Nostalgie [Flashback] [Solo]

J’habitais dans une autre ville que Tokyo avant, le genre de ville assez développée au centre, mais devenant rural au fur et à mesure, laissant la végétation pousser ici et là, donnant un peu de place à la nature.
Son nom ? Je n’ai plus souvenir, juste qu’elle était assez loin de la capitale et qu’il faisait bon d’y vivre. Ma mère et moi vivions dans une petite maison en location avec un jardin, elle avait la possibilité de prendre un appartement, mais elle disait que le confort était primordiale pour une vie saine.

Il faisait souvent beau dans mes souvenirs. Peu de nuages en été, l’automne était supportable. Seul l’hiver était plus dur à supporter.
Nous étions toutes les deux dans ce petit endroit, deux personnes, mère et fille, vivant leur vie dans la joie et la bonne humeur, dans la tristesse et la mélancolie.

Je n’ai jamais eu de père dans ma vie.
Je ne sais pas ce que ça fait d’en avoir un, ni même de comprendre ce que ça signifie.
En y repensant, je n’ai jamais vu le visage de mes grands-parents, ou d’un quelconque parent du côté de ma mère.
Nous étions seules, mais pour moi, elle était tout ce dont j’avais de plus précieux.

Ce n’était pas facile au début.
J’harcelais souvent ma mère sur nos conditions, sur le fait d’être si différent des autres.
« Pourquoi je n’ai pas de père ? » « Pourquoi ne parle-tu jamais de mes grands-parents ? » « Pourquoi se moque-t-on de nous ? » « Pourquoi ne suis-je pas normal ? »
À vrai dire, j’en ai un peu honte rien que d’y penser. Moi qui lui posait encore et encore les mêmes questions, à lui casser les oreilles avant de courir dans ma chambre en larme.

Elle ne m’en a pas voulue, mais j’ai toujours ce regret au fond de moi.

Je me souviens la fois où je suis restée éveiller un soir et de la voir couvrir son visage avec ses mains, les larmes coulant en abondance.
Cela m’a fait comprendre que je n’étais pas la seule à souffrir, que je n’étais pas la seule à subir.
J’ai pleuré ce soir-là.
Pleurée pour mon égoïsme.
Pleurée pour la douleur que ma mère vivait.
Pleurée pour mon incompétence.

Alors, j’ai pris la décision de prendre les choses en main.

Beaucoup racontaient que ce n’était pas aux enfants de travailler pour leurs parents, de ne pas vivre pour eux. Pourtant, je l’ai quand même fait.
Si je ne le fais pas, qui le fera ?
Les autres adultes ?
Les amis que ma mère se faisait ?
Peut-on considérer quelqu’un comme un ami, si ce dernier ne vient jamais vous aider quand les problèmes arrivent ?
Peut on considérer quelqu’un comme de la famille, si cette dernière ne vient jamais en aide ?
Non, pas vrai ?

Les contes de fées ne sont rien de plus que des comtes.
Le héros sur son cheval blanc ne viendra jamais.
Personne ne viendra nous aider, ou aidez ceux qui en ont le plus besoin.
C’est simplement la vérité.

Au moins, si les choses se passaient mal, j’avais au moins tenté quelque chose.

On peut dire qu’à partir de ce moment-là, ma vie a fait un tournant à 180°.
D’abord l’école, puis rentré chez moi, avant de faire les tâches ménagères, les devoirs et ensuite dormir. Mère m’avait dit que ce n’était pas à moi de le faire, que je ne me devais pas me tuer à la tâche.
Malgré cela, j’ai continué à le faire.
J’avais déjà un tempérament enflammé à cet âge-là, et ça n’a fait qu’empirer en grandissant.
Elle me disait même que plus je prenais de l’âge, plus je lui ressemblais, chose que j’ai le plus apprécier.

Se sentir plus proche de quelqu’un que l’on aime et admire est normal après tout.

Au bout d’un moment, elle prit le choix de me laisser faire et commença à m’apprendre beaucoup de choses. L’art de la cuisine, comment juger un produit, jusqu’à marchander correctement avec les commerçants.
J’apprenais vite qu’elle me répétait avec un sourire. On s’était dégoté une sacrée réputation dans les magasins et marchés, du genre « le terrible duo » ou « les rapaces du quartier ». Nous portions le nom de famille de mon père, ce qui nous faisait démarquer de la masse encore plus.

Les Russes étaient déjà mal vu au Japon depuis des années, et ça n’a pas changer dés lors.

Les années passèrent, nous avions dû déménager pour aller vivre à Tokyo, ma mère ayant eu une promotion à son travail. Je ne m’étais pas vraiment intéressée à tout ça, mais le fait d’être capable de nous permettre de vivre toutes les deux convenablement n’a fait que de me prouver d’avantages qu’elle était quelqu’un d’extraordinaire.
Je souhaitais devenir comme elle, suivre ses traces et avancer avec fierté partout où j’allais, prouver que je valais bien plus que ce que certains me disaient entre deux insultes, avant de finir par terre à se tenir l’entrejambe.

