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Vsevolod Yegorovich
Vsevolod Yegorovich
Messages : 7
Date d'inscription : 06/12/2020

Apesanteur [quête hebdomadaire/solo] Empty Apesanteur [quête hebdomadaire/solo]

Jeu 14 Jan - 15:16
Placé juste après la sortie de la ville mais tout de même juché à bonne distance des petites routes de campagne qui tourmentent la ruralité nippone, la petite base nautique Ateagashi n’accueillait généralement que des locaux entêtés qui refusaient de faire mouiller leurs vieilles barcasses et autres embarcations vieillissantes dans le grand port de la région. C’était un assemblage qui s’était lors de sa construction voulu moderne, un gros cube de béton flanqué de deux cubes plus modestes, le tout donnant sur quelques rampes qui menaient à la mer perpétuellement glacée et houleuse du nord du pays. Largement abandonné par les autorités régionales, l’endroit tombait comme beaucoup de lieux du pays en ruine, témoin silencieux des ambitions post-guerre d’un pays maintenant essoufflé. Il y restait un vieil homme au teint mat et à la peau épaisse, mélange architectural lui aussi détonnant entre aïnu et insulaire méridional. Vsevolod lui fit un geste amical de la main et un sourire engageant en passant près de la guérite dans laquelle il hibernait, politesse qui ne lui valut qu’un grognement court et bas. Ne se formalisant pas de la chose (le vieux type avait lors de ses nombreuses heures perdues fait une consommation pour le moins importante de films de pirates et de marins occidentaux, et adoptait maintenant leurs manières bourrues), il s’engagea sur le chemin qui menait à son bateau. Enfin, celui qu’il possédait de manière officielle. Il en avait bien dissimulé plusieurs autres dans divers coins perdus des côtes de la région, des fois qu’il soit obligé de prendre la fuite par la mer. C’était une opportunité déplaisante, et à vrai dire fantasque, mais que son train de vie lui imposait de garder en tête. Perdu dans ses pensées, il n’en sortit que lorsque l’odeur de l’iode et le bruit humide de ses grosses bottes en caoutchouc le ramenèrent sur terre. Il regarda en face de lui. Personne n’était sorti, en ce moment. Ce n’était pas étonnant. Aucun pécheur professionnel n’utilisait ce trou perdu, et le temps était en ce moment bien trop froid pour une balade de plaisance. Il doutait à vrai dire qu’ils soient plus de cinq à utiliser plus de trois fois par an l’endroit.

Peu importait. Il se dirigea vers son embarcation, un modeste petit navire motorisé. Rien à voir avec les beaux vaisseaux que les gens fortunés s’offraient : le sien était moyennement entretenu. La peinture s’écaillait, et le moteur, dont la grande majorité des pièces n’était plus d’origine, faisait un bruit original, à mi-chemin entre le cri d’un ornithorynque bourré d’aphrodisiaque et celui d’un rotor d’hélicoptère. Il sauta à bord, prenant un court instant pour faire la transition entre sol solide et plancher de navire, avant de poser sa large glacière au sol et de la caler contre la rambarde en la poussant du pied. Il s’approcha du moteur, et dévissa le bouchon, avant de refaire le plein à l’aide du jerrican qu’il venait d’apporter, et de le reboucher avant de le ranger à son tour. Il regarda autour, prenant la mesure de son environnement. Au moins le temps, bien que nuageux, n’était-il ni pluvieux ni venteux. Il tira sur la poulie débrayable, une fois, deux fois, trois fois, faisant ronronner son engin, jusqu’à ce que celui-ci émette enfin le bruit satisfaisant qui indiquait qu’il était allumé. S’asseyant près de ce dernier, il prit en main le manche, et démarra. Il avait un itinéraire somme toute relativement long devant lui, et s’il voulait faire les choses bien, il devait s’activer.

