Régler sa dette [Solo | Quête hebdo]

La jeune fille sortit de l'hôpital. Elle avait reçu ce matin une notification sur ces encarts qui s'affichaient désormais de temps à autre devant elle.

Quête Hebdomadaire N°1

Voici ta première quête hebdomadaire, Joueuse.
Elle se décompose en trois étapes que tu devras accomplir. Tu n'es pas obligée de les faire en même temps.
Tu as cent quarante quatre heures pour les accomplir à partir de cet instant.

- Tes pieds ne doivent toucher aucune surface pendant 5 heures sans interruption.
- Tu dois rester éveillée pendant 48 heures sans interruption.
- Tu dois rester en mouvement pendant 12 heures sans interruption.

Récompenses : ?

Pénalité en cas d'échec : Donjon punitif

Pensive, la jeune fille observa le ciel quelques instants à sa sortie de la bâtisse gigantesque à laquelle elle tournait le dos. Le soleil était presque à son zénith, elle avait donc utilisé douze heures si elle en croyait la date d'apparution de cet encart, notifié à minuit pile. De ce qu'elle voyait, il était aisé de comprendre que c'était le début d'une longue liste de quêtes hebdomadaires qu'elle allait devoir affronter. Elle ignorait pour l'heure les récompenses, mais elle savait qu'il ne valait mieux pas échouer. Surtout qu'elle se sentait encore faible et n'avait pas véritablement envie d'affronter ce "donjon punitif" qui lui était promis en cas d'échec.

Haruna choisit donc de s'éloigner de l'hôpital pour rejoindre un des quartiers animés de Tokyo où elle était allée quelques fois pendant son lycée, Ikebukuro. Les rues lui étaient quelque peu familières et elle savait se repérer dans les principales artères du coin. Elle connaissait aussi deux ou trois passages plus discrets qui pouvaient faire de bonnes voies de fuite en cas de problème avec ses habituels poursuivants. Elle aurait cependant sans doute encore quelques jours de répit avant qu'ils ne puissent comprendre qu'elle ait prit l'avion depuis Sapporo, ce qui était loin d'être évident pour une fille dans sa situation, et encore plus pour qu'ils déduisent qu'elle était revenue ici, où elle était le plus proche de ceux à qui elle devait des sommes astronomiques.

Là, elle chercha tous les fastfoods du coin et repéra les trois qui n'étaient pas affiliés à de grands groupes internationaux. C'était à eux qu'elle devait s'adresser, c'était avec eux qu'elle aurait plus de chances de pouvoir négocier un poste sans téléphone, lieu d'habitation fixe ni une quelconque garantie derrière elle. Son seul espoir, c'était plutôt d'appitoyer les gérants de ces restaurants plus que de les rejoindre officiellement. Mis à part quelques documents d'identité qu'elle gardait toujours avec elle dans un petit sac dont son passeport, elle n'avait que le document qu'on lui avait remit au siège de la guilde des Chasseurs qui affirmait qu'elle était une chasseuse de rang E, quand bien même ce n'était plus totalement vrai... Au moins, c'était la preuve qu'elle était plus solide physiquement que la moyenne, et donc potentiellement plus efficace. Enfin, ça, c'était sa théorie.

S'approchant de la première des échoppes, elle s'avança timidement vers le comptoir de la boutique au milieu des clients. Il y avait déjà deux serveurs qui tournaient entre les tables en terrasse et une forte activité du lieu prouvait qu'ils ne s'ennuyaient pas. Adroits, les deux ne perdaient pas de temps et l'un d'eux s'approcha de la jolie brune aux habits usés mais propres. Au moins l'hôpital lui avait offert la lessive.

« Konnichiwa ! Ce sera pour combien ?
- Non ! Enfin... J'aimerais discuter avec le gérant du fastfood je vous prie ! »

S'imaginant avoir à faire à une cliente qui voulait se plaindre ou présenter ses félicitations au gérant, il hésita un instant à son tour, offrant un air gêné à la jeune fille aux yeux pourpres.

« Ah... Oui bien sûr ! Mais voyez vous... Ce n'est pas possible aujourd'hui ! Il est en déplacement ! Il ne reviendra que tard dans la soirée, vous avez certainement mieux à faire ! »

Sentant la gêne du jeune homme, elle se courba à nouveau avant de lui répondre.

« Ce n'est rien, merci tout de même de votre temps ! Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, mes excuses ! »

Déçue de ce premier échec, au moins momentanné, l'Arai s'éloigna du fastfood, notant intérieurement qu'elle devrait y retourner après le service de midi, quand ils auraient sans doute plus de temps. Ce serait là qu'elle pourrait espérer avoir une entrevue avec le patron plus facilement.

Sans se laisser abattre, la jeune japonaise continua son chemin vers la deuxième boutique qu'elle avait repéré. Bien active, elle reçut là aussi un avis de non recevoir. Ce n'était pas le moment pendant le service, ils étaient débordés. Forcée d'accepter ce fait, elle s'excusa à nouveau platement puis choisit d'attendre. Aller à la troisième échoppe signifierait sans doute faire face au même résultat. Elle essaierait un peu plus tard dans la journée.

Les minutes s'écoulaient lentement dans le quartier pourtant très animé d'Ikebukuro. La montagne d'activités à faire ici-même contrastait avec l'absence totale de moyens d'Haruna qui ne pouvait rien faire du tout pour l'heure, totalement bloquée par son porte-monnaie vide. Elle devait attendre et espérer se faire recruter dans une des boutiques.

Retournant à la première enseigne qu'elle avait repéré, l'Arai salua à nouveau le serveur qui l'avait accueillie un peu plus tôt dans la journée. Alors qu'il était occupé à nettoyer les tables désormais vides pour la plupart, elle se racla un peu la gorge pour attirer son attention. Lorsqu'il la reconnu, quelques secondes plus tard, il panniqua un instant, mais lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler, elle s'inclina brusquement.

« Je recherche un travail, n'importe quoi. Je vous en prie, laissez moi voir votre gérant, j'ai terriblement besoin d'argent et j'ai déjà de l'expérience dans le service fastfood ! »

Décontenancé, le garçon se gratta les cheveux, la regardant, hébété.

« Ah... Je... Je vous aurais bien dit oui mais... Le patron a dit de plus prendre les demandes pour l'instant... On est assez... Désolé... »

Serrant les dents, encaissant ce premier coup dans le moral, elle hocha doucement la tête en se redressant. Le jeune serveur remarqua son regard et se mordit la lèvre, gêné, mais il préféra détourner la tête plutôt que de l'affronter plus longtemps. Sans plus de choix que d'accepter ce qui se clamait devant elle, elle s'écarta de la boutique et alla vers sa deuxième cible. Si la première était impossible, la seconde serait peut-être plus intéressante.

Traversant le quartier dont les bars étaient remplis en ce milieu d'après-midi, la brune aux yeux violets fila à pas rapides vers sa seconde destination. Alerte, elle ne remarqua heureusement aucun danger venant vers elle à ce moment. Elle put atteindre sans soucis le second fastfood qui se situait dans une rue perpendiculaire à l'une des places principales du quartier. L'entrée de la rue était entourée d'un grand magasin de chaussures et d'un magasin tech. S'engouffrant dans la direction en question, elle n'eut qu'une vingtaine de mètres à faire avant de tomber sur l'enseigne qu'elle recherchait.

Là, elle s'avança vers la porte qui était fermée à cette heure pour éviter que le vent d'hiver ne rentre à l'intérieur des cuisines et de la salle qui accueillait au maximum une douzaine de personnes. La plupart des places se trouvaient à l'étage et sur la terrasse qui était pour l'heure vide. Arrivant proche du comptoir, elle se pencha dessus puisque tout semblait vide et commença à essayer d'appeler quelqu'un.

