Préjugés [Hoshino]

Ernest avait encore un peu de mal à se familiariser avec la vie japonaise, il y avait beaucoup de monde dans ses rues qu’il en était un peu mal à l’aise, se retrouver était des plus compliqués. Sa grande taille ne l’aidait pas forcément à passer inaperçu non plus. Il avait également ce sentiment que la majorité des japonais qui n’avait jamais voyagé était toujours réservé en sa présence comme si il allait les agresser. Pourtant Ernest n’était pas une personne méchante ou violente, il cherchait juste à vivre sa vie simplement. Ce ressenti poussait donc l’africain à éviter les rues les plus empruntés de Tokyo dans lesquels il ne se sentait absolument pas à l’aise.

Suite à cela, le gajin avait pris de plus en plus souvent d’aller dans des ruelles qui étaient moins fréquentés mais aussi souvent moins cher. Le budget d’Ernest restait assez faible surtout dans une ville comme Tokyo, il avait donc pris l’habitude de déambuler et de recherché des petites adresses qui pouvait valoir le détour. Cela faisait quelques années qu’il habitait Tokyo et il commençait à avoir ses propres habitudes. Qui plus ai, si il voulait s’intégrer et être moins mal à l’aise avec sa nouvelle vie, il devait éviter de se rendre dans les lieux et quartiers touristiques.

Depuis qu’il était à Tokyo, le trentenaire avait pris l’habitude de plutôt trainer dans vers Odaiba qui était l’un des endroits les moins animé de la capitale nippone. Pour autant, le Burundais pouvait assez facilement trouver ce dont il avait besoin grâce aux nombreuses boutiques. Il avait donc pris habitude de se rendre sur cette île qui avait un paysage magnifique. Le jeune homme avait besoin d’acheter quelques produits alimentaires et il était donc partie faire ses courses à la fin de celle-ci, il s’était accordé un moment de détente pour admirer l’océan sur un banc.

Soudain il se mit à entendre crier derrière lui, une personne semblait appelé au secours, Ernest s’élança donc et se dirigea vers la personne qui avait appelé, elle semblait être une dame âgé. Un autre homme d’environ une cinquantaine d’années était arrivé sur place répondant lui aussi aux cris de la vieille femme.

-On m’a volé mon portefeuille ! Au secours !

L’homme a côté d’elle lui demandait :

-Avez croisé quelqu’un de bizarre ou de louche ?

-Oui lui.

Elle désignait ainsi Ernest du doigt alors que celui-ci venait voir si tout allait bien et comment il pouvait aider cette pauvre femme. Le chauve savait qu’il avait tendance à ressortir dans le paysage mais de là à l’accusé d’être un voleur sur de simple préjugé.

-Madame, je peux vous montrer mes poches, je n’ai absolument rien volé.

-Menteur je suis sûr que si vous ne l’avez pas c’est que vous l’avez caché quelque part, rendez le moi.

Suite à cela elle commença à mettre des coups de canne dans les jambes d’Ernest qui ne savait plus trop quoi faire.

Au final, j’avais jamais vraiment été sur Tokyo. Quelques fois certes, genre un déplacement à la guilde et mon entretien d’embauche dans l’université de Tokyo pour les fois les plus récentes, et avant… Bah, y’avait bien eu un passage ou deux au Comiket y’a quelques années, mais autrement, bah… J’étais une native d’Hokkaido, et j’me serais bien perdue là-bas des années durant si on m’avait pas obligé à sortir de ma tanière pour bien des raisons.