Son voyage se passa relativement tranquillement, le roulement monotone de son véhicule l’endormant quelque peu. Il s’était initialement dirigé ici pour se débarrasser de certains déchets laissés par ses partenaires précédents. S’il utilisait la plupart des restes de leurs corps, que ce soit en s’assurant qu’ils soient consommés, transformés en engrais ou en objets du quotidien, certaines parties étaient tout simplement trop encombrantes, et n’avaient rien à faire chez lui. Son champ de patates, de taille finalement bien modeste, ne pouvait après tout supporter qu’une quantité limitée d’engrais d’os avant d’être surchargé. A cela s’ajoutait le problème des dents, bien encombrantes, et des cheveux, difficiles à faire disparaitre même en les brûlant. Même s’il aimait la nature, et pensait être possédé d’une certaine fibre écologique, il devait donc bien se résoudre à polluer (bien malgré lui) les fonds marins de ses déchets. Il n’avait donc pas réellement étonné quand le système se rappela à son bon souvenir, le bruit de grelot caractéristique de l’annonce d’une nouvelle quête l’interrompant un bref instant. Ce dernier lui avait expliqué qu’il devait plonger à cent mètres de profondeur, et y rester en apnée cinq minutes. Si le brave joueur n’était pas le plus grand expert de l’élément marin, il savait tout de même nager de manière très convenable, et se rappelait encore des bains dans l’eau glacée des rivières que sa famille prenait parfois après certaines cérémonies religieuses, s’éloignant sans doute un peu du dogme normalement établi. Il finit par immobiliser son rafiot. Rien autour de lui que la mer, grise et plate et endormie.
Vsevolod Yegorovich
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Jeu 14 Jan - 15:40
Il se dirigea vers le bac réfrigéré, l’ouvrant d’une main précautionneuse. Il sortit le peck de bière, et le posa à côté, avant de faire de même pour la nourriture, dévoilant finalement une bache de plastique noir qu’il enleva également. En-dessous de cette dernière, entassés dans des sacs poubelles triple-épaisseur de la même couleur se trouvaient les détritus qu’il était venu faire disparaitre. Un sourire mélancolique troubla le masque précédemment impassible de son visage, et il commença à les balancer par-dessus bord. C’était triste. Il aurait aimé avoir le luxe de garder ces souvenirs de ses escapades, mais il devait rester raisonnable. Les emballages, soigneusement lestés, coulèrent rapidement. Sa tache accomplie, le joueur s’autorisa une petite pause, et s’ouvrit une canette de bière. Il n’appréciait pas ce genre d’alcool, qu’il considérait faiblard et réservé à une engeance plus chétive que celle à laquelle il appartenait, mais un pack de bière dans un glacière attirait moins l’attention qu’une bouteille de vodka. Raisonnable, se répéta-t-il. Il descendit d’une traite le contenu de la première canette, avant de d’enchaine dans un mouvement d’une rare fluidité sur la deuxième, puis la troisième, compressant dans ses mains épaisses le métal de ces dernières une fois leurs contenus dument pillés. Il s’autorisa un rot tonitruant, qui raisonna comme un coup de tonnerre dans l’espace vide autour de lui. Soupirant, il s’attela ensuite à la deuxième raison de sa présence ici, se déshabillant complètement. Il n’avait initialement pas prévu de plonger, et n’avait pas emporté de maillot de bain. Il devrait plonger nu, rappel supplémentaire de sa plus tendre enfance. S’en aurait presque été nostalgique.