« Ano... Gomenasai ! Est-ce qu'il y a quelqu'un ? »

Après quelques secondes et un deuxième essai, une voix se fit entendre du fond des cuisines. Un homme en habits un peu débraillés se montra face à elle. Un peu agaçé apparemment, il la fixa d'un regard sombre.

« Qu'est-ce que vous voulez à cette heure ? Le service est coupé jusqu'à 18h ! »

Avalant sa salive, la jeune fille hésita un instant.

« Et bien... Je cherche un emploi... J'ai déjà de l'expérience en tant que serveuse de fastfood, j'ai travaillé deux ans à Sapporo, au Fast & Deliciousss... Vous recrutez ?.. »

Jusque là plutôt agressif, l'homme eut un sourire que la jeune fille n'apprécia pas du tout avant de lui répondre.

« Oh, excuse-moi, j'ai cru que c'était pour acheter à manger. Tu sais comment c'est alors si t'as de l'expérience, les clients qui se pointent aux horaires de fermeture alors que c'est marqué en énorme sur la porte. »

Alors qu'il la reluquait sans la moindre gêne, Haruna se sentait de plus en plus mal à l'aise face à ce gérant qui n'avait absolument pas l'air agréable. Un peu plus loin derrière lui, elle remarqua une culotte à moitié cachée contre un des blocs en inox de la cuisine.

« Si on recrute donc... Bah faut voir, j'sais pas ce que tu vaux petite. Reviens demain à neuf heures si ça te dit toujours, je te préparerais un uniforme et on verra un peu ce que tu vaux en service. Si ça se passe bien, t'aura ta place. »

Faisant un sourire forcé alors qu'elle remarquait bien que le regard du pervers ne quittait pas sa poitrine, l'Arai hocha la tête prestement avant de commencer à reculer vers la sortie.

« Compris ! Je vais y réfléchir ! Désolée du dérangement ! »

Fuyant à toute vitesse la boutique qui lui avait fait le pire effet imaginable, elle s'assura intérieurement ne pas revenir dans les griffes de ce porc. Un frisson de dégoût lui traversa l'échine avant qu'elle ne mette les voiles vers sa dernière chance de ce quartier. Sans trop y croire, elle arriva devant la vitrine de l'établissement. Un peu plus petit que le précédent, il était un peu sale et n'attirait sans doute pas trop de clients, plus perdu au fond des ruelles que les deux autres fastfood qu'elle avait observé auparavant. Elle-même n'y était allé qu'une fois avec ses amies, parce que c'était pas très cher. Hésitant un instant devant la porte, elle soupira et la poussa malgré tout. Il fallait au moins qu'elle essaie.

Face à elle, le comptoir était rouge vif. Impossible de le manquer, pas plus que tous les panneaux d'affichages qui indiquaient les différents plats commandables. Personne n'était là, mais en tournant la tête vers la salle, elle remarqua une femme d'une quarantaine d'années en train de frotter dilligemment une table, vers le fond du restaurant.

« Ano... Ojamashimasu... Sumimasen... Je... »

Relevant la tête, la femme plissa les yeux pour mieux la détailler quelques instants avant de revenir à sa table, frottant encore énergiquement ce qui semblait être une tache particulièrement résistante.

« C'est pour quoi ?! »

Sans plus de préambule, son interlocutrice ne semblait pas s'embarasser de politesse et de formules préconstruites. Soit, si tel était le motto, alors elle serait franche. S'approchant d'elle pour se mettre en face à face, Haruna se plia à quatre-vingt-dix degrés.

« Je viens pour vous demander du travail ! Je souhaiterais rejoindre votre équipe de serveurs ! J'ai déjà travaillé deux ans à Sapporo pour le Rail Road ! Onegai shimasu ! »

S'arrêtant de travailler, reniflant un peu, la femme se retourna vers la cuisine.

« JOTARO ! VIENS ICI ! »

Déboulant à toutes vitesse, un homme du même âge que cette étrange commerçante arriva de derrière le comptoir, les mains pleines de farine.

« Je suis là je suis là ! Qu'y a-t-il ?
- C'est la petite là. J'te laisse lui expliquer ce que tu veux, voyez les détails ensemble. Pas moi qui gère ça.
- Ah tu viens pour l'annonce ? Bien bien ! Suis moi ! »

Éberluée, l'Arai le suivit sans faire d'histoires. Il se dirigea vers une petite portée sur laquelle était inscrit "Personnel uniquement" et l'invita à la suivre. Il lui montra un bureau sur le côté entouré de trois chaises, deux d'un côté, la dernière en face.

« Installe-toi là, je vais me laver les mains, je reviens ! J'en ai pour une minute ! »

Obéissante, la jeune fille se demandait si elle avait eu raison de venir ou si elle était tombé dans une étrange affaire qui n'allait rien lui amener de bon. Enfin, elle était là, ça ne servait à rien de fuir maintenant. Autant aller au bout de ses actes et voir le résultat de cette entreprise. Comme annoncé, il revint quelques instants plus tard et s'assit face à elle, recoiffant ses cheveux qui allaient dans tous les sens. Sans doute parce qu'ils étaient sous une charlotte sanitaire jusqu'à il y a quelques secondes.

« Bien bien bien ! Tu es venu pour l'annonce c'est bien ça ? Tu es bien disponible du lundi au vendredi c'est ça ? Le samedi, ce sera parfois possible pour toi ? Ou totalement impossible ? Parce qu'on risque d'avoir besoin de toi à ces moments. Pas toujours hein. C'est juste qu'on sait jamais avec la clientèle. On peut avoir besoin de t'appeler en urgence si tu vois ce que je veux dire. »

Déboussolée par cet enchaînement beaucoup trop rapide pour elle, Haruna resta sans voix quelques instants, clignant un peu des yeux, comme pour vérifier qu'elle ne révait pas.

« Aaah ! Ça va pas ? Qu'est-ce qu'il y a petite ? »

La nouvelle joueuse avala sa salive, peinant à recouvrer une stabilité pour que emboîter toutes les pièces du puzzle et comprendre exactement ce qu'il lui arrivait.

« Je... Je... Votre annonce... C'est pour un travail de serveuse, c'est bien ça ?..
- Oui c'est bien ça, pourquoi ? C'est pas pour ça que tu es venue ?
- Non... Enfin si mais... Je suis venue pour un travail de serveuse... Mais je savais pas pour votre annonce ! Je suis intéressée !
-  Aaahhhhh ! Souka souka ! Pas de problèmes, ne t'en fais pas, tant mieux même ! Dommage pour notre annonce si elle n'a pas eu de succès, mais ce n'est pas grave aha ! Bon, donc le travail c'est du lundi au vendredi, parfois il n'y aura pas certains services mais ça on te préviendra au moins deux jours avant. Parfois on aura besoin d'aide le weekend, mais on pourra pas toujours prévenir avant pour ça par contre. Est-ce que ça te va ou est-ce que ça te dérange ? Pour ton uniforme, c'est juste un tablier par dessus des vêtements sobres, de préférence noirs. Tu as ça ? Tu as une pièce d'identité aussi ? Pour la paie, c'est à la journée, on te paie à la fin de ton ou tes services du jour. Ça te va ? »

Un peu dépassée par la vitesse à laquelle tout s'enchaîna, Haruna baffouilla un peu avant de se reprendre.

« Gomennasai... Je suis disponible tous les jours de la semaine, il n'y a aucun problème pour ça... Par contre... Je n'ai pas de téléphone et je n'ai pas de vêtements tout noirs non plus... Je pourrais vous demander une avance sur mes premiers salaires pour aller en acheter ?.. Je peux vous laisser ça en attendant si vous voulez, comme gage... »

Elle posa l'étuis de sa trompette sur la table, un peu gênée. Allait-il accepter ?..

