit, et le système choisit ce moment pour sonner.

Il en avait terminé. Il tomba au sol, soufflant et grognant. C’était la dernière quête hebdomadaire de l’année, et il espérait que celles qui allaient suivre seraient plus normales. Qu’on lui donne quelqu’un à tuer, ou des exploits à accomplir. Ca, il pouvait faire. Quelque chose d’héroïque et d’épique, quelque chose qui transforme un peu les rayures de son pelage en une peau d’humain, rose et tendre comme celle d’un nouveau-né. Il coinça ses yeux dans le creux de son coude, cachant les ténèbres lumineuses de la pièce, et les ferma. Il voulait dormir, maintenant, et laisser le sommeil l’envahir. Demain, il serait encore temps de voir comment agiter ses outils.
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