A ceci près qu’il n’était plus un enfant, et à vrai dire plus vraiment humain. Le froid de la mer et l’idée de retenir son souffle pendant cinq minutes étaient avant même que le système n’étende son influence sur lui pas des contraintes facilement surmontées. Un de ses jeux, lui aussi remontant à sa jeunesse la plus tendre, avait toujours été de simuler sa propre noyade. D’abord dans les rivières, puis dans les lavabos. Le faire dans la mer n’y changerait au final pas grand-chose. Il devrait simplement éviter d’expulser volontairement de ses larges poumons l’oxygène qui y était stocké, et faire sans la sensation enivrante et cannibale d’oubli et de néant. Il inspira profondément, sa cage thoracique se soulevant légèrement, et il plongea, les deux mains en avant. L’eau salée se projeta contre ses yeux, et le monde changea. Le jour n’était déjà à l’air libre pas particulièrement lumineux, et il était sous l’eau trouble difficile d’y voir clairement. Il battit des pieds, suivant les sacs qui devant lui coulaient lentement, comme les cadavres de petites méduses. Il ne savait pas à vrai dire comment faire pour savoir quand il aurait franchi le palier des cent mètres. Il supposait qu’il devrait faire ça au ressenti. Il entama donc une descente lente, prenant garde aux risque barotraumatiques, le gouffre de plus en plus sombre de l’océan rendant rapidement ses yeux inutiles. C’était une sensation étrange. Sa vision ne lui servait à rien. Son odorat ne lui servait à rien. Son ouïe ne lui servait à rien. Il ne lui restait que le sens du toucher, qui lui retransmettait de manière continue une sensation absolue de froid et de danger, et la partie la plus animale de son cerveau, qui lui hurlait de remonter, qui lui disait qu’il n’était pas dans son élément. C’était faux. Il était dans son élément partout où il posait le pied, partout où il pouvait conquérir les autres créatures qui parasitaient son monde.

Il ne voyait plus les sacs, noirs sur fond noir.

Il continua à battre des pieds, toutefois. Il devait descendre, encore et encore. Il regrettait en ce moment que l’homme ne soit pas une espèce plus marine : la plupart de ses parties de chasses n’avaient rien à voir avec l’eau, et il n’avait que rarement eu le privilège de noyer ses congénères. C’était pourtant une expérience plaisante, et même en ce moment, alors qu’il était désespérément seul, il pouvait l’apprécier pleinement. C’était, sans mauvais jeu de mot, un retour aux sources, à l’étreinte sécurisante et froide du placenta maternel. C’était une euphorique dégénérescence, car après les sens c’était le corps et l’esprit qui s’atrophiaient. Il décida finalement de s’immobiliser. Il ne savait pas depuis combien de temps il nageait, mais il était certain d’avoir largement dépassé les prérequis réclamés par le système.

Il pouvait tourner autour de lui, ou regarder en-dessous. Partout, c’était la même étendue monochrome, cette teinte opaque d’encre qui phagocytait la lumière et régurgitait les ténèbres. Il n’y avait rien, rien que la pulsation lente de son corps, rien que son corps, cette masse de viande supportant la pression de tout un océan. Il n’y avait rien que lui, et en ce moment, il se rendit compte qu’il était heureux.
Vsevolod Yegorovich
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Jeu 14 Jan - 16:09
Il était heureux. Ou plutôt, accompli. Le concept du bonheur, du contentement et des choses de ce genre était pour lui assez abstrait. Il était un homme agité, dans tous les sens du terme, et ses pulsions demandaient plus à être exorcisées que satisfaites, lui accordant lorsqu’il le faisait quelque chose qui ressemblait plus à du répit qu’à de la joie. De la jubilation, mauvaise et vicieuse, peut-être. Mais ici, il était accompli, comme il l’avait rarement été. La membrane fine de sa peau était tout ce qui retenait l’intégralité de son essence corporelle de l’anéantissement par les incommensurables trombes d’eau qui le compressaient, mais il se sentait bien. Rien ici ne pouvait stimuler son esprit, aucune lumière, aucun flash lumineux ne pouvait exciter sa pupille, aucun morceau de viande, aucun corps tendu par le mouvement ne pouvait faire naître en lui des appétits violents. Il n’y avait rien ici que les courants marins qui faisaient dériver son corps, et lui. Il caressa un instant l’idée de descendre plus profondément encore, jusqu’à ce que la pression se fasse trop puissante, même pour les forces surnaturelles qui renforçaient son corps. Il se vit, l’espace d’une infime fraction de seconde, sortir de sa position fœtale, et battre des pieds et des mains, imitant les mouvements confus d’un nouveau-né. Ses sinus, ses tympans, les sacs délicats de ses poumons s’effondreraient sur eux-mêmes, et son corps imploserait. Il toucherait les fonds-marins après une longue chute, et sa carcasse rejoindrait les sacs poubelles qu’il avait lâché. Les crabes, et les poissons et les autres nettoyeurs viendraient festoyer sur sa viande, les saveurs exotiques affolants leurs esprits primitifs.