Jotaro se gratta le menton pendant quelques secondes, réfléchissant à ce qu'elle lui demandait. Elle n'avait pas de vêtements simples comme ça ? Baah... C'était vrai qu'elle était jeune et qu'une tenue sage comme ça, c'était pas forcément celles que ceux de son âge préféraient. Et puis son ancien travail avait probablement un uniforme complet. Elle devait pas avoir beaucoup d'argent non plus à en croire l'état de ses vêtements d'ailleurs. Donc ce n'était pas si surprenant au final, cette demande. La voir lui proposer sa trompette en gage le fit sourire. Elle était bien intentionnée. Soit. Il allait lui laisser cette possibilité. Il n'était pas à quelques yens près après tout. Et il pourrait toujours vendre la trompette si jamais ça ne lui allait pas.

« D'accord. On va faire ça. Par contre il va falloir que tu te dépèches. Pas besoin de vêtements à la mode, trouve rapidement ce qu'il te faut avec ça, ça équivaut à une semaine de paye. Je te veux demain à neuf heures ici, Jolyne te fera rentrer, tu n'auras qu'à toquer à la porte au bout de ce couloir. Je te montrerai ça tout à l'heure. On finit les papiers, tu files acheter ta tenue de travail puis tu reviens ici que je te fasse faire le tour et que je t'explique les bases d'ici. Ok ? Allez, dépèche toi avant que les boutiques ne ferment ! »

Hochant vigoureusement la tête aux explications de son nouveau patron, la jeune fille termina avec lui les détails administratifs, retenant difficilement ses larmes de joie. Elle avait un travail avec ce qui semblait être un couple de patrons plutôt compréhensifs. Elle allait pouvoir s'en sortir, oui. Ici, elle aurait une chance de repartir du bon pied.

Haruna s'empressa alors de quitter l'établissement, partant dans un quartier un peu plus calme où elle savait que les prix étaient moins élevés. Elle savait que là-bas, elle pourrait trouver les vêtements dont elle avait besoin. Ce n'est cependant qu'à la troisième boutique qu'elle trouva enfin ce qu'elle cherchait. Les tenues noires basiques sans signe distinctif à prix raisonnables n'étaient pas si aisées que ça à trouver tout compte fait. Soupirant de soulagement en repartant vers le fastfood avec sa tenue dans les bras, elle se dit qu'elle l'essaierait sur place avec le tablier histoire de voir ce que donnerait sa tenue de travail. De retour au Rail Road, elle refit un petit signe de tête à Jolyne avant de rejoindre son nouveau patron dans son petit bureau.

« Sumimasen... Où est-ce que je pourrais me changer, pour voir si ça va bien avec le tablier que vous m'avez donné ?.. »

Un peu surpris du retour rapide de la jeune fille -il s'attendait plutôt à la voir de retour après le service du soir et pas une petite demi-heure avant- le quarantenaire se releva de sa chaise et vint vers la demoiselle.

« Suis moi Arai-chan. Les vestiaires sont juste là. Ici les hommes, là les femmes. Bon, en ce moment on est cinq et il y a deux autres femmes en plus de Jolyne et toi, donc c'est juste moi là, mais si jamais ça tourne, enfin bref, tu as compris. »

L'homme se gratta l'arrière du crâne avant d'enchaîner.

« Je te laisse te changer, les tabliers sont dans les casiers sur le côté. Il doit y en avoir six. Ceux avec les stickers sont ceux qui sont déjà pris, tu peux choisir le tiens dans les autres. Si c'est vraiment trop grand, essaie un autre tablier, ils ne sont pas tous de la même taille. »

Les méthodes étaient peu strictes apparemment pour ce genre de détail, mais la propreté était irréprochable de tout ce qu'elle avait pu voir jusque là. Elle ne s'en faisait donc pas. C'était généralement un bon indicateur qu'un restaurant de ce genre était bien tenu. Ne perdant donc pas plus de temps, elle ferma la porte derrière elle et elle s'habilla rapidement, enfilant ses nouveaux vêtements et enlevant les étiquettes gênantes. Elle chercha ensuite et fini par prendre le quatrième casier, le tablier à l'intérieur étant presque parfaitement à sa taille, légèrement trop grand. Ainsi, avec un pantacourt moulant noir et un t-shirt tout aussi sombre, elle pouvait se mouvoir sans problèmes. Le tablier lui permettrait de protéger ses vêtements de la plupart des éventuelles salissures, ce qui serait un bon avantage pour garder les vêtements longtemps. Avec ses prochaines payes, quand elle aurait passé la première semaine pour rembourser cette tenue là, elle pourrait s'en acheter une plus longue et plus épaisse pour l'hiver qui commençait tout juste. Pour l'heure, elle tiendrait sans trop de mal comme ça.

En une vingtaine de minutes, la visite fut terminée. L'entrée du personnel, les horaires précises des services, les différents cuiseurs et leurs particularités, l'accueil des clients, tout fut rapidement passé en revue, avec Jotaro pour toute la partie cuisine et la partie pratique de vie en groupe des employés, puis avec Jolyne pour la partie service client et les interactions à avoir avec eux. À vrai dire, cette seconde partie était plus une manière pour la patronne de vérifier le degré d'expérience de la nouvelle recrue en quelques minutes qu'un véritable apprentissage pour cette dernière. Elle avait déjà pratiqué tout ça pendant deux ans à Sapporo.

L'entretien et le test de base terminés, Haruna retourna se changer, son contrat serait écrit dans la soirée et elle n'aurait qu'à venir dix minutes plus tôt que les prochains jours afin de lire puis signer les papiers nécessaires et elle serait officiellement engagée. Prenant une grande respiration, retenant ses larmes de joie une fois encore, elle quitta l'établissement en remerciant milles fois ses deux nouveaux supérieurs, trop heureuse d'avoir une chance de s'en sortir.

Se remettant tranquillement de son nouveau bonheur, la jeune fille aux yeux pourpres marchait dans les rues pavées d'Ikebukuro. Elle allait pouvoir faire ses quêtes maintenant qu'elle avait une certaine chance de gagner en stabilité ici. Une légère pluie se mit à tomber sur la ville aux lanternons allumés de toute part, ajoutant à la vie déjà bouillonnante de ces rues principales. Les gens commencèrent rapidement à se réfugier çà et là dans les diverses boutiques alors qu'en seulement quelques instants, la pluie se faisait déjà plus intense. Après un instant d'hésitation, l'Arai regarda son maigre budget restant et choisit de se glisser dans un cybercafé. Pour la nourriture, elle se contenterait des repas qui seraient offerts avec les services pendant lesquels elle travaillerait. Là, elle voulait surtout dormir au chaud, et puisqu'elle avait encore beaucoup d'énergie, en profiter pour faire la quête où elle ne devait pas toucher de surface pendant cinq heures. C'était très long, mais elle savait qu'elle aurait le temps de le faire sans tomber de fatigue et risquer de toucher quoi que ce soit par manque de chance dans son sommeil.

Choisissant ainsi une petite cabine et réglant le prix pour l'avoir pendant les six prochaines heures, elle s'assurait ainsi de ne pas être dérangée. Ces endroits étaient ouverts h24 de toute façon, alors elle savait qu'elle pourrait y être tranquille dans sa cabine, personne ne la trouverait particulièrement suspicieuse. Et elle était loin d'être la seule à les utiliser pour dormir de temps en temps. Malheureusement.

Calme, confiante et déterminée, elle s'installa sur la chaise après l'avoir monté au maximum, se hissant littéralement dessus d'un petit bond, gainant ses abdominaux à mi-course pour s'envoyer en arrière et ainsi être bien installée. Elle en avait pour cinq heures, autant prendre un peu de temps pour être confortable. Ainsi, il lui fallut une bonne minute pour trouver une posture qui était agréable à tenir sur le long terme et qui ne serait pas trop fatiguante. Et la plus simple pour elle fut de prendre la chaise à l'envers, passant ses jambes d'un côté puis de l'autre du manche qui tenait le dossier, s'appuyant sur ce dernier pour atteindre le clavier du PC qui était derrière.