Fierté, c’était ce qui me permettait de suivre ma voie sans m’arrêter.
Garder la tête haute, même dans les pires moments.
Apprendre de ses erreurs, même lorsque tout va bien.
Savoir se relever, même si ça fait mal.

Mère m’a apprit ça dès le plus jeune âge, me disant que c’était la chose la plus importante à connaître. J’ai mis du temps à comprendre à cet instant précis, néanmoins, j’ai gravé ses mots dans mon esprit par pur réflexe : Elle était quelqu’un qui parlait avec franchise et ne cachait rien.


Un monde qui ne pardonne pas la faiblesse, la lâcheté, l’abandon… C’est la réalité dans laquelle nous vivons tous, qu’importe le temps ou l’endroit où nous vivons.
C’est horrible hein ? Le fait de devoir se battre tous les jours pour trouver une place dans la société, de devoir survivre contre tous ceux qui seraient capables de voler notre place s’ils le pouvaient…

C’est notre monde, notre foyer, et même s’il arrivait de bonnes choses, de mauvaises arrivaient ensuite.
Pourtant, je suis fier de me tenir sur mes deux jambes ici et maintenant.
J’ai prouvé et je prouve encore que j’existe, que je vaux ce que je pense, que je suis là aujourd’hui.
Je suis heureuse d’être qui je suis, même si je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, je continuerais mon chemin en gardant la tête sur les épaules.
Je suis une Orlov, et ma mère me disait que c’était le nom du faucon en russe, un animal volant dans le ciel, observant les nuages sans jamais s’arrêter.

J’avais 15 ans lorsqu’elle est tombée malade.
Au début, elle avait un peu de fièvre et s’endormait plus tôt.
« Ça ira » qu’elle disait, préférant garder une expression faciale sereine et confiante.
Mais je la connaissais mieux que quiconque.
Ses petites habitudes, son plat préférée, ses goûts en matière de vêtements ou de films,… je l’ai observée pendant des années après tout.

Elle était du genre à ne rien laisser paraître, surtout pas devant moi, son orgueil l’en empêchait.

Puis ça s’est empiré. La fièvre qui augmente, la toux, les journées à rester au lit.
J’ai pris la décision de l’emmener vers le lieu de soins le plus proche, malgré le fait qu’elle y était contre. Les hôpitaux ne sont pas des lieux que l’on aimait elle et moi. Ce genre d’endroit sentait le médicament et l’argent, la fausse modestie et la manipulation, on était du genre à grincer des dents lorsqu’un médecin s’approchait de nous avec un faux sourire afin de nous amadouer.

Le monde se déroba sous mes pieds quand le diagnostique est tombée. « Maladie inconnue » qu’ils m’expliquaient, sûrement lié aux donjons ou une possible mutation d’une autre déjà existante. On peut dire qu’à ce moment-là, je ne me sentais pas bien.
Elle était ma seule famille, ma seule vraie attache.
Je me suis faits des contacts avec le temps, certains n’étaient que du vent, d’autres se sont transformés en amitié, mais ils ne pouvaient remplacer celle avec qui j’ai vécu mes quinze printemps.

Haha, je suis pitoyable hein ? Je suis à un âge où je dois réfléchir à un avenir, ou de chercher le grand amour, et la seule chose qui m’importe vraiment, c’est de penser à elle.
Juste… Je ne sais pas ce que je pourrais faire si elle partait.
Je ne veux juste pas y penser, juste me dire que ça ira, qu’elle se réveillera un jour et que l’on pourras rattraper le temps perdu toutes les deux.

Maman… Juste… Ne t’en va pas, s’il-te-plaît. Je ne sais pas quoi faire.
Tu ne m’as pas appris à faire ce plat, celui où l’on rajoute de la framboise.
Tu ne m’as pas appris à recoudre correctement les vêtements en coton.
Tu ne m’as pas expliqué la différence entre laver à l’eau chaude et à l’eau froide.
Tu ne m’as pas…
Tu…

Juste, s’il-te-plaît… Ne pars pas…

C’est- c’est bizarre hein ? Je n’avais pas remarqué qu’il allait pleuvoir aujourd’hui.
Pourtant, le soleil brille encore dehors et-
Pourquoi il devient flou ?
Pourquoi je vois flou ?
Je-

Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi je pleure ?
Ça ira qu’elle me disait, tout se passera bien qu’elle me répétait.
Alors pourquoi ? Pourquoi j’ai peur ?
Je crois en elle pourtant.
J’ai foi en elle, elle qui m’a dit qu’elle se remettait toujours sur pied, elle qui disait que rien ne l’arrêtait.
Alors pourquoi je crains le pire ?
Pourquoi je l’imagine encore et encore sur son lit d’hôpital, ne voulant pas ouvrir les yeux malgré que je lui hurle dessus ?
Pourquoi je ne sens pas sa main sur ma tête, à me dire que tout va bien ?
Pourquoi j’ai cette sensation de froid en touchant sa peau ?

Pourquoi ?… Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à me dire que ça ira ?
Pourquoi ?… Pourquoi est-ce que je ne vois aucune issue ?

Juste… Ne pars pas.
…
……
………