Malgré lui, il sentit son corps se déployer, et il esquissa un premier mouvement. Il pouvait aller voir, se dit-il. Il n’était pas forcément nécessaire de mener son fantasme jusqu’au bout. Même sans le faire, il était possible de plonger, de comprendre un peu plus ce qui l’attendait si d’aventure il s’avisait de réellement finaliser l’expérience. Son bras droit se tendit devant lui, avant de se ramener contre son corps. Il n’avait jamais été aussi conscient en ce moment de son corps, du jeu roulant de ses muscles, du rythme lancinant du sang qui pulsait dans ses veines. Il sentit son geste ramener sur son flanc de l’eau, le courant le propulsant en avant. Un autre mouvement vint compléter le premier, rapidement suivit de tout un cycle. Il coulait. Ce n’était pas tant qu’il nageait, mais bien qu’il coulait, attiré de manière irrépressible par la possibilité que son esprit extatique avait deviné.

Et puis, il y eut le système, et son éternel bruit. Un bruit artificiel et aigu, totalement étranger aux ondes sonores basse fréquence qui dérivaient au gré des courants sous-marins. C’était le cristal du rire haï d’une pute de kabukicho, c’était la sonnerie d’un téléphone venant troubler une ballade en nature, c’était la voix de sa mère lorsque son père le battait ou que sa sœur ou son frère le touchait. C’était le bruit d’un chien qui couinait, c’était la complainte de quelqu’un qui lui échappait. Il s’immobilisa, et sa gueule s’ouvrit sur un hurlement silencieux, l’air encore emprisonné dans les confins de son corps s’échappant de lui en un flot de petites bulles, rapidement éclatées. Les yeux rouges et fatigués, il se retourna, commençant à retourner à la surface. On disait souvent qu’il était facile de se perdre, submergé à une telle profondeur, que les directions perdaient de leur sens. Il en doutait. En haut, il y avait le monde. En bas, la délivrance. Rien qui ne soit interchangeable, ou de nature à troubler l’esprit. Il remonta, encore et encore, ignorant son corps qui se plaignait. Il fallait y aller lentement, évitant les accidents de décompression. Il fallait rester sous l’eau, encore un peu, profiter de cette parenthèse éphémère, de l’incohérence apaisante de ses pensées.

Il réémergea finalement, inspirant goulument un large bol d’air, renvoyant en arrière sa tignasse, venue s’écraser sur le devant de son visage. Il regarda autour de lui. Son bateau avait dérivé, chose peu étonnante, et se trouvait relativement loin de lui. Il nagea vers son embarcation, les dents serrées, peinant à défaire ses poings pour que ses mains prennent la forme de palmes. Il était ressorti de l’eau, et cela voulait dire qu’il fallait repousser les idées qu’il avait eu lors de sa plongée. Ces dernières appartenaient au domaine aquatique, à un autre Vsevolod, à un être qui avait existé pendant quelques courtes minutes. Il était mort. Il était dévoré. Et ses pensées à lui, au Vsevolod qui existait encore, à la chair et aux os et au sang et à l’esprit qui les animait, devaient être efficaces, comme avant. Quand sa main se posa sur le rebord de son navire, et qu’il se hissa à bord, il était redevenu lui-même.

Il avait encore à faire. Peut-être pas aujourd’hui, mais demain. Et qui sait, peut-être trouverait-il un moyen de partager ses découvertes du jour avec certains de ses pairs.
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