Se lançant donc dans des recherches sur des sujets aléatoires pour commencer, ouvrant wikipédia et se mettant à passer d'un onglet à l'autre juste en cliquant sur les mots qui renvoyaient à d'autres pages, elle se mit à voguer et à lire des tas d'articles. Ce n'est qu'au bout d'une heure et demi qu'elle commença à se lasser un peu et à sentir le manque d'espace pour sa poitrine contre le dossier bien que ce dernier était rembourré de mousse. S'écartant un peu de ce dernier en passant d'une fesse à l'autre, elle parvint à se mettre un peu mieux, mais ce n'était pas non plus idéal. L'Arai était maintenant plus écartée du clavier, et avec le dossier devant, elle n'était plus suffisamment grande pour qu'il lui passe sous les bras.

Elle fit un peu la moue puis s'adapta en passant sur des vidéos autour de la construction des temples et des anciennes divinités. Se laissant porter par la voix douce de la présentatrice, elle laissa à nouveau s'écouler deux heures, s'endormant presque pendant quelques instants. Mais elle remarqua aussi que sans trop y penser, elle avait commencé à balancer doucement ses pieds dans le vide. Haruna secoua alors la tête pour se sortir de son mode semi-éveillé. Elle devait faire attention, cela faisait plus de trois heures trente qu'elle patientait, elle ne pouvait pas abandonner maintenant. Même si elle commençait à sentir des fourmis dans ses cuisses et que son menton lui faisait un peu mal à force d'être posé sur le haut du dossier. Elle sentait aussi ses yeux commencer à la piquer et elle choisit d'éteindre un peu l'ordinateur, histoire de faire une pause pour sa vision. Elle ne voulait pas s'affliger plus de dommages qu'elle n'en subissait déjà. La japonaise originaire d'Hokkaido en avait encore pour un moment après tout.

Réfléchissant alors au futur et au cours de ses actions, elle laissa son esprit voguer un moment, imaginant le moment où elle aurait une petite maison avec un jardin, un lieu où elle pourrait faire de la trompette en toute tranquillité. À vrai dire, maintenant qu'elle y pensait, elle pourrait peut-être aller au parc Ueno pour jouer. Ce n'était pas comme si quiconque allait se plaindre là-bas. Oui, c'était une bonne idée ça. Elle irait bientôt, quand elle aurait un jour de congé.

Enchaînant ainsi une suite de projets dans son imagination, réfléchissant aux diverses contraintes qu'elle allait devoir surpasser, l'orpheline finit par s'étirer, baillant un peu. Elle ralluma alors le PC devant elle pour continuer à passer le temps. Un quart d'heure s'était écoulé, c'était toujours ça. Plus qu'une heure et quart. Pensive, elle se mit alors à chercher sur des sites d'archives des vieilles images de Monbetsu.

Sans trop de mal, elle retrouva des photos de ces lieux dont elle se souvenait à peine puisqu'elle n'avait que six ans à l'époque. Elle passa ainsi des pages et des pages jusqu'à ce que l'une d'entre elle l'arrête. C'était la cour de son ancienne école. Un cliché qui montrait une série de petits bonshommes en pâte à sel. Ils étaient peints de toutes les couleurs et ils formaient une ronde. Il y en avait deux par élève. Si elle ne les reconnu pas plus qu'elle ne reconnu les enfants qui se trouvaient sur la photo suivante qui les montrait eux aussi en train de faire un cercle ensemble, elle reconnu la professeure qui était avec eux. Elle était plus jeune sur les clichés qui dataient, d'après le site d'archive, de 2013. Haruna sentit doucement les larmes monter à ses yeux mais cette fois-ci, contrairement à plus tôt dans la journée, elle ne parvint pas à les stopper.

Restant devant ces images, elle pleurait presque silencieusement, reniflant irrégulièrement. La petite fille qu'elle était peu avant l'accident se revoyait très bien créer les petits personnages en pâte à sel après que la maîtresse leur en ait donné chacun une boule. Elle se souvenait que ces personnages devaient représenter leurs parents. Elle voyait aussi tous ces gens probablement morts depuis comme des fantomes de son passé qu'elle n'oublirait jamais. Continuant de faire défiler les photos une fois le plus gros des larmes passées, elle s'essuyait le visage de temps en temps pour ne pas laisser les gouttes d'eau salée créer des sillons trop visibles sur ses joues. Elle tomba après une dizaine de minutes sur des photos de la boulangerie française qui était à côté de chez elle, puis sur la boucherie d'en face, mais après les photos passaient à un autre quartier. Il n'y aurait rien sur la maison de son enfance, disparue à jamais et pour toujours. La seule photo encore existante avait du être donnée aux huissiers en même temps que la maison de ses grands parents, le tout vendu pour rembourser une partie des dettes de son paternel. Mais ce n'était que la moitié de la somme qui depuis avait de nouveau grossit avec les intérêts qui s'ajoutaient chaque mois.

Arrêtant de s'infliger ces souvenirs, elle se rendit compte qu'il lui restait encore une vingtaine de minutes à attendre. Elle se rendit compte aussi qu'elle avait mal aux cuisses et dans les bras, mais aussi dans le dos et dans la nuque. Sa posture n'était pas si agréable que ça, sur le long terme. S'étirant un peu, la jeune femme aux cheveux bruns balança quelques instants ses pieds dans le vide en faisant bien attention à ne pas toucher le pied central de la chaise, puis elle entreprit de bouger à nouveau sur la chaise en déplaçant une fesse puis l'autre, le tout afin de décaler le bord de la chaise pour qu'il ne lui scie plus les cuisses au même endroit.

Dix minutes plus tard, elle réitéra l'opération, tâchant de ne plus sentir cette gêne ennuyeuse. Elle y était presque. Cherchant une activité à faire elle remarqua finalement les écouteurs rangés sur le côté. Les sortant de leur petite boite de protection, elle les activa et les glissa dans ses oreilles tandis qu'elle commençait à explorer les clips musicaux du moment. Dérivant petit à petit, elle se prit à chercher des musiques plus anciennes, jusqu'à tomber sur une des musiques les plus touchantes qu'elle avait entendu dans un vieil animé conseillé par ses amies à l'époque du lycée. Cliquant sur le lien, elle eut un sourire nostalgique quand les premières notes résonnèrent dans ses oreilles.



Lorsqu'enfin le silence revint, elle hésita quelques instants, repensant à l'héroïne et à son combat, la peine immense qu'elle avait ressentit pour les personnages et la puissance du destin qui s'était acharné contre eux. C'était si loin d'elle tout ça... Et pourtant elle se sentait aussi proche du personnage principal. Dans son désespoir, sa recherche de force. Certes, elle n'avait pas son talent de musicien. Même si elle se débrouillait bien, elle n'avait pas son niveau, elle n'avait pas participé à des concours, elle n'avait que quelques petites présences avec le club d'instruments à vent de son lycée. Mais ce n'était rien en comparaison de lui, même si elle avait pu vivre la frustration d'échouer à obtenir la place que l'on souhaitait avec ses camarades.

Relançant la lecture de cette mélodie qu'elle avait si souvent entendu, elle se perdit par la suite sur les musiques de Joe Hisaishi, un extraordinaire compositeur de la même époque qui avait notamment beaucoup travaillé avec le réalisateur Miyazaki. Repensant aux oeuvres des deux hommes, elle finit par s'arrêter en particulier sur celle de Laputa dont elle avait gardé un souvenir particulièrement intense.



Après les dernières notes, elle ferma les yeux quelques instants, laissant son esprit se souvenir des scènes du film. Elle l'avait beaucoup aimé, comme quasimment tous les autres films des studio ghibli qu'elle avait pu voir que ses grands-parents lui avaient montré, notamment ceux des années 1990 comme Princesse Mononoké, Nausicaa et la vallée du vent ou même le Voyage de Chihiro. Tant de souvenirs qu'elle gardait précieusement et qui, à nouveau, lui faisaient monter les larmes aux yeux.