Pour aujourd’hui, le programme était simple. Suivre ma formation durant une bonne partie de la journée, avant de rentrer chez Shen afin de passer la soirée avec lui. Sauf que ça, c’était en théorie, et l’absence de mon formateur m’avait un peu obligé à aller à gauche et à droite pour tenter d’me débrouiller comme j’le pouvais en observant mes collègues faire et en suivant un truc facultatif. Au final, à quatorze heures, j’étais un peu libérée, et j’me retrouvais comme une conne dans les rues, sachant pas trop quoi faire. Certes, j’pouvais rentrer directement, me placer sur le canapée ou le lit avec mon pc et surfer sur le net pendant des heures. C’était ce que j’avais fait des années durant, mais… Là non. L’envie de faire autre chose était présente, et quitte à être dans une nouvelle ville, autant en profiter pour faire un truc que j’avais jamais fait jusqu’à maintenant.

Du. Tourisme.

Punaise, me dire que j’étais en train de flâner dans les rues comme ça, sans pression, comme si j’étais une étrangère en vacance qu’avait pas la moindre obligation de sa vie… A croire que ma couleur de peau signifiait vraiment quelque chose pour une fois ! Ça faisait bizarre en fait, surtout pour moi, l’oiseau de nuit, le rapace territorial et le truc qui sortait habituellement jamais de chez lui. Certes, c’était pas l’air le plus pur ni les espaces les plus verts, mais ça dépaysait tout de même pas mal.

Donc mes pas me guidèrent jusqu’à Odaiba. J’étais coutumière de l’histoire de la baie de Tokyo et compagnie, mais à suivre les nombreux écriteaux historiques placés un peu partout, y’avait de quoi se poser et prendre une bonne leçon d’histoire d’une manière un peu plus vivante que de consulter la page wikipédia sur le sujet. Fin bon, dans tous les cas, c’était une canette à la main, une d’ice-tea, achetée y’a quelques minutes dans un distributeur.

Mais alors que j’me baladais, une petite vieille vint à crier. Au vol évidemment, quelqu’un lui avait volé ses affaires. Chaud tout de même, un vol en pleine rue. Tant que c’était pas alzheimer qui frappait. Fin bon, c’était pas mes affaires non plus, et même si j’étais gentille, j’avais un peu un mauvais feeling avec les personnes agées. Fin, plutôt elles qui avaient un mauvais feeling avec moi. Mon dernier séjour au poste de police de Tokyo m’était resté en travers de la gorge à vrai dire, juste parce que quelqu’un m’avait dénoncé car elle aimait pas ma tête… Bref, pas mes affaires.

Sauf que quelqu’un vint à se faire accuser. Un homme, grand, et clairement pas d’ici. Enfin, j’disais ça, mais on pourrait dire la même chose pour moi, alors que j’étais japonaise ! Bref, il « paraissait » comme étant étranger, et il subissait directement la colère du troisième âge, qui sans même avoir de preuve commençait à s’énerver, alors qu’un autre homme s’était empressé d’assister la petite vieille, et semblait être dans cette idée là aussi. C’était pas croyable que dans ce pays, on puisse autant subir pour un truc qu’on appelait la couleur de peau. Ils étaient au courant du racisme ou pas ?!

Bref, c’était pas mes affaires hein, mais avec le fait que l’accusé semblait être complètement perdu, je… Un truc qu’on appelait « Empathie » vint à se réveiller. C’est vrai que pour le coup, ce genre de truc m’était déjà arrivé, et qu’avoir un coup de main était pas de refus. Donc… Bon, pas mes affaires, mais ça pouvait le devenir. Mais à mon rythme hein. J’allais pas trop brusquer mamie.

‘’J’me permet d’vous interrompre hein, mais c’est un peu étrange que votre présumé voleur vient à votre rescousse. S’il avait vraiment prit votre portefeuille, il serait parti.’’

A moins qu’il ne soit un voleur particulièrement rusé, mais vu qu’il avait pas vraiment l’air d’être spécialement discret, surtout vu son gabarit, c’était pas vraiment la meilleure idée. Et pour le bien d’mon argumentaire, on allait dire que non. Mais restait à savoir si ça allait convaincre la petite mamie, ou bien si au contraire, elle allait se retourner contre moi, et dire que j’étais la voleuse ou la complice de ce truc là.