Elle prit alors une grande respiration et regarda de nouveau l'heure. Elle avait passé son délai depuis près de quinze minutes déjà. Les cinq heures étaient terminées, mais aucune notification pour le valider. C'était un peu étonnant, mais elle considéra qu'elle aurait sans doute les résultats à la fin de la semaine. Seulement alors elle aurait la notification qui le lui confirmait peut-être ?..

Que c'était bon de sentir ses pieds sur le sol... Elle avait sauté de sa chaise, estimant l'épreuve réussite. Elle avait passé plus de cinq heures sans rien toucher avec ses pieds, elle pouvait maintenant descendre l'assise. Puisqu'elle comptait dormir ici, elle serait mieux avec une chaise à sa hauteur et les pieds au sol. Mais pour l'instant, elle préféra rester un peu debout, marchant en rond et secouant un peu ses jambes pour que la circulation de son sang un peu gênée par la posture trop immobile reprenne un cours normal. Après une petite minute, les dernières fourmies qui s'amusaient à lui chatouiller le bout des pieds avaient fini par partir.

S'installant alors plus confortablement dans la chaise, s'enfonçant dans cette dernière, la jeune fille sans domicile fixe s'appuya sur le bureau de la petite cabine du cybercafé après avoir repoussé le clavier sur le côté. Doucement, elle ferma les yeux, se laissant emporter dans son sommeil, bien épuisée de sa journée et de cette première épreuve. Et puis demain, elle aurait fort à faire. Autant bien dormir pour se donner à fond et prouver qu'elle était valeureuse.




Haruna se redressa doucement, essuyant un peu la bave qui commençait à couler du coin de sa bouche, les joues légèrement rosies. Elle ouvrit son large sac de sport qui contenait toutes ses affaires et en sortit de quoi se changer, mettant le sale dans la seconde poche. Il faudrait bientôt qu'elle prenne le temps de faire une lessive... Ça coûtait un peu cher et c'était souvent l'enfer à faire sécher, mais il le fallait. Et puis elle pourrait aussi aller dans un onsen ce soir, autant en profiter le temps qu'elle se lave elle-même. Enfin, pour l'heure, elle devait se dépécher.

Une fois prête, elle attrapa son sac et sa trompette puis fila à nouveau vers le Rail Road. Il était déjà huit heures, elle devait y être d'ici trois quart d'heures. Malgré l'heure avancée de la matinée, les gens étaient encore nombreux dans les rues, chacun allant ici et là pour rejoindre son travail ou faire ses courses matinales. Pour un matin en semaine, elle ne s'attendait pas vraiment à voir autant de monde ici. Sans doute était-ce là la différence entre Tokyo et Sapporo qui était plus raisonnable en terme de taille par rapport à la ville-monde qu'était la capitale du pays. Enfin, du point de vue de la jeune japonaise, la différence était bien réelle.

Haruna atteignit ainsi le Rail Road avec une petite dizaine de minutes d'avance et fila se changer immédiatement. Elle tomba alors sur ses deux autres collègues qu'elle n'avait pas encore rencontré, l'une se changeant tandis que l'autre passait une serpillère dans le couloir. Quelques mots, une brève présentation. Mamako et Nami. Elle apprendrait à les connaître tranquillement avec le temps, pour l'heure, elle préféra être efficace et attrapa sa tenue dans le quatrième casier et se changea en vitesse. Elle remarqua du coin de l'oeil un tatouage sur l'épaule gauche de Nami, mais elle ne parvint pas à comprendre ce qu'il représentait.

N'y prêtant pas plus d'attention, elle rejoignit Jolyne qui allait lui expliquer un peu tout ce qu'elle allait devoir faire concrètement pour la journée. Ainsi, dès neuf heures, la jeune femme qui n'en était plus à sa première expérience dans un fastfood se montra très efficace. Gardant en tête sa quête qui durait douze heures pendant laquelle elle devait garder un mouvement constant sans la moindre interruption, elle préféra ne pas aller dans l'excès. En effet, elle se concentra sur le fait d'être en mouvement continuel plutôt que de chercher l'efficacité absolue. Elle avait quelques petites astuces de son expérience au Fast & Deliciousss, mais elle préféra les mettre de côté car elles servaient majoritairement à s'offrir des petits temps de repos qui permettaient de souffler. Là, c'était à proscrire pour cette journée.

L'avantage, c'était qu'elle avait déjà commencé à huit heures, dès son lever. Quand elle s'était changé, qu'elle avait prit soin de préparer ses affaires, c'était toujours en mouvement perpétuel.  Puis de toutes façons, elle terminait à vingt-et-une heure trente pour cette première journée avec une pause de quinze heures à dix-huit heures. Servant ainsi les clients, gardant des petites astuces de mouvements discrets pour continuer à bouger dans les moments où elle devait rester face aux clients, notant également leurs commandes.

Doucement, elle sentait la fatigue s'accumuler et l'envie de se pauser un peu montait doucement. Mais encore une fois, elle savait comment évacuer cette fatigue par expérience. Le plus simple qu'elle avait trouvé était simplement de marcher en prêtant attention à sa respiration, ce qui l'aidait à oublier les douleurs qui se formaient et forçait le corps à reprendre un équilibre naturel, contrairement aux poses devant les tables.

Ainsi, elle passa la matinée à aider au nettoyage des tables de l'intérieur ainsi que de la terrasse, puis elle dû se charger du service des clients lorsqu'ils commencèrent à affluer en plus grand nombre vers midi. Quatre heures de passées, plus que huit.

Commande après commande, l'Arai montrait à ses nouveaux patrons qu'elle était tout à fait à la hauteur des espérances qu'ils pouvaient avoir envers une serveuse qui avait de l'expérience. Attentionnée envers les clients, respectueuse, adroite dans ses mouvements et ses réactions pour qu'ils soient toujours satisfaits, elle termina ce premier service sans le moindre incident, saluant les derniers clients qui quittèrent l'établissement tout en nettoyant le comptoir du fastfood qui servait tant de comptoir que de passe-plat ou de place pour les paiements des repas des convives.

Elle passa ensuite sur le nettoyage des tables et du sol avec Nami qui était toujours à l'oeuvre, Jotaro et Mamako s'occupant de la vaisselle, le reste de la cuisine étant déjà presque prêt pour repartir pour le service du soir qui commencerait dans quatre heures. Ainsi, sans trop de mal, la jeune fille aux yeux violets arriva à la fin du service de midi sans avoir échoué sa quête. L'envie de se poser et de souffler fut alors grande, mais elle y résista, se souvenant de sa quête au dernier instant.

Elle retourna donc se changer après avoir salué ses nouveaux coéquipiers et les remerciant pour ce service à leurs côtés comme elle avait coutume de le faire. C'était quelque chose qui permettait de garder un bon état d'esprit au sein de l'équipe et qu'elle aimait bien faire, le considérant comme un geste de respect normal. Elle quitta ensuite l'établissement, décidant de faire un tour des boutiques. Elle commença rapidement pour aller se chercher une casquette avec les derniers sous qu'il lui restait. Avec ça, elle pourrait moins facilement être reconnue par ceux qui la traquaient.

Reprenant donc sa marche une fois le petit achat réglé, casquette rabattue sur le visage, la demoiselle aux cheveux bruns passa toute sa pause à visiter le quartier dans ses moindres détails, s'appliquant à toujours marcher sans s'arrêter. Elle trouva aussi une fontaine à laquelle elle pu remplir la petite bouteille qu'elle gardait toujours sur elle, employant ses méthodes pour rester en mouvement, à savoir des jeux d'échauffement qui étaient sensés servir à éviter les blessures quand on se préparait pour faire du sport. L'avantage, c'était que c'était assez discret et ça avait l'avantage de lui permettre de rester en mouvement. Enfin, elle ne pouvait qu'espérer que ce soit compté comme du mouvement. Sinon, elle n'avait pas eu la moindre chance de la réussir aujourd'hui, quoi qu'il en soit.

Reprenant sa marche tout en buvant pour qu'enfin s'arrête cette soif qui la tiraillait depuis qu'elle avait fini son service, elle en profita pour manger le sandwich qu'ils lui avaient préparé et donné en cuisine lorsqu'elle était ressortie. Apparemment, c'était comme ça qu'ils s'organisaient pour que chacun ait le temps de manger, même s'ils n'avaient qu'une heure de pause et que leur maison était trop loin. Goûtant ainsi pour la première fois ce que servait le restaurant, elle fut agréablement surprise. C'était plutôt bon et pas trop gras en bouche, même si, il fallait bien l'avouer, la friture n'était pas souvent dans les programmes minceur. Au moins, ce n'était pas gênant et la texture était plutôt bien réussie même si le sandwich devait avoir quelques heures maintenant.

Terminant son repas, elle continua à se balader, se faisant toute petite à chaque fois qu'elle croisait un de ces hommes qui avaient la dégaine du parfait mafieux -elle savait bien les reconnaître maintenant- et parvint à passer entre les gouttes, ne se faisant pas poursuivre aujourd'hui. Elle put ainsi regagner son poste sans soucis un peu avant dix-huit heures, se changeant à nouveau. Une fois prête, elle rejoignit rapidement Nami qui s'occupait aussi de la salle pour réouvrir le fastfood pour le service du soir.

Là encore, l'agitation fut acceptable. Le restaurant n'était pas bondé, mais il était moins désert que ce à quoi elle se serait attendue au vu de sa position excentrée du quartier et des artères principales qui le faisaient vivre. La fatigue s'accumulait cependant et elle sentait bien qu'elle ne tiendrait pas indéfiniement. Observant discrètement mais régulièrement l'horloge, elle sentait des tiraillements se former dans ses muscles, notamment à ses jambes. Elle était debout depuis ce matin sans la moindre pause, ce qui ne l'aidait pas beaucoup. Mais bon, elle n'avait pas vraiment le choix. Le "Donjon punitif" restait dans son imagination quelque chose à véritablement éviter.

Le temps passait de plus en plus lentement, une véritable course d'endurance se développait ainsi entre elle et l'horloge qui semblait s'amuser à tiquer sans la moindre énergie. Cependant, toujours professionnelle dans son domaine, la serveuse s'appliquait à ne rien laisser paraître devant les clients. Elle ne s'arrêta qu'à un instant pour aller terminer sa bouteille et ainsi regagner un peu d'énergie pour finir le service. Lorsqu'enfin les derniers clients ressortirent, il était vingt-et-une heure trente. Ils avaient dépassé le créneau prévu, mais comme toujours dans ce genre d'établissement, ils préféraient satisfaire les clients que de les refuser. C'était une bonne manière d'éviter que ces derniers ne fuient et elle ne pouvait pas en vouloir à Jotaro et Jolyne qui, de toute façon, continuaient eux aussi à travailler jusqu'à la fermeture et même après pour le nettoyage. Au moins ils ne retinrent pas plus Mamako et Haruna qui auraient dû finir leurs parties un peu plus tôt.

Dans le vestiaire, Haruna se posa un peu sur le banc, profitant de cette immobilité de nouveau possible. Elle avait accomplit sa quête, elle en était certaine. Enfin, elle l'espérait si fort que c'était désormais une évidence. Elle avait réussi cette seconde partie, il ne lui restait donc plus qu'une étape, tenir quarante-huit heures sans dormir. L'Arai décida qu'elle trancherait plus tard, pour l'heure, elle avait besoin de se poser un peu. Fermant les yeux, elle se laissa somnoler un peu. Il était tard et elle avait tout donné toute la journée, personne ne lui en voudrait d'avoir un petit coup de barre.

Haruna sursauta quand Jolyne lui posa sa main sur l'épaule. Épuisée, elle s'était endormie dans le vestiaire pendant une bonne demi-heure. Rougissante, elle s'excusa plusieurs fois, ce à quoi la patronne répondit en riant qu'elle n'avait pas à s'en faire. Elle lui indiqua d'aller voir Jotaro dans son bureau. Les deux avaient un peu discuté apparemment, et le patron avait quelque chose dont il souhaitait parler avec la jeune fille.

Se présentant comme demandé au bureau de ce dernier, la jeune fille un peu honteuse de s'être endormie ainsi fut accueillie comme si de rien n'était pas le quarantenaire.

« Bon bon bon Arai-chan ! Tu as très bien travaillé aujourd'hui ! Apparamment tu as un peu la bougeotte, détend-toi ça ira très bien avec ce que tu as montré, ne t'en fais pas ! On a un peu parlé avec ma femme, avec l'état de tes vêtements qu'on a vu quand tu es arrivée hier et aujourd'hui, on pense que tu es en mauvaise passe. On te demande pas de précisions, pas de justification, on a tous nos moments difficiles. Simplement, je vais te donner ton salaire aujourd'hui et les prochains jours normalement, tu pourras mettre de côté quand tu auras réussi à en avoir de côté et tu me rembourseras petit à petit pour les vêtements noirs, d'accord ? »

Souriant, le bonhomme semblait très amical et compréhensif, ce qui fit un peu craquer Haruna qui eut quelques larmes qu'elle ne put retenir. La difficulté qu'elle affrontait en permanence depuis qu'elle avait six ans, et plus encore depuis qu'elle avait passé la barre des dix-huit ans et que son père l'avait abandonné lui aussi l'affaiblissait et le manque de support l'obligeait à avoir une carapace indestructible. Mais parfois, elle cédait un peu. Avec la gentillesse du couple et leur acceptation, elle pouvait un peu se reposer. Et cela était bien plus important pour elle qu'ils ne pouvaient l'imaginer.

Se reprenant après quelques secondes, elle essuya ses larmes tandis qu'il repoussait vers elle sa trompette dans son étuis.

« Reprends la. Elle est très précieuse et j'ai pu voir que tu en prenais grand soin. Je te fais confiance pour continuer de travailler avec nous, et puis juste pour les vêtements que tu as acheté, ce serait drôlement sévère que de te demander autant de garanties. C'était vraiment pas grand chose comme avance, ne t'en fais pas. »

Hochant énergiquement la tête, la demoiselle avala sa salive avant de faire un salut respectueux.

« Arigato gozaimasu ! Hontou ni arigato gozaimashita !
- Hehe, dou itashi mashite ! Ne t'en fais pas petite. Allez, va, il est tard, on a besoin de toi en forme demain. »

Se pliant à nouveau énergiquement, Haruna fila alors, partant de la zone en courant pour ne pas s'effondrer en larmes. Elle était si heureuse du développement des évènements entre hier et aujourd'hui ! En si peu de temps, elle avait trouvé un travail avec des gens bienveillants et un endroit où rester en toute discrétion. Elle n'aurait normalement pas de problèmes désormais, elle allait s'en sortir, enfin ! Elle voyait le bout du tunnel !

Partant donc à toute vitesse, elle avança à travers le quartier et doucement, elle dériva vers le quartier résidentiel qui se trouvait proche d'Ikebukuro. Là, elle eut besoin de se promener dans quelques rues, casquette baissée sur le visage, pour enfin trouver un onsen. Payant les frais avec une partie de sa paye du jour, elle pu mettre la plupart de ses vêtements à laver à l'entrée des bains qui avaient aussi une partie laverie tandis qu'elle allait se plonger dans les bassins après s'être mise nue dans les vestiaires.

L'eau brûlante sur sa peau lui fit un grand bien et elle se laissa aller à ses rêveries de maison avec sa propre baignoire, imaginant pouvoir à nouveau discuter avec son père, sa mère et ses grands-parents. À vrai dire, elle avait du mal à se projeter dans le futur sans se raccrocher à sa famille aujourd'hui décédée. Elle n'arrivait pas à s'en détacher, comme bloquée dans ce qu'elle aurait voulu vivre plus longtemps mais qui s'était terminé abruptement avec le massacre de Monbetsu.

Lorsqu'elle ressortit, elle passa ses vêtements au sèche-linge une fois elle-même sèche et rhabillée. La jeune fille se mit alors à réfléchir à son plan pour la suite. Après tout, elle allait devoir trouver un moyen de câler les quarante-huit heures dans son planning de travail. Réfléchissant un peu, elle se souvint qu'elle finissait à quatorze heures le lendemain pour reprendre seulement à dix-neuf heures, une grande pause pour finir sans doute après vingt-deux heures trente le soir puisqu'elle allait faire la fermeture. A l'inverse, vendredi après-midi elle n'avait pas de travail, elle finissait simplement entre quinze et seize heures selon son efficacité et celle de ses coéquipiers sur le service de midi et le rangement qui s'en suivrait.

L'idéal donc était qu'elle dorme autant que possible ce soir puis qu'elle se fasse une grosse sieste entre ses deux services demain. Alors, elle n'aurait plus qu'à tenir jusqu'à vendredi dans l'après-midi pour pouvoir s'endormir. Oui, c'était un bon plan qui lui permettrait de tenir plutôt facilement et comme ça elle aurait une longue nuit pour être directement recalée sur un rythme normal en se levant pas trop tard le samedi. Et elle évitait une situation où elle devrait être épuisée le jeudi soir et se relever le lendemain assez tôt sans être complètement en forme pour le service de vendredi midi. Oui, comme ça, c'était bien !

De retour au cybercafé dans une cabine, l'Arai poussa la chaise sur le côté, usant de son sac comme oreiller et d'une veste pour garder une certaine chaleur. La nuit fut tranquille, et si le bruit permanent n'aidait pas à sombrer dans le sommeil, l'habitude et la fatigue seraient suffisants pour compenser. Ainsi, après seulement quelques minutes à somnoler, la jeune fille laissa son esprit voguer vers l'inconscience.

Le lendemain, le réveil qu'elle avait programmé résonna dans ses oreilles. Il était temps pour elle de se lever et de filer jusqu'au fastfood. S'habillant en quatrième vitesse, elle courut dans les rues en faisant un détour par le quartier où le marcher était bien vif. Là, elle se baladait comme souvent à l'arrière des stands, là où les vendeurs laissaient leurs produits invendables, généralement parce qu'ils n'étaient plus parfaitement propres à la consommation. Faisant disparaître quelques fruits en partie moisis et un morceau de pain trop dur, elle s'offrit un repas supplémentaire gratuit. Quelques coups de son petit couteau de poche et hop, elle avait à peu près deux pommes complètes et son quignon de pain. Un véritable festin pour qui n'était pas trop fervent de l'esthétique. Et elle savait s'accomoder de peu désormais, ayant prit le pli avec le temps. Elle ne pouvait pas faire la fine bouche et c'était plutôt une chance d'avoir des commerçants aussi lâches avec leurs produits.

À Sapporo par exemple, les vendeurs étaient généralement un peu plus économes et n'hésitaient pas à reprendre ces fruits pour en faire des jus, des salades de fruits et autres plaisirs gustatifs. Évidemment, ils prenaient le temps de couper et de jeter les morceaux moisis, mais ils avaient moins tendance  à abandonner des fruits à cause d'un petit trou de ver. Terminant en vitesse son repas de la matinée, plutôt en forme, Haruna se présenta à son travail avec quelques minutes d'avance. Elle se changea rapidement et alors débuta une journée de travail... Exceptionnellement banale. Les deux services se passèrent une nouvelle fois sans accrocs et elle fit un nouveau tour dans un cybercafé pour dormir l'après-midi comme prévu. Avec son salaire journalier, elle avait de quoi se trouver un bon endroit pour dormir. Ou, comme elle l'avait prévu, pour passer du temps sans se laisser aller.

La première étape fut un passage à la machine à café du centre commercial le plus proche. Pas cher, un petit expresso fort en caféine l'aiderait à mieux tenir ce qu'elle allait devoir affronter. À vrai dire, elle n'était pas encore fatiguée, mais elle préférait éviter les coups de mou suite à la digestion. Après tout, la demande était de rester éveillé pendant quarante-huit heures sans interruption, mais rien n'était indiqué sur ce qui était considéré comme tel et elle n'avait pas envie d'avoir des somnolences qui lui coûtent tous ses efforts. Maintenant, place au programme du jour. Elle avait un peu hésité, mais pour la première nuit, elle avait choisi de la passer au cybercafé.

Assise à vagabonder sur internet et à jouer à quelques jeux pour perdre du temps, elle savait qu'elle ne se fatiguerait pas trop et qu'elle pourrait ainsi laisser passer la nuit sans risquer de s'endormir. C'était une activité sans risques où elle ne risquait pas de se faire attraper par les créanciers qui réclamaient leur butin. Flanant entre divers sites de mode, elle se prit à imaginer posséder certains de ces habits, accessoires, chaussures. Elle s'amusa ainsi, se voyant en modèle photo ou star de cinéma, posant pour une campagne publicitaire pour un film qu'elle aurait fini de tourner. Elle en riait plus qu'autre chose, sachant très bien que ces rêves que certaines de ses camarades entretenaient n'avaient aucune chance d'arriver pour elle. La seule chose qu'elle pouvait espérer, c'était s'en sortir pas trop mal avec cette histoire de quêtes hebdomadaires et qu'elle parviendrait un jour peut-être à rembourser ses dettes.

Haruna dériva alors sur des sites divers, passsant en revue des pages de pub encore et encore. Elle était ennuyée par cette abondance nauséabonde, comme si qui que ce soit finissait pas acheter ces produits là. Si au moins ils étaient bien ! Au mieux, ils lui donnaient des idées générales de ce qu'elle devrait acheter lorsqu'elle aurait réussi à avoir tellement d'argent qu'elle n'aurait plus de dettes et qu'elle pourrait en plus s'acheter une maison avec un jardin loin d'ici oû elle pourrait couler des jours tranquilles. C'était plus attirant que de devoir fuir tout le temps des espèces de molosses affamés de victimes endettées. Comme si elle avait fait quoi que ce soit pour mériter ça... Pourquoi est-ce qu'elle manquait autant de chance ? Et elle venait de manquer de mourir il y a seulement une semaine. C'était tellement insensé... Trois heures du matin... Seulement... Il lui fallait encore cinq heures à alimenter.

Continuant ses recherches, elle se mit à dériver sur des cannaux de discussion, se perdant parfois dans de sombres à changes avec des pervers qui s'amusaient à proposer des photos de leur sexe et qui lui demandaient des photos d'elle. Mais alors que la logique aurait voulu qu'elle fuit rapidement ces repères à prédateurs sexuels, elle se trouva fascinée, amusée par la folie de certains. Enchainant les discussions, elle découvrit toutes sortes de folies et de passions en tous genres. De quoi la décomplexer sur les sujets les plus tordus, même si essayer la moindre de ses pratiques ne l'intéressait absolument pas. Déjà qu'elle n'avait jamais prit le temps de réfléchir si elle préférait les filles aux garçons... Est-ce que c'était quelque chose à quoi il fallait réfléchir seulement ?

Elle soupira vers sept heures, fatiguée et plutôt ennuyée de la redondance des échanges qu'elle pouvait avoir dans cette mine à sociopathes et délinquants sexuels. Bon, elle ne savait même pas ce qu'était un sociopathe vraiment, mais celui qui avait répété cent quarante trois fois en être un -elle avait recompté après tout- semblait vraiment en être un... Ou alors ça n'avait rien à voir. Elle prendrait le temps de chercher ça sur wikipédia plus tard, là, elle avait surtout envie d'un café et de se passer de l'eau sur le visage. Elle n'avait fait qu'un tour de cadran sur les quatre à passer.

Quittant donc le café et réglant ce qu'elle devait au gérant pour le temps passé à utiliser internet, elle passa d'abord par les toilettes du centre qui étaient plutôt bien entretenues. Se lavant rapidement avec du savon, elle était prête à repartir travailler une journée de plus, bien que cette dernière serait beaucoup plus dure. Faisant une pause à la machine à café, elle s'en prit un second plutôt fort. Il l'aiderait bien pour éviter les faiblesses aux alentours de dix heures qui allaient surement tenter de s'en prendre à son envie de réussir la quête.

Le premier service se passa sans problèmes pour la jeune fille aux yeux violacés, les clients se montrant agréables. Elle enchaînait les commandes et les nettoyages de tables quand certains partaient, s'assurant du bon fonctionnement de la salle. Ce n'est que vers quatorze heures alors que la plupart des clients partaient qu'elle sentit un petit premier coup de mou qu'elle dut combattre pendant une heure avant de pouvoir aller se chercher un café pour se remettre en scelle. Profitant de sa pause pour aller marcher un peu et prendre l'air, elle fit un tour au parc Ueno, profitant du moment pour visiter un musée qui s'y trouvait. Ne trouvant qu'un intérêt limité aux oeuvres qui y étaient présentées cependant, elle n'en retint pas grand chose si ce n'était le clerc qui n'était décidément pas très aimable. Il l'avait accueillie comme si elle était venue pour s'en prendre aux objets présentés, comme une délinquante en somme. Sans doute à cause de l'état de ses vêtements encore une fois.

L'Arai s'étira alors en quittant la bâtisse après avoir jeté un oeil à l'horloge qui trônait dans la salle d'accueil du public. Elle reprenait dans trente minutes. Juste le temps d'attraper un café puis d'aller se changer pour la reprise à dix-huit heures trente. Filant donc vers le Rail Road café en main, elle profitait au maximum de la chaleur qui s'en dégageait, le serrant dans ses mains pendant un petit moment avant de le boire. Elle n'aimait pas trop le goût, c'était fort, mais c'était pratique pour tenir réveillée.

Sur place, le service du soir lui prit à nouveau toute son attention et l'activité constante qui était requise de sa part balaya rapidement toutes ses chances de s'endormir. Récupérant son salaire, elle remercia Jotaro puis fila vers les onsens alors que la fatigue venait la frapper. L'eau l'aiderait à rester éveillée plus longtemps, du moins elle l'espérait. Ses vêtements au vestiaire, une serviette accrochée au dessus de sa poitrine, la jeune fille avait noué ses cheveux pour ne pas qu'ils la gênent. Et puis elle ne voulait pas les mouiller aujourd'hui, le froid de la nuit aurait tôt fait de la faire tomber malade et c'était bien la dernière chose qu'elle voulait. Se glissant dans les bains, elle frissonna d'abord, mais la fraîcheur la réveilla bien sur le coup. Restant seulement quelques minutes dans le bain froid, elle en sortit rapidement pour aller se glisser dans le bain chaud qui la fit littéralement fondre. Mais là aussi, elle ne resta pas longtemps. La raison était cependant différente, la chaleur la faisait s'endormir sur le coup, comme si elle était prise dans une bonne couette bien chaude. Voilà longtemps qu'elle n'avait pas pu dormir dans de très bonnes conditions. Peut-être pourrait-elle se payer une nuit dans un hôtel pas trop cher un de ces jours, ça lui permettrait de se reposer au chaud. Secouant un peu la tête pour ne pas s'endormir et manquer son but, elle sortit des onsens et se sécha en vitesse avant de réenfiler ses vêtements. De nouveau prête, elle ressortit et hésita quelques instants. Et maintenant ?

Le cybercafé avait l'avantage de lui offrir une certaine chaleur, mais elle avait plus de chances de s'y endormir. Remarque, si elle prenait un café, elle pourrait toujours y rester un moment et en repartir quand elle aurait fini. Oui, ça c'était une bonne solution. La belle se dirigea donc là où elle avait l'habitude d'aller puisque le prix était faible et elle s'y posa pour quelques heures, café en main. Ce n'est finalement que lorsqu'elle commença à piquer du nez vers deux heures du matin qu'elle se décida à repartir.

Quittant donc l'établissement après avoir prit un nouveau café à la machine, Haruna profita de la nuit, casquette rabattue sur le visage pour éviter d'être reconnue, pour sortir et marcher longuement dans les rues de Tokyo. Un quartier après l'autre, elle se fit une boucle pendant quelques heures ainsi. Le vent d'hiver qui soufflait était plutôt désagréable, froid, humide. Elle préférait celui d'automne, plus doux, plus sec. Se frottant les mains l'une contre l'autre pour les réchauffer, elle passa devant toute sorte de boutiques, esquivant les quartiers les plus mal famés où elle avait plus de chance de croiser des yakuza. Être reconnue était bien la dernière chose qui devait lui arriver maintenant. Elle préféra choisir les quartiers plus riches et s'y perdit un peu, faisant halte dans un konbini qui avait quelques machines sur sa devanture. Comme elle sentait la fatigue peser de plus en plus sur ses épaules, elle se fit un nouveau shoot de caféine, profitant une nouvelle fois de la chaleur que le gobelet dégageait. Il était maintenant six heures du matin, il fallait qu'elle revienne vers Ikebukuro pour retrouver son poste à l'heure. C'est sans encombres que ce petit trajet se déroula et enfin, elle arriva devant le Rail Road, saluant au passage Jolyne qui était en train de s'occuper de la devanture, de s'assurer que tout était propre.

« Ohayo gozaimasu Jolyne !
- Ohayo Haruna-chan, change-toi et vient m'aider, j'ai un peu du mal à sortir les tables ce matin, mon dos me fait mal.
- Oh ! Je me dépèche ! »

Ne voulant pas faire trop attendre sa patronne apparemment souffrante, l'Arai fila vers les vestiaires, saluant Jotaro et Mamako, Nami ne travaillant pas ce matin. Elle rejoignit alors Jolyne qui l'attendait en nettoyant les tables pour qu'elles soient impeccables et à deux, elles purent les disposer sans mal sur la terrasse. Cette dernière était moins utilisée en hiver, mais elle était tout de même occupée par les clients qui patientaient pour leurs plats à emporter. Cette tâche terminée, la brune put s'employer à toutes ses occupations habituelles jusqu'à la fin du service. Soulagée d'avoir tenu jusque là sans trop de mal, l'occupation constante aidant grandement, elle salua Jotaro qui lui donna son salaire évidemment plus faible aujourd'hui puisqu'elle n'avait fait qu'un service. Mais qu'importe, elle avait fini sa première semaine.

« On est très satisfaits de ton travail Haruna-chan, j'espère que tu continueras de travailler chez nous encore longtemps haha ! Et tu es mignonne comme tout, je suis sûr qu'on va bientôt avoir une affluence de clients pour venir te voir ! »

Un peu gênée des propos du patron qu'elle savait bienveillant, elle rougit et fit simplement un petit salut de tête.

« Arigato, mais je pense que vous me surestimez, enfin, j'espère quand même qu'il y aura plus de clients, j'aime bien votre restaurant, ce sera bien s'il marche de mieux en mieux !
- Ahah ! Je suis totalement d'accord avec toi ma petite ! Je te retiens pas plus longtemps, va te reposer, tu m'as l'air bien fatiguée ! Tu as mérité une bonne sieste, tu nous as fait un super travail aujourd'hui encore de ce que m'a dit Jolyne ! »

Répondant juste par un sourire cette fois-ci, Haruna le salua à nouveau avant de lui souhaiter bon courage pour le service du soir et elle sortit de l'établissement. Après quelques minutes de réflexion, elle choisit de se diriger vers un karaoké un peu plus loin. Elle avait besoin de dormir mais pas tout de suite, il lui restait quelques heures à tenir. Et puis elle serait au chaud et au bon endroit pour dormir dès qu'elle aurait dépassé les quarante-huit heures.